Textes philosophiques

Sartre      le caractre ek-statique de la conscience habituelle


    La conscience et le monde sont donns d'un mme coup : extrieur par essence la conscience, le monde est, par essence, contraire elle. [...] Connatre, c'est s'clater vers , s'arracher la moite intimit gastrique pour filer, l-bas, par-del soi, vers ce qui n'est pas soi, l-bas, prs de l'arbre et cependant hors de lui, car il m'chappe et me repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu'il ne se peut diluer en moi : hors de lui, hors de moi. Est-ce que vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vos pressentiments ? Vous saviez bien que l'arbre n'tait pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres, et que la connaissance ne pouvait pas, sans malhonntet, se comparer la possession. Du mme coup, la conscience s'est purifie, elle est claire comme un grand vent, il n'y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ; si, par impossible, vous entriez ' dans une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejet au dehors, prs de l'arbre, en pleine poussire, car la conscience n'a pas de dedans ; elle n'est rien que le dehors d'elle-mme et c'est cette fuite absolue, ce refus d'tre substance qui la constituent comme une conscience. Imaginez prsent une suite lie d'clatements qui nous arrachent nous-mmes, qui ne laissent mme pas un nous-mmes le loisir de se former derrire eux, mais qui nous jettent au contraire au-del d'eux, dans la poussire sche du monde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejets, dlaisss par notre nature mme dans un monde indiffrent, hostile et rtif ; vous aurez saisi le sens profond de la dcouverte que Husserl exprime dans cette fameuse phrase : Toute conscience est conscience de quelque chose. Il n'en faut pas plus pour mettre un terme la philosophie douillette de l'immanence, o tout se fait par compromis, changes protoplasmiques, par une tide chimie cellulaire. La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand'route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumire. tre, dit Heidegger, c'est tre-dans-le-monde. Comprenez cet tre dans au sens du mouvement. tre, c'est clater dans le monde, c'est partir d'un nant de monde et de conscience pour soudain s'clater-conscience-dans-le-monde. Que la conscience essaye de se reprendre, de concider enfin avec elle-mme, tout au chaud, volets clos, elle s'anantit. Cette ncessit pour la conscience d'exister comme conscience d'autre chose que soi, Husserl la nomme intentionnalit.

 

Indications de lecture:

       Voir la leon Conscience et connaissance de soi.


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