LES PROVINCIALES DE PASCAL ROURLOTON. — Imprimeries réunies, B, rue Mi^Mion, 2. PROVINCIALES PASCAÉ = )UVELLE ÉDITIOM. ^VEC D ERNEST HAVET TOME SEtOSD PARIS LIBRAIRIE Cil. DELACRAVE 15, ItUK SOUtKLOT, 15 1887 I PROVINCIALES DE PASCAL ERNEST HAVET TOME SECOND PARIS LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE 15, BUE SOUFFLOT, 15 PROVINCIALES DE PASCAL ERNEST HAVET TOME SECOND LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE 15, HUE SOUFPLOT, 13 DIXIÈME LETTRE ECRITE A UN PROVINCIAL PAR UN DE SES AMIS De Paris, ce 2 avril 1656. Monsieur , Ce n'est pas encore ici la politique de la Société , mais c'en est un des plus grands principes, et vous y verrez les adoucissements de la confession, qui sont assu- rément le meilleur moyen que ces Pères aient trouvé pour attirer tout le monde et ne rebuter personne. Il fallait savoir cela avant que de passer outre ; et c'est pourquoi le Père trouva à propos de m'en instruire en cette sorte. Vous avez vu , me dit-il , par tout ce que je vous ai dit jusques ici, avec quel succès nos Pères ont travaillé à découvrir , par leurs lumières , qu'il y a un grand nombre de choses permises qui passaient autrefois pour défendues ; mais parce qu'il reste encore des péchés qu'on n'a pu excuser , et que l'unique remède en est la confession , il a été bien nécessaire d'en adou- cir les difficultés par les voies que j'ai maintenant à vous dire. Et ainsi, après vous avoir montré dans toutes nos conversations précédentes comment on a sou- lagé les scrupules qui troublaient les consciences, en fai- sant voir que ce qu on croyait mauvais ne l'est pas , il à 2 LETTRES PROVINCIALES reste à vous montrer en celle-ci la manière d'expier facilement ce qui est véritablement péché , en rendant la confession aussi aisée qu'elle était difficile autrefois. — Et par quel moyen , mon Père ?— C'est , dit-il , par ces subtilités admirables qui sont propres à notre Compagnie , et que nos Pères de Flandre appellent, dans l'Image de notre premier siècle, 1. 3, or. 1, p. 401, et 1. 1 , c. 2, rfe pieuses et saintes finesses ^ et un saint artifice de dévotion : piam et religiosam callidi- 'tatem, eipietatis solertiam, au 1. 3, c. 8. C'est par le moyen de ces inventions que les crimes s'expient au- jourd'hui alacrius, avec plus d'allégresse et d^ ardeur^ qu'ils ne se commettaient autrefois; en sorte que plu- sieurs personnes effacent leurs taches aussi prompte- ment qu'ils les contractent : plunmi vix citius maculas contrahunt y quam eluunt ^ comme il est dit au même lieu. — Apprenez-moi donc, je vous prie, mon Père, ces finesses si salutaires. — Il y en a plusieurs , me dit- il ; car, comme il se trouve beaucoup de choses pé- nibles dans la confession , on a apporté des adoucisse- ments à chacune. Et parce que les principales peines qui s'y rencontrent sont la honte de confesser certains péchés*, le soin d'en exprimer les circonstances, la pé- nitence qu'il en faut faire , la résolution de n'y plus tomber, la fuite des occasions prochaines qui y en- gagent, et le regret de les avoir commis; j'espère vous motitrer aujourd'hui qu'il ne reste presque rien de fâ- cheux en tout cela, tant on a eu soin d'ôter toute l'amer- tume et toute l'aigreur d'un remède si nécessaire. Car, pour commencer par la peine qu'on a de con- fesser certains péchés", comme vous n'ignorez pas qu'il i. De confesser de certains péchés. 2, De certains péchés. M ^ ^Vl DIXIEME LETTRE 3 est souvent assez important de se conserver dans Tes- time de son confesseur, n'est-ce pas une chose bien commode de permettre, comme font nos Pères, et entre autres Escobar, qui cite encore Suarez,tr. 7, a. 4, n. 135, d'avoir deux confesseurs , Vun pour les péchés mortels , et Vautre pour les véniels , afin de se maintenir en bonne réputation auprès de son confes^ seur ordinaire, uti bonam famam apud ordinarium tueatur, pourvu qu'on ne prenne pas de là occasion de demeurer dans le péché mortel ? Et il donne ensuite un autre subtil moyen pour se confesser d'un péché à son confesseur ordinaire même*, sans qu'il s'aper- çoive qu'on l'a commis depuis la dernière confession. C^est , dit-il , de faire une confession générale , et de confondre ce dernier péché avec les autres dont on s'accuse en gros. Il dit encore la même chose, princ.*, ex, 2, n. 73. Et vous avouerez, je m'assure , que cette décision du Père Bauny, Théol. mor., tr. 4, q. 15, p.l37, soulage encore bien la honte qu'on a de confesser ses rechutes : Que, hors de certaines occasions ^ qui n'arrivent que rarement, le confesseur n^a pas droit de demander si le péché dont on s^ accuse est un péché d* habitude ; et qu'on n'est pas obligé de lui répondre sur cela , parce qu'il n'a pas droit de donner à son pé- nitent la honte de déclarer ses rechutes fréquentes. — Comment, mon Père ! j'aimerais autant dire qu'un médecin n'a pas droit de demander à son malade s'il y a longtemps qu'il a la fièvre. Les péchés ne sont-ils pas tout différents selon ces différentes circonstances ? et le dessein d'un véritable pénitent ne doit-il pas être d'exposer tout l'état de sa conscience à son confesseur, 1. Même à sou confesseur ordinaire 2. Inpriuc. 4 LETTRES PUOVINCIALES avec la même sincérité et la métne ouverture du cœur' que s'il parlait à Jésus-Christ , dont le prêtre tient la place? Et n'est-on pas' bien éloigné de cette disposi- tion quand on cache ses rechutes fréquentes , pour ca- cher la grandeur de son péché? Je vis le bon. Père embarrassé là-dessus : de sorte qu'il pensa à éluder cette difficulté plutôt qu'à la résoudre , en m'apprenant une autre de leurs règles , qui établit seulement un nouveau désordre , sans justifier en aucune sorte cette décision du Père Bauny ; qui est, à mon sens , une de leurs plus pernicieuses maximes, et des plus propres à entretenir les vicieux dans leurs mauvaises habitudes. — Je demeure d'accord, me dit-il, que l'habitude aug- mente la malice du péché , mais elle n'en change pas la nature : et c'est pourquoi on n'est pas obligé à s'en confesser, selon la règle de nos Pères, qu'Escobar rapporte , princ.', ex, 2, n. 39 : Qu'on n'est obligé de confesser que les circonstances qui changent l'espèce du péché y et non pas celles qui V aggravent. C'est selon cette règle que notre Père Granados dit, in 5 par., cont. 7, tr. 9, d. 9, n. 22, que si on a mangé de la viande en carême , il suffit de s'accuser d'avoir rompu le jeûne ^ sans dire si c'est en mangeant de la viande , ou en faisant deux repas maigres. Et , selon notre Père Reginaldus , tr. 1, 1. 6, c. 4, n. 114, un de- vin qui s'est servi de l'art diabolique n'est pas obligé de déclarer cette circonstance ; mais il suffit de dire qu'il s'est mêlé de deviner, sans exprimer si c'est par la chiromance , ou par un pacte avec le démon. Et Fagundez, de notre Société, p. 2, 1. 4, c. 3, n. 17, dit aussi : Le rapt n'est pas une circonstance qu'on soit \ . Ouverture de cœur. 2. Or n'est-on pnp. 3. hî princ. - DIXIEME LETTRE fî tenu de découvrir^ quand la fille y a consenti. Notre Père Escobar rapporte tout cela au même lieu ,' n.41, 6i, 62, avec plusieurs autres décisions assez curieuses des circonstances qu'on n'est pas obligé de confesser. Vous pouvez les y voir vous-même. — Voilà, lui dis-je , des artifices de dévotion bien accommo- dants. —Tout cela néanmoins, dit-il, ne seraitrien, si on n'a- vait de plus adouci la pénitence, qui est une des choses qui éloignait ' davantage de la confession. Mais main- tenant les plus délicats ne la sauraient plus appréhender, après ce que nous avons soutenu dans nos thèses du collège de Clermont : Que si le confesseur impose une ^ pénitence convenable, convenientem, et qu'onne veuille pas néanmoins Vaccepter, on peut se retirer en renon- çant à l'absolution et â la pénitence imposée. Et Escobar dit encore , dans la Pratique de la pénitence selon notre Société, tr. 7, ex. i, n. 188 : Que si le pénitent déclare qu'il veut remettre à Vautre monde à faire pénitence, et souffrir en purgatoire toutes les peines qui lui sont dues, alors le confesseur doit lui imposer une péni- tence bien légère, pour l'intégrité du sacrement, et prin- cipalement s'il reconnaît qu'il n'en accepterait pas une plus grande. — Je crois, lui dis-je, que, si cela était, on ne devrait plus appeler la confession le sacrement de pénitence. — Vous avez tort, dit-il ; car au moins on en donne toujours quelqu'une pour la forme. — Mais, mon Père, jugez-vous qu'un homme soit digne de re- cevoir l'absolution quand il ne veut rien faire de pé- nible pour expier ses offenses ? et quand des personnes sont en cet état, ne devricz-vous pas plutôt leur retenir leurs péchés que de les leur remettre? Avez-vous l'idée {. Qui i^loipiiaient. 6 LETTRES PROVINCIALES véritable de votre ministère ? et ne savez- vous pas que vous y exercez le pouvoir de lier et de délier? Croyez- vous qu'il soit permis de donner l'absolution indiffé- remment à tous ceux qui la demandent, sans recon- naître auparavant si Jésus-Christ délie dans le ciel ceux que vous déliez sur la terre? — Eh quoi! dit le Père, pensez-vous que nous ignorions que le confesseur doit se rendre juge de la disposition de son pénitent, tant parce qu'il est obligé de ne pas dispenser les sacrements à ceux qui en sont indignes, Jésus-Christ lui ayant ordonné d'être dispensateur fidèle, et de ne pas donner les choses saintes aux chiens^ que parce qu'il est juge, et que c'est le devoir d'un juge de juger justement, en déliant ceux qui en sont dignes, et liant ceux qui en sont indignes, et aussi parce qu'il ne doit pas absoudre ceux que Jésits-Christ condamne? — De qui sont ces paroles-là, mon Père? — De notre Père Filiutius, répli- qua-t-il, to. 1, tr. 7, n, 354. — Vous me surprenez, lui dis-je; je les prenais pour être d'un des Pères de l'Église. Mais, mon Père, ce passage doit bien étonner les con- fesseurs, et les rendre bieil circonspects dans la dis- pensation de ce sacrement, pour reconnaître si le re- gret de leurs pénitents est suffisant, et si les promesses qu'ils donnent de ne plus pécher à l'avenir sont rece- vables. — Cela n'est point du tout embarrassant, dit le Père : Filiutius n'avait garde de laisser les confesseurs dans cette peine; et c'est pourquoi il leur donne, en- suite de ces paroles, cette méthode facile pour en sor- tir : Le confesseur peut aisément se mettre en repos touchant la disposition de son pénitent : car s'il ne donne pas des signes suffisants de douleur, le confesseur n'a qu'à lui demander s'il ne déteste pas le péché dans son âme; et, s'il répond que oui, il est obligé de l'en croire. Et il faut dire la même chose de la résolution pour Vave- DIXIEME LETTRE 7 nir, à moms qu'il y eût quelque obligation de restituer^ ou de quitter quelque occasion prochaine. — Pour ce passage, mon Père, je vois bien qu'il est de Filiutius. — Vous TOUS trompez, dit le Père : car il a pris tout cela mot à mot de Suarez, in 3 part. , to. 4^ disp. 3â, sect. â, n. â. — Mais, mon Père, ce dernier passage de Fi- liutius détruit ce qu'il avait établi dans le premier ; car les confesseurs n'auront plus le pouvoir de se rendre juges de la disposition de leurs pénitents, puisqu'ils sont obligés de les en croire sur leur parole, lors même qu'ils ne donnent aucun signe suffisant de douleur. Est-ce qu'il y a tant de certitude dans ces paroles qu'on donne, que ce seul signe soit convaincant? Je doute que Fexpérience ait fait connaître à vos Pères que tous ceux qui leur font ces promesses les tiennent, et je suis trompé s'ils n'éprouvent souvent le contraire. — Cela n'importe, dit le Père ; on ne laisse pas d'obliger tou- jours les confesseurs à les croire : car le Père Bauny, qui a traité cette question à fond dans sa Somme des péchés, c. 46, p. 1090, 1091 et 1092, conclut que toutes les fois que ceux qui récidivent souvent, sans qu'on y voie aucun amendement, se présentent au confesseur, et lui disent qu'ils ont regret du passé et bon dessein pour r avenir, il les en doit croire sur ce qu'ils le disent, quoiqu'il soit à présumer telles résolutions ne passer pas le bout des lèvres. Et quoiqu'ils se portent ensuite avec plus de liberté et d'excès que jamais dans les , mêmes fautes, on peut néanmoins leur donner l'abso^ lution selon mon opinion. Voilà, je m'assure, tous vos doutes bien résolus. — Mais, mon Père, lui dis-je, je trouve que vous im- posez une grande charge aux confesseurs, en les obli- geant de croire le contraire de ce qu'ils voient. — Vous n'entendez pas cela, dit-il; on veut dire parla qu'ils â \ 8 LETTRES PROVINCIALES sont obligés d'agir et d'absoudre, comme s'ils croyaient que cette résolution fût ferme et constante, encore qu'ils ne le croient pas en effet. Et c'est ce que nos Pères Suarez et Piliutius expliquent, ensuite des passages de tantôt. Car, après avoir dit que le prêtre est obligé de croire son pénitent sur sa parole ^ ils ajoutent quHl n'est pas nécessaire que le confesseur se persuade que la résolution de son pénitent s^exécutera, ni qu'il le juge même probablement ; mais il suffit quHl pense qu'il en a à Vheure même le dessein en général^ quoi- qu'il doive retomber en bien peu de temps. Et c'est ce qu'enseignent tous nos auteurs, ita docent omnes auc- tores, Douterez-vous d'une chose que tous nos auteurs* enseignent? — Mais, mon Père, que deviendra donc ce que le Père Pétau a été obligé de reconnaître lui-même dans la préface de la Pénit. publ., p. 4, Que les saints Pères f les docteurs et les conciles sont d'accord, comme d'une vérité certaine, que la pénitence qui prépare à l'Eucharistie doit être véritable, constante, courageuse, et non pas lâche et endormie , ni sujette aux rechutes et aux reprises? — 'He voyez-vous ip^&, dit-il, que le Père Pélau parle de l'ancienne Église? Mais cela est mainte- nant si peu de saison, pour user des termes de nos Pères, que, selon le Père Bauny, le coptrairc est seul véritable ; c'est au tr. 4, q. 15, p. 95 : // y a des auteurs qui disent qu'on doit refuser l'absolution à ceux qui re- tombent souvent dans les mêmes péchés, et principa- lement lorsque^ après les avoir plusieurs fois absous, il n'en paraît aucun amendement : et d'autres disent que non. Mais la seule véritable opinion est qu'Une faut point leur refuser l'absolution : et encore qu'ils ne profitent point de tous les avis qu'on leur a souvent 1. Que nos auteurs. DIXIEME LETTRE tt donnés, qu^ils n'aient pas gardé les promesses quUs ont faites de changer de vie, qu'ils n'aient pas travaillé à se purifier, il n'importe : et, quoi qu'en disent les autres, la véritable opinion, et laquelle on doit suivre, est que, même en tous ces cas, on les doit absoudre. El tr. 4, q. 22, p. 100, qu'on ne doit ni refuser ni dif- férer l'absolution à ceux qui sont dans des péchés d'habitude contre la loi de Dieu, de nature et de VE- glise, quoiqu'on n'y voie aucune espérance d'amen'- dément , etsi emendationis futurœ nulla spes appa-» reat, — Mais, mon Père, lui dis-je, cette assurance d'avoir toujours l'absolution pourrait bien porter les pécheurs.. . — Je vous entends, dit-il en m'interrompant ; mais écoutez le Père Bauny, q. 15 : On peut absoudre celui qui avoue que l'espérance d'être absous l'a porté à pécher avec plus de facilité qu'il n'eût fait sans cette espérance. Et le Père Caussin, défendant cette propo- sition, dit, page 211 de sa Rép. à la Théol. mor., que si elle n'était véritable, l'usage de la confession serait in" terdit à la plupart du monde; et qu'il n'y aurait plus d'autre remède aux pécheurs, qu'une branche d'arbre et une corde, — O mon Pèrel que ces maximes-là attireront de gens à vos confessionnaux! — Aussi, dit- il, vous ne sauriez croire combien il y en vient : nous sommes accablés et comme opprimés sous la foule de nos pénitents, pœnitentium numéro obruimur, comme il est dit en limage de notre premier siècle, 1. 3, c. 8, — Je sais, lui dis-je, un moyen facile de vous déchar- ger de cellii presse. Ce serait seulement^ mon Père , d'obliger les pécheurs à quitter les' occasions prochaines: vous vous soulageriez assez par cette seule invention* — Noos ne cherchons pas ce soulagement, dit-il ; au contraire: car, comme il est dit dans le même livre,!. 3« 1. 10 LETTRES PROVINCIALES c. 7, p. 374 , notre Société a pour but de travailler à établir les vertus, de faire la guerre aux vices ^ et de servir un grand nombre d'âmes. Et comme il y a peu d*âmes qui veuillent quitter les occasions prochaines, on a été obligé de définir ce que c'est qu'occasion pro- chaine , comme on voit dans Escobar, en la Pratique de notre Société, tr. 7, La Note 2 de Nicole sur cette Lettre est 24 LETTRES PKOVLNCIALES une longue réfutation des doctrines des jésuites sur l'attrition. P. 13. — Ni Comitolus aussi. — Paul Comitolo, jésuite italien ) né 1544, mort 1626. Il a écrit : Responsa mo- ralia inseptem libros digesta, etc. Lyon, 1609, in -4®. — Les anciens scholastiques. — Voici le texte même de Diana, d'après Nicole : « 1 II y a l'opinion de Guillaume de Paris, d'Argent [ina] , de Major , de Pierre Soto, de Silvest [re], et de saint Antonin, qui assurent que le précepte de la contrition oblige dès qu'on a commis un péché mortel. 2 II y a l'opinion de Mars. [?], qui dit que le pécheur est tenu du précepte de la contrition aux jours de fête. 3 II y a l'opinion d'Adrien, que les pécheurs sont obligés par le précepte de la contrition quand une grande cala- mité menace. 4 II y a l'opinion de Dominique Soto, qui, in IV Sent. ^ dist. 17, enseigne que le pécheur est tenu du précepte de la contrition quand il est en péril probable d'oublier ses péchés . 5 II y a l'opi- nion de Suarez et d'autres, qui tiennent que le pécheur est obligé, avant l'article de la mort, de ne pas différer beaucoup la contrition, mais n'assi- gnent aucun temps déterminé pour cette obligation du pécheur. Mais toutes ces opinions sont très bien réfutées par Hurtado d'Alcala [Gaspar Hurtado] et Vasquez, qui enseignent que le pécheur n'a cette obligation qu'à l'article de la mort ou dans un dan- ger, quand il ne peut être justifié par la médiation du sacrement de pénitence. Car autrement le pé- cheur est dispensé de l'obligation de la contrition, quand il se justifie par une autre voie. » — Argen- tina est Ulric de Argentina^ c'est-à-dire Ulric de ^ Strasbourg ; Major est Jean Maire; Silvestre est le dominicain Silvestre Mozzolino. P. 14. — Ne serait pas suffisante avec le sacrement. — Tandis qu'elle l'est, dit Escobar en cet endroit, d'après le concile de Trente. Mais Nicole, dans sa Note 2, cite le GsnoiL da concile sesàioo. 14« caaou 5\ et v uruave des: «Dmfitiaiis qui foat de cette attritioa du coaciI»j tout autre chaae que celle des jé:ïuite$^ F- 15- — Condamnée par lu Concilt:, — Le Coacile de Treoue. Toir SesHiûa xrv. chapitre i. P- Ift- — £tf fiortrine 'ie /i»»^ Père:* tn}fp:}uiiU C^noar de Oietu — Nicole L'expose et La discute doas sa Note 3 sur cette Lettre, qui est un véritable traisu* , de plus de 30 pages. C'est la traductioa d'une dissertation d'Amanld contre Antoine Siroiond ?qui se trouve an tome SD de ses Œuvres. — Sttarez dit 'pie «çrV^f ^is^tez^ — Cette première phrase, jusqu'à « aucun temps », n>st pas dans le texte d'Eacobar. — -1 fartick d*: la m*} ri. — Le texte dit seulement in fam zitst^ — IfmÊinSj fe» jours de fête. — Pascal a passé ces deux incises : « quand il y a à tenir tète aux blasphéma- teurs, quand nous sommes obligés à Tamour du prochain. » — Hemriquez^ tous les cinq ans. — Le texte dit : t Outre l'article de la mort, et le temps où commence mo* ralement ]*nsage de la raison, il réclame encore en troisième lieu certaines époques prises dans la vie, an moins tous les cinq ans. > — Se joue sii¥isolemmenL — Les jésuites furent très blessés de ce trait, et le P. Nouet y répondit avec aigreur dans sa Tingt-septième Imposture {Besponses aux Lettres Provinciales, p. 232). Nicole répond à son tour au P. Nouet dans sa quatrième Note sur cette Lettre. Mais le P. Nouet, dans sa réponse, s'était régalé du plaisir de citer une lettre de Saint-Cyran, où oelui-ei parle d'amour du prochain et d'amour de Dieu en quatre pages qui sont un pur galimatias. Nicole s'est bien gardé d'en rien dire. — Notre Père Antoine Sirmond. — Jésuite français, né II. • ' i 26 LETTRES PROVINCIALES à Riom 1591, mort à Paris 1643. Il ne faut pas le confondre avec son oncle, le célèbre érudit Jacques Sirmond, qui était jésuite lui-môme. La Défense de la vertu est de 1641, in-8°. P. 17. — Scotus chaque dimanche. — Duns Scot ou l'Écossais, franciscain, mort en 1308, contemporain et adver- saire de Thomas d'Aquin. — Si on en a la commodité, — De la confession. P. 18. — De l'obligation pénible d'aimer Dieu. Voir Texpli- cation de ce mot quelques lignes plus loin. — Que nos Pères Annat, Pintereau. — François Annat, jésuite français, confesseur du roi, né à Rodez 1590, est mort (à Paris) en 1670. C'est à lui que sont adressées les dix^septième et dix-huiOéme Pi'ovin- ciales. — Et A. Sirmond même. — Cela veut dire simplement, et ce môme A. Sirmond, que je viens de citer et de combattre. M. l'abbé Maynard s'est fourvoyé sur ce passage, et la Bibliothèque des écrivains de la Compa- gnie de Jésus se fourvoie également à sa suite. — Que saint Paul juge dignes de mort. — Rom. i, 32. P. 19. — On viole le grand commandement. — Matth,, xxii, 38-40. — Que Dieu a tant aimé le monde. — Rom., viii, 32. — Vanathème que saint Paul prononce. — I, Cor,, XVI, 22. — Qui n'aime point demeure en la mort. — I, Jean, m, 14 ; mais, d'après la suite du discours, il ne s'agit pas ici de l'amour de Dieu : c Nous savons nous autres que nous avons passé de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères ; car qui n'aime pas demeure en la mort. » — Que qui ne l'aime point ne garde point. — Jean, xiv, 24. P. 20. — Voilà le mystère d'iniquité. — Expression qui> sans être de V Apocalypse , en paraît inspirée : xvii , o et 7. DIXIÈME LETTRE 27 ObBorvaiion. — On fera bien délire , à la suite de cette Lettre, la xii* Epître de Boileau, ^697, «wr V amour de Dieuy inspirée tout entière par la Provinciale. Voir aussi la Lettre de Boileau à Racine de la môme année, et la réponse. i ONZIÈME LETTRE ÉCRITE PAR l'auteur D£S LETTRES AU PROVINCIAL AUX RÉVÉRENDS PÈRES JÉSUITES Du 18 août 1656. Mes Révérends Pères, J'ai vu les lettres que vous débitez contre celles que j'ai écrites à un de mes amis sur le sujet de votre mo- rale , oii l'un des principaux points de votre défense est que je n'ai pas parlé * assez sérieusement de vos maximes : c'est ce que vous répétez dans tous vos écrits, et que vous poussez jusqu'à dire j'ue /ai tourné les choses saintes en raillerie. Ce reproche, mes Pères, est bien surprenant et bien injuste ; car en quel lieu trouvez-vous que je tourne les choses saintes en raillerie? Vous marquez en par- ticulier le contrat Mohatra,eir histoire de Jean d'Alba. Mais est-ce cela que vous appelez des choses saintes ? Vous semble-t-il que le Mohatra soit une chose si vénérable, que ce soit un blasphème de n'en pas par- ler avec respect ; et les leçons du Père Baipy pour le larcin, qui portèrent Jean d'Alba à 1p prati((uer conlrc !. Point parh». '2. 30 LETTRES PROVINCIALES vous-mêmes, sont-elles si sacrées, que vous ayez droit de traiter dlmpies ceux qui s'en moquent? Quoi ! mes Pères, les imaginations de vos écrivains * passeront pour les vérités de la foi, et on ne pourra se moquer des passages d'Escobar et des décisions si fantasques et si peu chrétiennes de vos autres auteurs, sans qu'on soit accusé de rire de la religion ! Est-il possible que vous ayez osé redire si souvent une chose si peu raisonnable? et ne craignez-vous point, en me blâmant de m'être moqué de vos égarements, de me donner un nouveau sujet de me moquer de ce reproche et de le faire retomber sur vous-mêmes, en montrant que je n'ai pris sujet de rire que de ce qu'il y a de ridi- cule dans vos livres ; et qu'ainsi*, en me moquant de votre morale, j'ai été aussi éloigné de me moquer des choses saintes, que la doctrine de vos casuistes est éloignée de la doctrine sainte de l'Évangile ? En vérité , mes Pères , il y a bien de la différence entre rire de la religion, et rire de ceux qui la profanent par leurs opinions extravagantes. Ce serait une im- piété de manquer de respect pour les vérités que l'es- prit de Dieu a révélées : mais ce serait une autre ifai- piété de manquer de mépris pour les faussetés que l'esprit de l'homme leur oppose. Car, mes Pères, puisque vous m'obligez d'entrer en ce discours , je vous prie de considérer que , comme les vérités chrétiennes sont dignes d'amour et de res- pect , les erreurs qui leur sont contraires sont dignes de mépris et de haine ; parce qu'il y a deux choses dans les vérités de notre religion : une beauté divine qui les rend aimables, et une sainte majesté qui les rend vénérables ; el; qu'il y a aussi deux choses dans 1. De voF Auteurs. ONZIÈME LETTRE 31 les erreurs : l'impiété qui les rend horribles et Tini- pertinence qui les rend ridicules. Et c'est pourquoi * comme les saints ont toujours pour la vérité ces deux sentiments d'amour et de crainte, et que leur sagesse est toute comprise entre la crainte qui en est le principe, et l'amour qui en est la fin, les saints ont aussi pour l'erreur ces deux sentiments de haine et de mépris, et leur zèle s'emploie également à repousser avec force la malice des impies, et à confondre avec risée leur égarement et leur folie. Ne prétendez donc pas, mes Pères, de faire accroire au monde que ce soit une chose indigne d'un chrétien de traiter les erreurs avec moquerie, puisqu'il est aisé de faire connaître , à ceux qui ne le sauraient pas, que cette pratique est juste, qu'elle est commune aux Pères de l'Église , et qu'elle est autorisée par l'Écriture , par l'exemple des plus grands saints, et de Dieu même *. Car ne voyons-nous pas que Dieu hait et méprise les pécheurs tout ensemble, jusques-là même qu'à l'heure de leur mort, qui est le temps où leur état est le plus déplorable et le plus triste, la sagesse' divine joindra la ïnoquerie et la risée à la vengeance et à la fureur qui les condamnera à des supplices éternels : m interitu vestro ridebo et subsannabo. Et les saints , agissant par le même esprit, en useront de même, puisque, se- lon David, quand ils verront la punition des méchants, ils en trembleront et en riront en même temps : videbunt justi et timebunt ^ et super eum ridebunt. Et Job en parle de même : Innocens subsannabit eos. Mais c'est une chose bien remarquable sur ce sujet, que, dans les premières paroles que Dieu a dit à 1. Ridicules. C'est pourquoi. 2. Et par celui de Dieu même. i 32 LETTRES PROVINCIALES rhomme * depuis sa chute , on trouve un discours de moquerie, et une ironie piquante, selon les Pères. Car, après qu'Adam eut désobéi, dans l'espérance que le démon lui avait donnée d'être fait semblable à Dieu, il paraît par TÉcriture que Dieu , en punition , le rendit sujet à la mort ; et qu'après l'avoir réduit à cette mi- sérable condition, qui était due à son péché, il se mo- qua de lui en cet état par ces paroles de risée : Voilà rhomme qui est devenu comme Vun de nous : ecce Adam quasi unus ex nobis : ce qui est une ironie san- glante et sensible dont Dieu le piquait vivement ^ selon saint Chrysostome et les interprètes. A cfawi, dit Rupert, méritait d^être raillé par cette ironie, et on lui faisait sentir sa folie bien plus vivement par cette expression ironique que par une expression sérieuse. Et Hugues de Saint- Victor, ayant dit la mênfè chose, ajoute que cette ironie était due à sa sotte crédulité; et que cette espèce de raillerie est une action de justice , lorsque celui envers qui on en use Va méritée. Vous voyez donc, mes Pères , que la moquerie est quelquefois plus propre à faire revenir les hommes de leurs égarements', et qu'elle est alors une action de justice ; parce que, comme dit Jérémie, les actions de ceux qui errent sont dignes de risée y à cause de leur vanité : vana sunt^ et risu digna. Et c'est si peu une impiété de s'en rire, que c'est l'effet d'une sagesse di- vine, selon cette parole de saint Augustin : Les sages rient des insensés parce qu'ils sont sages, non pas de leur propice sagesse, mais de cette sagesse diviiie qui rira de la inort des méchants. Aussi les prophètes remplis de Fesprit de Dieu ont usé de ces moqueries, comme nous voyons par les \. A dites à Thomme. ONZIEME LETTRE • »•# exemples de Daniel et d'Élie. Enfin les diseoars d.' Jésus-Christ même n en sont pas sans exemple ' ; f't saint Augastin remarque que, quand il voulut humilier Nicodème, qui se croyait habile dans l'intelligence de la Loi, comme il le vouait enflé d'orgueil par sa qua- lité de docteur des Juifs ^ il exerce et étonne sa pré- somption par la hauteur de ses demandes : et, Payant réduit à l'impuissance de répondre : Quoi! lui dit-iL vous êtes maître en Israël, et vous ignorez ces choses! Ce qui est le même que s^il eût dit : Prince superbe, re- connaissez que vous ne savez rien. Et saint Ghrysostome et saint Cyrille disent sur cela qui! méritait d'être jout^ de cette sorte. Vous voyez donc, mes Pères, que, s'il arrivait au- jourd'hui que des personnes qui feraient les maîtres eu- vers les chrétiens, comme Nicodème et les Pharisiens envers les Juifs, ignoraient les principes de la religion, et soutenaient*, par exemple, qu'on peut être sauvé sans avoir jamais aimé Dieu en toute sa vie, on suivrait eu cela Texemple de Jésus-Christ, en se jouant de leur va- nité et de leur ignorance. Je m'assure, mes Pères, que ces exemples sacrés suffisent pour vous faire entendre que ce n'est pas une conduite contraire à celle des saints, de rire des erreurs et des égarements des hommes : autrement il faudrait blâmer celle des plus grands docteurs de l'Église qui l'ont pratiquée, comme saint Hiérome' dans ses lettres, et dans ses écrits contre Jovinien, Vigilance et les p/'- lagiens ; TerluUien, dans son Apologétique, contre* les folies des idolâtres; saint Augustin, contre les religieux d'Afrique qu'il appelle les chevelus ; saint Irénée, contre 1. Enfin, il s'en trouve des exemples dîuisilos iliscour;*. 2. Ignorassent... et soutinssput. 3. Saint Jérôme, i 34 LETTRES PROVINCIALES les gnostîques; saint Bernard et les autres Pères de l'Église, qui, ayant été les imitateurs des apôtres, doivent être imités parles fidèles dans toute la suite des temps, puisqu'ils sont proposés, quoi qu'on en dise, comme le véritable modèle des chrétiens mêmes d'aujourd'hui *. Je n'ai donc pas cru faillir en les suivant. Et, comme je pense l'avoir assez montré, je ne dirai plus sur ce sujet que ces excellentes paroles de Tertullien, qui ren- dent raison de tout mon procédé : Ce que fax fait nest qu^un jeu avant un véritable combat, Tai montré les blessures qyHon vous peut faire plutôt que je ne vous en ai fait *. Que sHl se trouve des endroits où Von soit ex- cité à rire, c^est parce que les sujets mêmes y portaient. Il xj a beaucoup de choses qui méritent d^étre moquées et jouées de la sorte, de peur de leur donner du poids en les combattant sérieusement. Bien n^est plus dû à la vanité que la risée; et c'est proprement à la Vérité à qu'il appartient de rire, parce qu'elle est gaie, et de se jouer de ses ennemis, parce qu'elle est assurée de la victoire. Il est vrai qu'il faut prendre garde que les railleries ne soient pas basses et indignes de la Vérité, Mais, à cela près, quand on pourra s'en servir avec adresse, c'est un devoir que d'en user. Ne trouvez-vous pas, mes Pères, que ce passage est bien juste à notre sujet ? Ce que j'ai fait n'est qu'un jeu avant un véri- table combat '. Je n'ai fait encore que me jouer, et vous montrer plutôt les blessures qu'on vous peut faire que je ne vous en ai fait. J'ai exposé 'simplement vos passages sans y faire presque de réflexion. Que si on y a été excité à rire, c'est parce que les sujets y por- taient d'eux-mêmes. Car qu'y-a-t-il de plus propre à 1. Des chrétiens, même d'aujourd'hui. 2. J'ai plutôt montré... faire, que je ne vous en ai fait. 3. Les Lettres que j'ai faites jusqu'ici ne sont qu'un jeu. ONZIEME LETTRE 38 exciter à rire, que de voir une chose aussi grave que la morale chrétienne remplie d'imaginations aussi gro- tesques que les vôtres? On conçoit une si haute attente de ces maximes, qu^on dit que Jésus-Christ a lui-même révélées à des Pères de la Société, que quand on y trouve qu^un prêtre qui a reçu de Vargent pour dire une messe peut^ outre cela, en prendre d'autres per- sonnes, en leur cédant toute la part qu'il a au sacri- fice; qu^un religieux n'est pas excommunié pour quitter son habit lorsque c'est pour danser, pour filouter, ou pour aller incognito en des lieux de débauche; et qu'on satisfait au précepte d'ouïr la messe en entendant quatre quaî'ts de messe à la fois de différents prêtres; lors, lui dis-je, qu'on entend ces décisions et autres sem- blables , il est impossible que cette surprise ne fasse rire, parce que rien n'y porte davantage qu'une dispro- portion surprenante entre ce qu'on attend et ce qu'on voit. Et comment aurait-on pu traiter autrement la plu- part de ces matières, puisque ce serait les autoriser que de les traiter sérieusement, selon Tertullien? Quoi ? faut-il employer la force de l'Écriture et de la tradition, pour montrer que c'est tuer son ennemi en trahison que de lui donner des coups d'épée par derrière et dans une embûche ; et que c'est acheter un bénéfice que de donner de l'argent comme un motif pour se le faire résigner? Il y a donc des matières qu'il faut mé- priser, et qui méritent d'être jouées et moquées. Enfin, ce que dit cet ancien auteur, que rien n'est plus dû à la vanité que la risée, et le reste de ces paroles s'ap- plique ici avec tant de justesse et avec une force si convaincante, qu'on ne saurait plus douter qu'on peut bien rire des erreurs sans blesser la bienséance. Et je vous dirai aussi, mes Pères , qu'on en peut rire sans blesser la charité, quoique ce soit une des choses que 30 LETTRES PROVLXCIALES VOUS me reprochez encore dans vos écrits. Car la cha- rité oblige quelquefois à rire des erreurs des hommes^ pour les porter eux-mêmes à en rire et à les fuir^ se- lon cette parole de saint Augustin : Hœc tu misericor- diter irride ^ ut eis ridenda ac fugienda commendes. Et la même charité oblige aussi quelquefois à les re- pousser avec colère, selon cette autre parole de saint Grégoire de Nazianze : L'esprit de charité et de dou- ceur a ses émotions et ses colères. En effet, comme dit saint Augustin, Qui oserait dire que la vérité doit de- meurer désarmée contre le mensonge, et qu'il sera per- mis aux ennemis de la foi d'effrayer les fidèles par des paroles fortes, et de les réjouir par des rencontres d'esprit agréables; mais que les catholiques ne doivent écrire qu'avec une froideur de style qui endorme les lecteurs ? Ne voit-on pas que, selon cette .conduite, on laisse- rait introduire dans l'Église les erreurs les plus extra- vagantes et les plus pernicieuses, sans qu'il fût permis de s'en moquer avec mépris, de peur d'être accusé de blesser la bienséance, ni de les confondre avec véhé- mence, de peur d'être accusé de manquer de charité ? Quoil mes Pères, il vous sera permis de dire qu'on peut tuer pour éviter un soufflet et une injure^ et il ne sera pas pei*mis d€ réfuter publiquement une erreur publique d'une telle conséquence? Vous aurez la liberté de dire qu'un juge peut en conscience retenir ce qu'il a reçu pour faire une injustice, sans qu'on ait la liberté de vous contredire ? Vous imprimerez, avec privilège et approbation de vos docteurs , qu'on peut être sauvé sans avoir jamais aimé Dieu, et vous fermerez la bou- che à ceux qui défendront la vérité de la foi, en leur disant qu'ils blesseraient la charité de frères en vous attaquant, et la modestie de chrétiens en riant de vos ONZIÈME LETTRE 37 maximes? Je doute, mes Pères , qu'il y ait des per- sounes à qui vous ayez pu le faire accroire. Mais néan- moins, s'il s* en trouvait qui en fussent persuadés, et qui crussent que j'aurais blessé la charité que je vous dois en décriant votre morale, je voudrais bien qu'ils exa- minassent avec attention d'oùnait en eux ce sentiment. Car, encore qu'ils s'imaginent* qu'il part de leur zèle, qui n a pu souffrir sans scandale de voir accuser leur prochain, je les prierais de considérer qu'il n'est pas impossible qu'il vienne d'ailleurs; et qu'il est même assez vraisemblable qu'il vient du déplaisir secret, et souvent caché à nous-mêmes , que le malheureux fond qui est en nous ne manque jamais d'exciter contre ceux qui s'opposent au relâchement des mœurs. Et, pour leur donner une règle qui leur en fasse recon- nalti'e le véritable principe, je leur demanderai si, en même temps qu'ils se plaignent de ce qu'on a traité de la sorte des religieux, ils se plaignent encore davantage de ce que des religieux ont traité la vérité de la sorte. Que s'ils sont irrités non seulement contre les Lettres, mais encore plus conlre les maximes qui y sont rapport tées, j'avouerai qu'il se peut faire que leur ressentiment parte de quelque zèle , mais peu éclairé ; et alors les passages qui sont ici suffiront pour les éclaircir. Mais s'ils s'emportejit seulement contre les répréhensions, et non pas contre les choses qu'on a reprises ; en vérité, mes Pères, je ne m'empêcherai jamais de leur dire qu'ils sont grossièrement abusés et que leur zèle est bien aveugle. Étrange zèle qui s'irrite contre ceux qui accusent des fautes publiques , et non pas contre ceux qui les commettent ! Quelle nouvelle charité, qui s'offense de voir 1. QuHls s'imaginassent. u. 3 38 LETTRES PHOVINCIALES confondre des erreurs manifestes par la seule expo- sition que Ton en fait*, et qui ne s'offense^ point de voir renverser la morale par ces erreurs 1 Si ces personnes étaient en danger d'être assassinées, s'offenseraient- elles de ce qu on les avertirait de l'embûche qu'on leur dresse; et, au lieu de se détourner de leur chemin pour l'éviter, s'amuseraient-elles à se plaindre du peu de charité qu'on aurait eu de découvrir le dessein crimi- nel de ces assassms ? S'irritent-ils lorsqu'on leur dit de ne manger pas d'une viande parce qu'elle est em- poisonnée, ou de n'aller pas dans une ville parce qu'il y a de la peste ? D'où vient donc qu'ils trouvent qu'on manque de cha- rité quand on découvre des maximes nuisibles à la re- ligion, et qu'ils croient au contraire qu'on manquerait de charité de ne pas découvrir* les choses nuisibles à leur santé et à leur vie, sinon parce que l'amour qu'ils ont pour la vie leur fait recevoir favorablement tout ce qui contribue à la conserver, et que l'indifférence qu'ils ont pour la vérité fait que non seulement ils ne prennent aucune part à sa défense, mais qu'ils voient même avec peine qu'on s'efforce de détruire le mensonge ? Qu'ils considèrent donc devant Dieu combien la mo- rale que vos casuistes répandent de toutes parts est honteuse et pernicieuse à l'Église ; combien la licence qu'ils introduisent dans les mœurs est scandaleuse et dé- mesurée; combien la hardiesse avec laquelle vous les sou- tenez est opiniâtre et violente. Et s'ils ne jugent qu'il est temps de s'élever contre de tels désordres, leur aveuglememt sera aussi à plaindre que le vôtre, mes Pères , puisque et vous et eux avez un pareil sujet de 1. Manifestes, et qui. 2. De charité si on no leur découvrait pas. ONZIÈME LETTRE 3l) craindre cette parole de saint Augustin sur celle de Jésus-Ghrist dans FÉvangile : Malheur aux aveugles qui conduisent I malheur aux aveugles qui sont cou- duits ! Vœ cœcis ducentibus ! vœ cœcis sequentibus ! Mais , afin que vous n'ayez plus lieu de donner ces impressions aux autres, ni de les prendre vous-mêmes, je vous dirai, mes Pères (et je suis honteux de ce que vous m'engagez avons dire ce que je devrais apprendre de vous), je vous dirai donc quelles marques les Pères de rÉglise nous ont données pour juger si les répré- hensions partent d'un esprit de piété et de charité, ou d'im esprit d'impiété et de haine. La première de ces règles est que l'esprit de piété porte toujours à parler avec vérité et sincérité ; au lieu que l'envie et la haine emploient le mensonge et la ca- lomnie : splendentia et vehementia, sed rébus veris, dit saint Augustin. Quiconque se sert du mensonge agit par l'esprit du diable. Il n'y a point de direction d'intention qui puisse rectifier la calomnie ; et quand il s'agirait de convertir toute la terre , il ne serait pas permis de noircir des personnes innocentes; parce qu'on ne doit pas faire le moindre mal pour en faire réussir* le plus grand bien, et que la vérité de Dieu tCa pas besoin de notre mensonge, selon l'Écriture. // est du devoir des défenseurs de la vérité , dit saint Hilaire, de n^ avancer que des choses véritables *. Aussi, mes Pères, je puis dire devant Dieu qu'il n'y a rien que je déteste davantage que de blesser tant soit peu la vérité ; et que j'ai toujours pris un soin très particulier non seulement de ne pas falsifier, ce qui serait horrible, mais de ne pas altérer ou détourner le moins du monde 1. Pour faire réussir. 2. Que des choses vraies. à 40 LETTRES PROVINCIALES le sens d'un passage. De sorte que si j'osais me servir, en cette rencontre, des paroles du même saint Hilaire, je pourrais bien vous dire avec lui : Si nous disons des choses fausses, que nos discours soient tenus pour in- fâmes ; mais si nous montrons que celles que nous produisons sont publiques et manifestes^ ce n'est point sortir de la modestie et de la liberté apostolique de les reprocher. Mais ce n'est pas assez, mes Pères, de ne dire que des choses véritables, il faut encore ne pas dire toutes celles qui sont véritables *; parce qu'on ne doit rap- porter que les choses qu'il est utile de découvrir , et non pas celles qui ne pourraient que blesser, sans ap- porter aucun fruit. Et ainsi, comme la première règle est de parler avec vérité, la seconde est de parler avec discrétion. Les méchants , dit saint Augustin , perse- cutent les bons en suivant aveuglément la passion* qui les anime; au lieu que les bons persécutent les méchants avec une sage discrétion : de même que les chirurgiens considèrent ce quHls coupent^ au lieu que les meurtriers ne regardent point où ils frappent. Vous savez bien, mes Pères, que je n'ai pas rapporté des maximes de vos auteurs celles qui vous auraient été les plus sen- sibles, quoique j'eusse pu le faire, et même sans pécher contre la discrétion, non plus que de savants hommes et très catholiques , mes Pères, qui l'ont fait autrefois. Et tous ceux qui ont lu vos auteurs savent aussi bien que vous combien en cela je vous ai épargnés, outre que je n'ai parlé en aucune sorte contre ce qui vous regarde chacun en particulier ; et je serais fâché d'avoir rien dit des fautes sçcrètes et personnelles, quelque i. Des choses vraies... celles qui sont vraies. 2. En suivant Taveuglement de la passion. ONZIÈME LETTRE 41 preuve que j'en eusse. Car je sais que c'est le propre de la haine et de l'animosité , et qu'on ne doit jamais le faire, à moins qu'il y en ait^ une nécessité bien pressante pour le bien de l'Église. Il est donc visible que je n'ai manqué en aucune sorte à la discrétion dans ce que j'ai été obligé de dire touchant les maximes de votre mo- rale, et que vous avez plus de sujet de vous louer de ma retenue que de vous plaindre de mon indiscrétion. La troisième règle , mes Pères , est que , quand on est obligé d'user de quelques railleries, l'esprit de piété porte à ne les employer que contre les erreurs, et non pas contre les choses saintes ; au lieu que l'esprit de bouffonnerie, d'impiété et d'hérésie se rit de ce qu'il y a de plus sacré. Je me suis déjà justifié sur ce point.Et on est bien éloigné d'être exposé à ce vice , quand on n'a qu'à parler des opinions que j'ai rapportées de vos auteurs. Enfin, mes Pères, pour abréger ces règles, je ne vous dirai plus que celle-ci, qui est le principe et la fin de toutes les autres : c'est que l'esprit de charité porte à avoir dans le cœur le désir du salut de ceux contre qui on parle , et à adresser ses prières à Dieu en même temps qu'on adresse ses reproches aux hommes. On doit toujours^ dit saint Augustin, corner- ver la charité dans le cœur, lors même qu^on est obligé de faire au dehors des choses qui paraissent rudes aiuv hommes , et de les frapper avec une âpreté dure , mais bienfaisante ; leur utilité devant être pré- férée à leur satisfaction. Je crois, mes Pères, qu'il n'y a rien dans mes Lettres qui témoigne que je n'aie pas eu ce désir pour vous ; et ainsi la charité vous oblige à croire que je l'ai eu en effet, lorsque vous n'y voyez i. Qu'il n'y ait. à 44 LETTRES PROVINCIALES garantirait pas par là cet autre endroit de Fa vant-propos du même livre : Que Veau de la rivière au bord de la- quelle il a composé ses vers est si propre à faire des poètes^ que, quand on en ferait de Ceau bénite, elle ne chasserait pas le démon de la poésie; non plus que celui- ci de votre Père Garasse dans sa Somme des vérités capitales de la religion, p. 649, où il joint le blas- phème à rhérésie, en parlant du mystère sacré de Tin- carnation en cette sorte : La personnalité humaine a été comme entée ou mise à cheval sur la personnalité du Verbe ; et cet autre endroit du même auteur, p. 510, sans en rapporter beaucoup d'autres, où il dit sur le sujet du nom de Jésus, figuré ordinairement ainsi, lîïs, que quelques-uns en ont ôté la croix pour prendre les seuls caractères, en cette sorte, IHS, qui est un Jésus dévalisé. C'est ainsi que vous traitez indignement les vérités de la religion, contre la règle inviolable qui oblige à n'en parler qu'avec révérence. Mais vous ne péchez pas moins contre celle qui oblige à ne parler qu'avec vérité et discrétion. Qu'y a-t-il de plus ordinaire dans vos écrits que la calomnie? Ceux du Père Brisacier sont-ils sincères? et parle-t-il avec vérité, quand il dit, 4' part., pag. 24 et 25, que les religieuses de Port- Royal ne prient pas les saints , et qu'elles ti'ont point d'images dans leur église? Ne sont-ce pas des faussetés bien hardies, puisque le contraire paraît à la vue de tout Paris ? Et parle-t-il avec discrétion , quand il dé- chire l'innocence de ces filles, dont la vie est si pure et si austère, quand il les appelle des filles impénitentes ^ asacramentaires , incommuniantes, des vierges folles, fantastiques , calaganes , désespérées , et tout ce quHl vous plaira ;Qi qu'il les noircit par tant d'autres médi- sances, qui ont mérité la censure de feu M. l'archevêque ONZIËHE LETTRE 45 de Paris ; quand il calomnie des prêtres dont les mœurs sont irréprochables, jusqu'à dire, part. i^,f. 22,Çu'i7« pratiquent des nouveautés dans les confessions^ pour attraper les belles et les innocentes ; et qu'il aurait horreur de rapporter les crimes abominables qu'ils com- mettent ? N'est-ce pas une témérité insupportable d'a- vancer des impostures si noires, non seulement sans preuve, mais sans la moindre ombre et sans la moindre apparence? Je ne m'étendrai pas davantage sur ce su- jet, et je remets à vous en parler plus au long une autre fois : car j'ai à vous entretenir sur cette matière, et ce que j'ai dit suffit pour faire voir combien vous pé- chez contre la vérité et la discrétion tout ensemble.' Mais on dira peut-être que vous ne péchez pas au moins contre la dernière règle , qui oblige d'avoir le désir du salut de ceux qu'on décrie, et qu'on ne sau- rait vous en accuser sans violer le secret de votre cœur, qui n'est connu que de Dieu seul. C'est une chose étrange, mes Pères, qu'on ait néanmoins de quoi vous en convaincre; que, votre haine contre vos adversaires ayant été jusqu'à souhaiter leur perte éternelle, votre aveuglement ait été jusqu'à découvrir un souhait si abominable; que, bien loin de former en secret des désirs de leur salut, vous ayez fait en public des vœux pour leur damnation ; et qu'après avoir produit ce mal- heureux souhait dans la ville de Gaen avec le scandale de toute l'Église, vous ayez osé depuis soutenir encore à iParis, dans vos livres imprimés , une action si dia- bolique. Il ne se peut rien ajouter à ces excès contre la piété : railler et parler indignement des choses les plus sacrées ; calomnier les vierges et les prêtres faus- sement et scandaleusement, et enfin former des désirs et des vœux pour leur damnation. Je ne sais, mes Pères , si vous n'êtes point confus, et comment vous 3. i 44 LETTRES PROVINCIALES garantirait pas par là cet autre endroit de Ta vant-propos du même livre : Que Veau de la rivière au bord de la- quelle il a composé ses vers est si propre à faire des poètes, que, quand on en ferait de Veau bénite, elle ne chasserait pas le démon de la poésie; non plus que celui- ci de votre Père Garasse dans sa Somme des vérités capitales de la religion, p. 649, où il joint le blas- phème à rhérésie, en parlant du mystère sacré de Tin- carnation en cette sorte : La personnalité humaine a été comme entée ou mise à cheval sur la personnalité du Verbe ; et cet autre endroit du même auteur, p. 510, sans en rapporter beaucoup d'autres, où il dit sur le sujet du nom de Jésus, figuré ordinairement ainsi, liîs, que quelques-uns en ont ôté la croix pour prendre les seuls caractères, en cette sorte, IHS, qui est un Jésus dévalisé. C'est ainsi que vous traitez indignement les vérités de la religion, contre la règle inviolable qui oblige à n'en parler qu'avec révérence . Mais vous ne péchez pas moins contre celle qui oblige à ne parler qu'avec vérité et discrétion. Qu'y a-t-il de plus ordinaire dans vos écrits que la calomnie? Ceux du Père Brisacier sont-ils sincères? et parle-t-il avec vérité, quand il dit, 4' part., pag. 24 et 25, que les religieuses de Port- Royal ne prient pas les saints , et qu'elles ti'ont point d'images dans leur église? Ne sont-ce pas des faussetés bien hardies, puisque le contraire parait à la vue de tout Paris ? Et parle-t-il avec discrétion , quand il dé- chire l'innocence de ces filles, dont la vie est si pure et si austère, quand il les appelle des filles impénitentes, asacramentaires y incommuniantes, des vierges folles, fantastiques , calaganes , désespérées , et tout ce qu'il vous plaira; et qu'il les noircit par tant d'autres médi- sances, qui ont mérité la censure de feu M. l'archevêque ONZIÈME LETTRE 45 de Paris ; quand il calomnie des prêtres dont les mœurs sont irréprochables, jusqu'à dire, part, l'^jp. ^^^Qu'ils pratiquent des nouveautés dans les confessions^ pour attraper les belles et les innocentes ; et qu\l aurait horreur de rapporter les crimes abominables quHls com- mettent ? N'est-ce pas une témérité insupportable d'a- vancer des impostures si noires, non seulement sans preuve, mais sans la moindre ombre et sans la moindre apparence-? Je ne m'étendrai pas davantage sur ce su- jet, et je remets à vous en parler plus au long une autre fois : car j'ai à vous entretenir sur cette matière, et ce que j'ai dit suffit pour faire voir combien vous pé- chez contre la vérité et la discrétion tout ensemble.' Mais on dira peut-être que vous ne péchez pas au moins contre la dernière règle , qui oblige d'avoir le désir du salut de ceux qu'on décrie, et qu'on ne sau- rait vous en accuser sans violer le secret de votre cœur, qui n'est connu que de Dieu seul. C'est une chose étrange, mes Pères, qu'on ait néanmoins de quoi vous en convaincre; que, votre haine contre vos adversaires ayant été jusqu'à souhaiter leur perte éternelle, votre aveuglement ait été jusqu'à découvrir un souhait si abominable; que, bien loin de former en secret des désirs de leur salut, vous ayez fait en public des vœux pour leur damnation ; et qu'après avoir produit ce mal- heureux souhait dans la ville de Gaen avec le scandale de toute l'Église, vous ayez osé depuis soutenir encore à iParis, dans vos livres imprimés , une action si dia- bolique. Il ne se peut rien ajouter à ces excès contre la piété : railler et parler indignement des choses les plus sacrées ; calomnier les vierges et les prêtres faus- sement et scandaleusement, et enfin former des désirs et des vœux pour leur damnation. Je ne sais, mes Pères , si vous n'êtes point confus, et comment vous 3. 46 LETTRES PROVINCIALES avez pu avoir la pensée de m'accuser d'avoir manqué de charité, moi qui n'ai parlé qu'avec tant de vérité et de retenue, sans faire de réflexion sur les horribles vio- lements de la charité que] vous faites vous-mêmes par de si déplorables excès *. Enfin, mes Pères, pour conclure par un autre repro- che que vous me faites, de ce qu'entre un si grand nombre de vos maximes que je rapporte, il y en a quel- ques-unes qu'on vous avait déjà objectées, sur quoi vous vous plaignez de ce que je redis contre vous ce qui avait déjà été dit*, je réponds que c'est au contraire parce que vous n'avez pas profité de ce qu'on vous Ta déjà dit que je vous le redis encore. Car quel fruit a-t-il paru de ce que de savants docteurs et l'Université en- tière vous en ont repris par tant de livres? Qu'ont fait vos Pères Annat,Gaussin, Pintereau et Le Moyne,dans les réponses qu'ils y ont faites, sinon de couvrir dln- jures ceux qui leur avaient donné ces avis si salutaires ' ? Avez-vous supprimé les livres où ces méchantes maxi- mes sont enseignées? En avez-vous réprimé les au- teurs? En êtes-vous devenus plus circonspects? Et n*est-ce pas depuis ce temps-là qu'Escobar a tant été imprimé de fois en France et aux Pays-Bas, et que vos Pères Gellot, Bagot, Bauny,L*Amy, Le Moyne et les au- tres ne cessent de publier tous les jours les mêmes choses et de nouvelles encore, aussi licencieuses que jamais? Ne vous plaignez donc plus, mes Pères, ni de ce que je vous ai reproché des maximes que vous n'a- vez point quittées, ni de ce que je vous en ai objecté de nouvelles, ni de ce que j'ai ri de toutes. Vous n'avez qu'à les considérer, pour y trouver votre confusion et 4 . De si déplorables emportements. 2. Ce qui avait été dit. 3. Cet arit talutaires. J ONZIÈME LETTRE 47 ma défense. Qui pourra voir, sans en rire, la décision du Père Bauny pour celui qui fait brûler une grange ; celle du Père Cellot pour la restitution; le règlement de Sanchez en faveur des sorciers ; la manière dont Hurtado fait éviter le péché du duel en se promenant dans un champ et y attendant un homme ; les compli- ments du Père Bauny pour éviter Tusure ; la manière d'éviter la simonie par un détour d'intention , et celle d'éviter le mensonge en parlant tantôt haut, tantôt bas, et le reste dés opinions de vos docteurs les plus graves? En faut-il davantage, mes Pères, pour me jus- tifier , et y a-t-il rien de mieux dû à la vanité et à la faiblesse de ces opinions que la risée , selon Tertul- Uen? Mais, mes Pères, la corruption des mœurs que vos doctrines apportent est digne d'une autre considé- ration, et nous pouvons bien faire cette demande avec le même TertuUien : Faut-il rire de leur folie, ou dé- plorer leur aveuglement ? Rideam vanitatem , an ex- probrem cœcitatem ? Je crois, mes Pères, qu'on peut en 'rire et en pleurer à son choix : Hœc tolerabilius vel ridentur^vel flentur? dit saint Augustin. Reconnaissez donc qu'il y a un temps de rire et un temps de pleurer ^ selon l'Écriture. Et je souhaite, mes Pères, que je n'é- prouve pas en vous la vérité de ces paroles des Pro- verbes : Qu'il y a des personnes si peu raisonnables, qu'on n'en peut avoir de satisfaction^ de quelque ma- nière qu'on agisse avec eux, soit qu^on en rie, soit qu'on Se mette en colère. En acheyant cette Lettre, j'ai vu un écrit que vous avez publié, où vous m'accusez d'imposture sur le sujet de six de vos maximes que j'ai rapportées , et d'intelligence avec les hérétiques ; j'espère que vous y verrez une réponse exacte , et dans peu de temps, mes Pères, ensuite de laquelle je crois que vous n'aurez pas envie de continuer cette sorte d'accu- sation. REMARQUES SUR LA ONZIÈME PROVINCIALE Le fond de la onzième Provinciale, dans les deux premiers tiers, est pris d'un écrit d'Arnauld, qu'on trouvera au tome 27 de ses Œuvres. On a vu dans les Remarques sur la troisième Provinciale l'histoire de VAlmanach des Jésuites et du livre des Enluminuares, Des esprits sérieux et chrétiens furent choqués du mauvais goût de cette polémique et y trouvèrent même de l'indécence, et c'est ce qui donna lieu à l'écrit d'Arnauld (du 20 mars 1654), intitulé : Ré- ponse à la lettre (Tune personne de condition toiuihant les règles de la conduite des saints Pères dans la composi- tion de leurs ouvrages pour la défense des vérités com" battues et de l'innoceme calomniée. L'ouvrage est di- visé en 37 paragraphes' et forme une cinquantaine de grandes pages in-quarto. Pascal a fort réduit et abrégé le travail d'Arnauld, mais je ne sais s'il y a chez lui un seul argument ou un seul texte qui ne soit emprunté au savant docteur. Les règles posées par Pascal sont prises également d'Arnauld, dans ce qu'elles ont d'essentiel ; mais le talent et la verve avec lesquels tout cela est déve- loppé ici ne sont qu'à Pascal. Parmi les objections qu'on opposait aux plaisan- teries des Enluminures^ il y en a une qui mérite d'être relevée, car elle est prise de la personne de Jésus-Christ, et Arnauld lui-même la mentionne franchement dans sa réponse : « Ces Pères mêmes^ comme vous le rapportez, ont marqué de plus ONZIÈME LETTRE i^ qu'il est bien écrit qu'il a pleuré, mais qu'il n'est 'point écrit qu'il ait jamais ri, » Le trente et unième paragraphe d'Arnauld a pour titre : Exemple de Jésus-Christ, qui a traité plus for- tement les Pharisiens que les Sadducéens, Cela veut dire qu'il ne faut pas se scandaliser s'il arrive à Port-Royal de faire la guerre aux jésuites avec plus de passion qu'aux protestants. P. 29. — Tourné les choses saintes en raillerie. — Voir les Besponses aux Lettres provinciales, p. 46. — Le contrat mohatra. — Voir le même livre, p. 62 ; mais cet endroit n'est pas de la même main que le premier, ni inspiré du môme esprit. Voir l'Intro. duction, p. Lxvi. P. 31. — In interitu vestro, — Prov., i, 26. — Et super eum.ridebunt. — Psaume li, 8. — Innocens subsannabit eos, — Job, xxii, 49. Dans tous ces passages bibliques , il est question de la ruine et de la mort des impies, mais non de dam- nation ni de supplices éternels. P. 32. — Ecce Adam quasi unus ex nobis. — Genèse, m, 22. — Et les interprètes. — C'est-à-dire les interprètes de la Genèse, Vatable et Mercier. — Adam, dit Rupert, méritait, — Rupert, bénédic- tin flamand du xii* siècle; ses œuvres forment 4 vol. in*fol. — Et Hugues de Saint- Victor. — Hugues, prieur de Saint-Victor, était du môme pays et du môme siècle. — Parce que, comme dit Jérémie, — Voir li, \ 8, dans la Vulgate et les Septante , sinon dans le texle hébreu. — Selon cette parole de saint Augustin, — Serm. xxii, 8 : il s'agit des vierges sages qui se moquent des vierges folles, dans Matthieu, xxv, 9. P. 33. — Par les exemples de Daniel et d'Élie. — Damel,xiv, 18 (dans la Vulgate). Pour ÉliCi voir ni Bois, xviii, 27. â 80 LETTRES PROVINGIALES — Et saint Augustin même, — In Joannem , xn. Sur Nicodème, voir Jean , m , iO. — Saint Chrysostome et saint Cyrille. — Chrys. in Joan- nern, xxv. Cyr. in Joannem, ii, 2. — Qy^U appelle les chevelus. — De Opère monachorum, 23, 3i, 32. P. 34. — Ces excellentes paroles de Tertullien.^Adv. Valenti- nianosj 6. P. 36. — Cette parole de saint Augustin, — Contra Parme- nianum, lU, 4, d'après Matthieu^ xw, 14. — De saint Grégoire de Nazianze. — - Discours xliv. — Comme dit saint Augustin, — Dans son livre de Doctrina christianaf IV, i . P. 39. — Sed rébus veriSy dit saint Augustin, — De Doctr, christ., IV, 28. — Pour en faire réussir le plus grand bien. — Cette phrase, quoiqu'elle ne soit pas en italique, est prise de l'Ecriture, Rom., m. 8. Le en, qui a été supprimé depuis, était amené par le sens primitif du mot réussir y qui est : sortir de, résulter de, comme l'italien riuscire. Voir Littré. — ITa pas besoin de notre mensonge. -^ Job , xiii, 7. — Dit saint HUaire. — Contre Constance, 6. P. 40. — De les reprocher. — Le texte ajoute : c après un long silence. » — Toutes celles qui sont véritables. — Voir mes Remar- ques, page 78. — Les méchantSj dit saint Augustin. — Lettre 93. — Qui vous auraient été les plus sensibles. — Voir Lettre 9, p. 207, et Lettre 14, quinzième alinéa. P. 41. — Quand on n'a qu^à parler des opinions. — Il veut dire : quand on n'a à parler que des opinions. — On doit toujours, dit saint Augustin. — Lettre 138. P. 42. — Des Peintures morales. — Jjes Peintures morales, où les passions sont représentées en tableaux, par ca- ractères et par questions nouvelles et curieuses, par le P. Pierre Le Moyne de la Compagnie de Jésus, 1640^ ONZIÈME LETTRE 5i in4®. L'ouvrage est divisé en sept livres. Une seconde partie, aussi en sept livres, parut en 1643. — Du 7^ livre. — Au chap. iv, intitulé : De la mo- déraiioriy de la honte et de la pudeur; de leur nature, de leurs différences , de leurs causes et de leur louange. L'auteur jette de temps en temps des pièces de vers au travers de sa prose. L'ode dont parle Pascal est précédée de ce préam- bule : « Et parce qu'il y en a (des femmes ) qui vou- draient guérir de cette rougeur et qui s'en plaignent comme d'une faiblesse, pour les obliger d'aimer leur maladie, j'en ai fait un éloge en vers , où j'ai montré que toutes les belles choses sont rouges ou sujettes à rougir. » Il y a dix stances qui commencent ainsi : Delphine, pourquoi te plains-tu Du beau feu qui sur ton visage A la teinture du courage Joint la couleur de la vertu? Ces stances célèbrent successivement l'aurore, le soleil, le feu , la rose , la grenade , la langue et les lèvres, le courage ainsi que l'inspiration et l'amour, et eniin les chérubins. J'achève la stance dont Pascal n'a donné que le commencement : Alors elle a toute sa grâce, Alors la beauté s'y ramasse Avec tout ce qu'elle a de prix, £t par merveille nous propose Dans un lis Tâme d^une rose £t dans une perle un rubis. P. 43. — Qui assistent devant Dieu. — C'est-à-dire , qui se tiennent debout ; c'est un latinisme. F. 44. — Où il joint le blasphème à rhérésie. — L'hérésie consiste en ce que cette phrase paraît supposer deux personnes en Jésus-Christ, tandis que l'Église ,5« LETTRES PROVINCIALES dit : deux natures en une seule personne ^ La Res- ponse à l'onzième Lettre des jansénistes excuse la phrase du P. Garasse par un texte d'un Père de TEglise , saint Prosper, bon à citer aux jansénistes : car on peut dire que Prosper est aussi janséniste que saint Au- gustin. Comparant le Christ au bon Samaritain, qui ramasse le blessé sur le chemin et le met sur son cheval, Paulin dit : < Il a mis ainsi l'homme sur son cheval, qui est l'Incamation du Verbe. » Nicole dis- cute cette réponse des jésuites dans sa Note 3 sur cette Lettre. Je dirai ici en passant que la Note 2 de Nicole ne se rapporte pas à cette Lettre même, mais à un pas- sage de la Besponse à l'onzième Lettre oii Von repro- chait à Pascal de s'être moqué , dans ses Provin- ciales , de la grâce suffisante (Lettre 2) , du rosaire ou du chapelet (Lettre 6). Nicole s'attache à repousser ce reproche. Quant à la Note 1 de Nicole, c'est une justification générales des railleries des Provinciales. Tl y cite le môme passage du P. Pirot, [que j'ai cité dans l'Introduction, p. 20. — Figuré ordinairement ainsi : IHS. — On a supposé que ce sigle était formé des deux premières lettres du nom de 'lYjaoû; et d'une S finale. Mais pourquoi un-^Tflt grec et une S latine? Cela ne satisfait pas. Il est vrai qu'on le trouve aussi écrit par un aî^fx» grec, IHG. Quant à l'habitude de mettre une croix au-dessus de l'H, je ne puis dire où elle remonte. — Qui est un Jésus dévalisé. — La Response à l'onzième Lettre dit encore que le P. Garasse , après ces mots, « qui est un Jésus dévalisé», écrivait ceux-ci : « fai- sant, comme par mystère, de toute antiquité, les armes de la ville de Genève.» — Votre chère Genève^ ajoute le P. Nouet. — Ceux du Père Brisacier sont4ls sincères? — Jean de 1. BossuBT, Catéchisme de Meatix, seconde partie, leçon VI. ONZIÈME LETTRE SS Brisacîer, jésuite français, né à Blois en 4603, mort en 1668. 11 s'agit d'un livre que ce Père avait publié en 165i. 11 avait attaqué en chaire, à Blois , un curé janséniste , né Irlandais , nommé Callaghan, et Ârnauld ayant pris la défense de ce curé, il répondit à Arnsuld par son écrit : le Jan- sénisme confondu dans la personne du sieur Calla- ghan, etc. Voir les tomes 29 et 30 des OEuvres d'Arnauld. — La censure de feu M, l'archevêque de Paris, — Fran- çois de Gondi, l'oncle et le prédécesseur du cardinal de Rèlz ; il était mort en 1654. P. 45. — Plus au long une autre fois, — Voir la quinzième Lettre. — Des voBux pour leur damnation. — Il s'agit d'une pièce de vers en l'honneur de la Vierge , récitée au collège des jésuites de Gaen, en juin 1653. On y trouvait ces deux strophes : Qui te, Marise progenies, negat Intrisse * largi sanguinis omnibus Et singulatim cuique vulnus Tergere sufficiens malagma, Si bis refossum de veteri scrobe Mussare pergit dogma leerdamum, Is e redemptis omnibus et Singulis excipiatur unus. C'est-à-dire : • ] Fils de Marie , celui qui refuse de croire que tu as fait de ton sang prodigué une application capable de fermer la plaie faite à tous et aussi à^chacun, s'il s'obstine à murmurer le dogme de Leerdam^deux fois déjà déterré de sa fosse, que celui-là, parmi ceux qui sont rachetés, je dis tous et chacun , soit excepté tout seul. » Leerdam est le pays de Jansénius. — Déterré deux fois, par Calvin et Baius apparemment. 1. Pour intrivisse, d^intero. à 4« LETTRES PROVINCIALES rien de contraire. Il paraît donc par là que vous ne pouvez montrer que j'aie péché contre cette règle, ni contre aucune de celles que la charité oblige de suivre ; et c'est pourquoi vous n'avez aucun droit de dire que je Taie blessée en ce que j'ai fait. Mais si vous voulez, mes Pères, avoir maintenant le plaisir de voir en peu de mots une conduite qui pèche contre chacune de ces règles , et qui porte véritable- ment le caractère de l'esprit de bouffonnerie , d'envie et de haine, je vous en donnerai des exemples ; et, afin qu'ils vous soient plus connus et plus familiers , je les prendrai de vos écrits mêmes. Car , pour commencer par la manière indigne dont vos auteurs parlent des choses saintes, soit dans leurs railleries , soit dans leurs galanteries , soit dans leurs discours sérieux, trouvez-vous que tant de contes ri- dicules de votre Père Binet , dans sa Consolation des malades^ soient fort propres au dessein qu'il avait pris de consoler chrétiennement ceux que Dieu afflige? Direz-vous que la manière si profane et si coquette dont votre Père Le Moyne a parlé de la piété, dans sa Dévotion aisée, soit plus propre à donner du respect que du mépris pour l'idée qu'il forme de la vertu chré- tienne? Tout son livre des Peintures morales respire- t-il autre chose, et dans sa prose et dans ses vers, qu'un esprit plein de la vanité et des folies du monde ? Est-ce une pièce digne d'un prêtre que cette ode du 7" livre, intitulée Éloge de la pudeur, où il est montré que toutes les belles choses sont rouges ^ ou sujettes à rougir? C'est ce qu'il fit pour consoler June dame, qu'il appelle Delphine, de ce qu'elle rougissait souvent. Il dit donc, à chaque stance, que quelques-unes des choses les plus estimées sont rouges, comme les roses, les grenades, la bouche, la langue; et c'est parmi ces k ONZIÈME LKTTRK 43 galanteries , honteuses à un religieux , qu'il ose mêler insolemment ces esprits bienheureux qui assistent de- vant Dieu, et dont les chrétiens ne doivent parler qu'avec vénération : Les chérubins, ces glorieux. Composés de tête et de plume, Que Dieu de sou esprit allume, £t qu'il éclaire de ses yeux ; Ces illustres faces volantes Sont toujours rouges et brûlantes, Soit du feu de Dieu, soit du leur, Et dans leurs flammes mutueUes Font du mouvement de leurs ailes Un éventail à leur chaleur. Mais la rougeur éclate en toi, Delphine, avec plus d'avantage, Quand Thonneur est sur ton visage Vêtu de pourpre comme un roi, etc. Qu'en dites-vous, mes Pères? Cette pré^rence delà rougeur de Delphine à l'ardeur de ces esprits, qui n'en ont point d'autre que la charité : et la comparaison d*un éventail avec ces ailes mystérieuses vous paraît-elle fort chrétienne dans une bouche qui consacre le corps adorable de Jésus-Christ? Je sais qu'il ne Ta dit que pour faire le galant et pour rire ; mais c'est cela qu'on appelle rire des choses saintes. Et n'est-il pas vé- ritabl e* que, si on lui faisait justice, il ne se garantirait pas d'une censure, quoique, pour s'en défendre, il se servît de cette raison, qui n'est pas elle-même moins censurable,qu'il rapporte au livre I«' : Que la Sorbonne iCa point de juridiction sur le Parnasse j et que les er- reurs de ce pays-là ne sont sujettes ni aux censures, ni à Vinquisition, comme s'il n'était défendu d'être blas- phémateur el impie qu'en prose ? Mais au moins on n'en 1. Et n'est-il pas vrai. 84 LETTRES PROVINCIALES Ce vœu de Gaen avait été déjà commenté dans la quinzième Enluminure , avec le texte des huit vers latins cité en marge. La pièce était de vingt vers , avec ce titre : Ad beaiam Virginem votum. P. 46. — Cellot, Bagoty Bauny. — Jean Bagot, jésuite fran- çais, né en 1580, est mort en 1664. fiagot a écrit, entre autres livres, une Défense du droit épiscopal et , de la liberté dont les fidèles jouissent pour la messe et la confession de précepte. Paris, 1655, in-8®. Le P. Bagot avait fait beaucoup de bruit en cette année môme ; il fut menacé d'une censure en Sorbonne , et ne se tira d'afTaire que pa^ la protec- tion |de la cour {Manuscrit de M. Hermant , t. 3, p. 234). P. 47. — Rideam vanitatem. — Adnationes, II, 12. — Dit saint Augustin. — Contra Faustum, XX, 6. Nicole a mis justement à la fin de la phrase un point d'in- terrogation. — Un temps de rire et un temps de pleurer. — Ecclé' siaste, m, 4. — De ces paroles des Proverbes. — Chap. xxix , 9 : Vir sapiens si cum stulto contenderit, sive irascatur, sive rideatj non inveniet requiem; mais est-ce sapiens , ou stullus, qui est le sujet de irascatur et de rideat? Il paraît que cela est équivoque, môme dans l'hébreu. — En achevant cette Lettre. — Nicole a supprimé cette Note , qui annonçait les Lettres 12 et 13. Les jésuites venaient de faire paraître les premières de leurs Impostures. Voir l'Introduction , p. lxi. DOUZIÈME LETTRE ÉCRITE PAR l'auteur DBS LETTRES AU PROVINCIAL AUX RÉVÉRENDS PÈRES JÉSUITES Du 9 septembre 1656. Mes Révérends Pères, J'étais prêt à vous écrire sur le sujet des injures que vous me dites depuis si longtemps dans vos écrits, où vous m^appelez impie, bouffon, ignorant, farceur, im- posteur, calomniateur^ fourbe, hérétique, calviniste dé- guisé, disciple de Du Moulin, possédé d^une légion de diables, et tout ce qu'il vous plaît. Je voulais faire en- tendre au monde pourquoi vous me traitez de la sorte, car je serais fâché qu'on crût tout cela de moi ; et j'a- vais résolu de me plaindre de vos calomnies et de vos impostures, lorsque j'ai vu vos réponses, où vous m'en accusez moi-même. Vous m'avez obligé parla de chan- ger mon dessein ; et néanmoins, mes Pères, je ne lais- serai pas* de le continuer en quelque sorte, puisque j'espère, en me défendant, vous convaincre de plus d'impostures véritables que vous ne m'en avez imputé i. Et néanmoins je ne laisserai pas. 5« LETTRES PROVINCIALES de fausses. En vérité, mes Pères , vous en êtes plus suspects que moi ; car il n'est pas vraisemblable qu'é- tant seul comme je suis, sans force et sans aucun appui humain contre un si grand corps, et n'étant ^soutenu que par la vérité et la sincérité, je me sois exposé à tout perdre, en m'exposant à être convaincu d'impos- ture. Il est trop aisé de découvrir les faussetés dans les questions de fait, comme celles-ci*. Je ne manquerais pas de gens pour m'en accuser, et la justice ne leur en serait pas refusée. Pour vous, mes Pères, vous n'êtes pas en ces termes ; et vous pouVez dire contre moi ce que vous voulez, sans que je trouve à qui m'en plain- dre. Dans cette différence de nos conditions, je ne dois pas être peu retenu, quand d'autres considérations ne m'y engageraient pas. Cependant vous me traitez comme un imposteur insigne, et ainsi vous me forcez à repar- tir; mais vous savez que cela ne se peut faire sans ex- poser de nouveau, et même sans découvrir plus à fond les points de votre morale; en quoi je doute que vous soyez bons politiques. La guerre se fait chez vous et à vos dépens ; et , quoique vous ayez pensé qu'en embrouillant les questions par des termes d'école, les réponses en seraient si longues, si obscures et si épi- neuses, qu'on en perdrait le goût, cela ne sera peut-être pas tout à fait ainsi; car j'essayerai de vous ennuyer le moins qu'il se peut en ce genre d'écrire. Vos maximes ont je ne sais quoi de divertissant qui réjouit toujours le monde. Souvenez-vous au moins que c'est vous qui m'engagez d'entrer dans cet éclaircissement, et voyons qui se défendra le mieux. La première de vos Impostures est sur Vopinion de Vasquez touchant Vaumône, Souffrez donc que je l'ex- f-' 1. Comme celle-ci. DOUZlËxViË lëttkë: 57 plique nettement, pour ôter toute obscurité de nos dis- putes. C'est une cliose assez connue, mes Pères, que, selon l'esprit de TÉglise, il y a deux préceptes touchant Taumône : l'un, de donner son superflu dans les néces- sités ordinaires des pauvres ; Vautre^ de donner même de ce qui est nécessaire selon sa condition dans les né- cessités extrêmes. C'est ce que dit Caietan, après saint Thomas : de sorte que, pour faire voir Fesprit de Vas- quez touchant l'aumône, il faut montrer comment il a réglé tant celle qu'on doit faire du superflu que celle qu'on doit faire du nécessaire. Celle du superflu, qui est le plus ordinaire secours des pauvres, est entièrement abolie par cette seule maxime, deEleem,, c. 4,n. 14, que j'ai rapportée dans mesLettres : Ce que les gens du monde gardent pour relever leur condition et celle de leu7*s parents n'est pas appelé superflu. Et ainsi à peine trouvera-t-on qu'il y ait jamais de superflu dans les gens du monde ^ et non pas même dans les rois. Vous voyez bien, mes Pères, par cette définition, que * tous ceux qui auront de l'am- bition n'auront point de superflu ; et qu'ainsi l'aumône en est anéantie à l'égard de la plupart du monde. Mais quand il arriverait même qu'on en aurait, on serait en- core dispensé d'en donner dans les nécessités com- munes, selon Vasquez, qui s'oppose à ceux qui veulent y obliger les riches. Voici ses termes, ch. 1, n. 32 : Corduba, dit-il, enseigne que, lorsqu'on a du superflu, on est obligé d'en donner à ceux qui sont dans une né- cessité ordinaire, au moins une partie, afin d'accomplir le précepte en quelque chose; mais cela ne me plaît PAS, SED HOC NON PLACET : car nous avons montré EE CONTRAIRE contre Caietan et Navarre. Ainsi , mes i. Que par cette définition. 1(8 LETTRES PHOYINCIALES Pères, l'obligation de cette aumône est absolument rm- née, selon ce qu'il plaît à Yasquez. Pour celle du nécessaire', qu*on [est obligé de faire dans les nécessités extrêmes et pressantes, vous verrez, par les conditions qu'il apporte pour former cette obli- gation , que les plus riches de Paris peuvent n'y être pas engagés une seule fois dans leur vie. Je n'en rap- porterai que deux. L'une, que l'on sache que le pauvre ne sera secouru d'aucun autre : Hxc intelligo et cœtera omnia, quando SGio nullum alium opem laturum^ cap. 1, n. 28. Qu'en dites-vous, mes Pères? arrivera-t-il sou- vent que dans Paris, où il y a tant de gens charitables, on puisse savoir qu'il ne se trouvera personne pour se- courir un pauvre qui s'offre à nous? Et cependant, si on n'a pas cette connaissance, on pourra le renvoyer sans secours, selon Vasquez. L'autre est que la néces- sité* de ce pauvre soit telle, quHl soit menacé de quel- que accident mortel, ou de perdre sa réputation, n. 24 et 26, ce qui est bien peu commun. Mais ce qui en marque encore la rareté, c'est qu'il dit, n. 45, que le pauvre qui est. en cet état où il dit [qu'on ^est obligé à lui donner Taumône, peut voler le riche en conscience. Et ainsi il faut que cela soit bien extraordinaire, si ce n*est qu'il veuille qu'il soit ordinairement permis lie voler. De sorte qu'après avoir détruit l'obligation de donner l'aumône du superflu , qui est la plus grande source des charités, il n'oblige les riches d'assister les pauvres de leur nécessaire que lorsqu'il permet aux pauvres de voler les riches. Voilà la doctrine de Vas- quez, où vous renvoyez les lecteurs pour leur édifica- tion. Je viens maintenant à vos Impostures. Vous vous 1. L'autre conditiou est que. DOUZIÈME LETTRE m étendez d*abord sur Tobligation que Yasquez impose aux ecclésiastiques de faire l'aumône; mais je n'en ai point parlé, etj'en parlerai quand il vous plaira. Il n'en est donc pas question ici. Pour les laïques, desquels seuls il s'agit, il semble que vous vouliez faire entendre que Vasquez ne parle, en l'endroit que j'ai cité, que selon le sens de Gaiètan, et non pas selon le sien propre. Mais comme il n'y arien de plus faux, et que vous ne l'avez pas dit nettement, je veux croire pour votre honneur que vous ne l'avez pas voulu dire. Vous vous plaignez ensuite hautement de ce qu'après avoir rapporté cette maxime de Vasquez : A peine se trouvera-t'il que les gens du monde^ et même les rois, aient jamais de superflu , j'en ai conclu que les riches sont donc à peine obligés de donner l'aumône de leur superflu. Mais que voulez-vous dire, mes Pères? S'il est vrai que les riches n'ont presque jamais de super- flu, n'est-il pas certain qu'ils ne seront presque jamais obh'gés de donner l'aumône de leur superflu? Je vous en ferais un argument en forme, si Diana, qui estime tant Vasquez, qu'il l'appelle le phénix des esprits, n'a- vait, tiré la même conséquence du même principe; car, après avoir rapporté cette maxime de Vasquez , il en conclut que dans la question , savoir si les riches sont obligés de donner Vaumône de leur superflu, quoique V opinion qui les y oblige fût véritable, il n^ arriverait jamais y ou presque jamais, qu^elle oblige dans lapra^ tique. Je n'ai fait que suivre mot à mot tout ce discours* Que veut donc dire ceci, mes Pères ? Quand Diana rap- porte avec éloge les sentiments de Vasques , quand il les trouve probables, et très commodes pour les riches, comme il le dit au même lieu, il n'est ni calomniateur, ni faussaire, et vous ne vous plaignez point qu'il lui im- pose : au lieu que , quand je représente ces mêmes 60 LETTRES PROVINCIALES sentiments de Yasquez , mais sans le traitçr de phénix^ je suis un imposteur, un faussaire et un corrupteur de ses maximes. Certainement, mes Pères, vous avez sujet de craindre que la différence de vos traitements envers ceux qui ne diffèrent pas dans le rapport, mais seule- ment dans Testime qu'ils font de votre doctrine, ne dé- couvre le fond de votre cœur , et ne fasse juger que vous avez pour principal objet de maintenir le crédit et la gloire de votre compagnie ; puisque, tandis que votre théologie accommodante passe pour une sage condescen- dance, vous ne désavouez point ceux qui la publient, et vous les louez, au contraire', comme contribuant à votre dessein. Mais quand on la fait passer pour un re- lâchement pernicieux, alors le même intérêt de votre Société vous engage à désavouer des maximes qui vous font tort dans le monde ; et ainsi vous les recon- naissez ou les renoncez, non pas selon la vérité , qui ne change jamais , mais selon les divers changements des temps , suivant cette parole d'un ancien : Omnia pro tempore ^ nihil pro veritate. Prenez-y garde , mes Pères; et, afin que vous ne puissiez plus m'accuser d'avoir tiré du principe de Vasquez une conséquence qu'il eût désavouée, sachez qu'il l'a tirée lui-même, c. 1, n. 27 : A peine est-on obligé de donner V aumône, quand on n'est obligé à la donner que de son superflu^ selon Vopinion de Caietan et selon la mienne : et se- cundum nostram. Confessez donc , mes Pères, par le propre témoignage de Vasquez, que j'ai suivi exacte- ment sa pensée ; et considérez avec quelle conscience vous avez osé dire que si Von allait à la source , on verrait avec étonnement qu'il y enseigne tout le con- traire. 1. Et au contraire vous les louez. DOUZIÈME LETTRE Oi Enfin, vous faites valoir par-dessus tout ce que vous dites , que Vasquez oblige en récompense les riches de donner l'aumône de leur nécessaire \ Mais vous avez oublié de marquer l'assemblage des conditions nécessaires pour former cette obligation*, et vous dites généralement' qu'il oblige les riches à donner même ce qui est nécessaire à leur condition. C'est en dire trop , mes Pères : la règle de l'Évangile ne va pas si avant : ce serait une autre erreur, dont Vasquez est bien éloigné. Pour couvrir son relâchement, vous lui attribuez un excès de sévérité qui le rendrait répréhen- sible, et par là vous vous ôtez la créance de l'avoir rap- porté fidèlement. Mais il n'est pas digne de ce re- proche, après avoir établi, comme il a fait par un si vi- sible renversement de l'Évangile*, que les riches ne sont point obligés", ni par justice ni par charité, de donner de leur superflu, et encore moins du nécessaire, dans tous les besoins ordinaires des pauvres ; et qu'ils ne sont obligés de donner du nécessaire qu'en des ren- contres si rares qu'elles n'arrivent presque jamais. Vous ne m'objectez rien davantage ; de sorte qu'il ne me reste qu'à faire voir combien est faux ce que vous prétendez, que Vasquez est plus sévère que Gaie- tan. Et cela sera bien facile, puisque ce cardinal ensei- gne, Qu^on est obligé par justice de donner V aumône de son superflu, même dans les communes nécessités des i. Que si Vasquez n'oblige pas les riches de donner Tau- mône de leur superflu, il les oblige en récompense. 2. Des conditions qu'il déclare être nécessaires. 3. Avant ces motSj on a suppléé toute une phrase : Lesquelles j'ai rapportées, et qui la restreignent si fort, qu'eUes Tanéantis- sent presque entièrement, et au lieu d'expUquer ainsi sincère- ment sa doctrine, vous dites. 4. Etabli, comme je l'ai fait voir, que les riches. 5. Pas obligés. II. • 4 i 62 LETTRES PROVINCIALES pauvres : parce que, selon les saints Pères, les riches sont seulement dispensateurs de leur superflu, pour le donner à qui ils veulent d'entre ceux qui en ont besoin. Et ainsi, au lieu que Diana dit des maximes de Vas- quez, Qu'elles seront bien commodes et bien agréables aux riches et à leurs confesseurs, ce cardinal, qui n'a pas une pareille consolation à leur donner, déclare, de Eleem.^ c. 6, qu'il n'a rien à dire aux riches que ces paroles de Jésus-Christ : Qu'il est plus facile qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille, que non pas qu'un riche entre dans le ciel; et à leurs confesseurs, que cette parole du même Sauveur * : Si un aveugle en conduit un autre, ils tomberont tous deux dans le pré- cipice; tant il a trouvé cette obligation indispensable ! Aussi, c'est ce que lesPèresettous les saints ont établi comme une vérité constante. Il y a deux cas, dit saint Thomas, 2, 2, q. 118, 4, où l'on est obligé de donner l'aumône par un devoir de justice , ex debito legali : Vun^ quand les pauvres sont en danger ; l'autre, quand nous possédons des biens superflus. Et q. 87, a. 1 : Les troisièmes décimes que les Juifs devaient manger avec tes pauvres ont été augmentées dans la loi nouvelle) parce que Jésus^Christ veut^ que nous donnions aux pauvres , non seulement la dixième partie , mais tout notre superflu. Et cependant il ne plaît pas à Vasquez qu'on soit obligé d'en donner une partie seulement^ tant il a de complaisance pour les riches , de dureté pour les pauvres, et d'opposition * à ces sentiments dé charité qui font trouver douce la vérité de ces pai*oles de saint Grégoire, laquelle pardt si dure' aux riches du monde : Quand nous donnons aux pauvres ce qui 1. Et à leurs coilfessears : Si uil aveugle. . 2. Pour les pauvres, d'opposition. 3. Si rude. DOUZIÈME LETTRE 63 leur est nécessaire^ nous ne leur donnons pas tant ce qui est à nous que nous leur rendons ce qui est à eux; et c'est un devoir dé justice plutôt qu'une œuvre de miséricorde. C'est de cette sorte que les saintâ recommandent aux riches de partager avec les pauvres les biens de la terre, s'ils veulent posséder avec eux les biens du ciel. Et au lieu que vous travaillez à entretenir dans les hommes l'ambition, qui fait qu'on n'a jamais de super- flu, et l'avarice, qui refuse d'en donner quand on en aurait, les saints ont travaillé au contraire à porter les hommes à donner leur superflu, et à leur faire connaître qu'ils en auront beaucoup, s'ils le mesurent, non par la cupidité, qui ne souffre point de bornes , mais par la piété, qui est ingénieuse à se retrancher, pour avoir de quoi se répandre dans l'exercice de la charité. TVbtes aurons beaucoup de superflu, dit saint Augustin^ si nous ne gardons que le nécessaire ; mais si nous recher- chons les choses vaines, rien ne nous su/jîra. Recher- chez, mes frères, ce qui suffit à V ouvrage de Dieu, c'est- à-dire à la nature ; et non pas ce qui suffit à votre cu- pidité, qui est l'ouvrage du démon : et souvenez-vous que le superflu des riches est le nécessaire des pau- vres. Je voudrais bien, mes Pères, que ce que je vous dis servît non seulement à me justifier, ce serait peu, mais encore à vous faire sentir et abhorrer ce qu'il y a de corrompu dans les maximes de vos casuistes, afin de nous unir sincèrement dans les saintes règles de l'Évangile, selon lesquelles nous devons tous être jugés. Pour le second point, qui regarde la simonie, avant que de répondre aux reproches que vous me faites, je commencerai par l'éclaircissement de votre doctrine 64 LETTRES PROVINCIALES sur ce sujet. Comme vous vous êtes trouvés embar- rassés entre les canons de TÉglise, qui imposent d'hor- ribles peines aux simoniaques, et Tavarice de tant de personnes qui recherchent cet infâme trafic, vous avez suivi votre méthode ordinaire, qui est d'accorder aux hommes ce qu'ils désirent, et donner à Dieu * des pa- roles et des apparences. Car qu'est-ce que demandent les simoniaques, sinon d'avoir de l'argent en donnant leurs bénéfices? Et c'est cela que vous avez exempté de simonie! Mais parce qu'il faut que le nom de simonie demeure, et qu'il y ait un sujet où il soit atta- ché, vous avez choisi pour cela une idée imaginaire, qui ne vient jamais dans l'esprit des simoniaques, et qui leur serait inutile : qui est d'estimer l'argent con- sidéré en lui-même autant que le bien spirituel consi^ déré en lui-même. Car qui s'aviserait de comparer des choses si disproportionnées et d'un genre si différent ? Et cependant, pourvu qu'on ne fasse pas cette compa- raison métaphysique, on peut donner son bénéfice à un autre, et en recevoir de l'argent sans simonie, selon vos auteurs. C'est ainsi que vous vous jouez de la religion pour suivre la passion des hommes ; et voyez néanmoins avec quelle gravité votre Père Valentia débite ses songes à l'endroit cité dans mes Lettres, t. 3, disp. 16, p. 3, p. 2044* : On joet/^/dit-il, donner un bien temporel pour un spirituel en deux manières : Vune en prisant davantage le temporel que le spirituel, et ce serait si- monie ; Vautre en prenant le temporel comme le motif et la fin qui porte à donner le spirituel ^ sans que néanmoins on prise le temporel plus que le spirituel, 1 . Et de donner à Dieu. 2. L. 3, disp. 6, q. 16, p. 3. DOUZIÈME LEITTRE 65 et alors ce n'est point simonie. Et la raison en est que la simonie consiste à recevoir un temporel comme le juste prix d'un spirituel. Donc, si on demande le tem- porel^ si petatur temporale, non pas comme le prix, mais comme le motif qui détermine à le conférer, ce n'est point du tout simonie, encore qu'on ait pour fin et attente principale la possession du temporel : minime erit simonia, etiamsi temporale principaliter intenda- tur et expectetur. Et votre grand Sanchez n'a-t-il pas eu une pareille révélation, au rapport d'Escobar, tr. 6, ex. 2, n. 40 ? Voici ses mots : Si on donne un bien temporel pour un bien spirituel, non pas comme prix, mais comme un motif ym porte le collateurà le donner, ou comme une reconnaissance, si on l'a déjà reçu, est-ce simonie ? Sanchez assure que non. Vos thèses de Gaen, de 1644 : C'est une opinion probable j enseignée par plusieurs catholiques , que ce n'est pas simonie de donner un bien temporel pour un spirituel, quand on ne le donne pas comme prix. Et quant à Tannerus, voici sa doctrine, pareille à celle de Valentia, qui fera voir combien vous avez tort de vous plaindre de ce que j'ai dit qu'elle n'est pas conforme à celle de saint Tho- mas, puisque lui-même Favoue au lieu cité dans ma Lettre, t. 3, d. 5, p. 1519 : // n'y a point, dit-il, pro- prement et véritablement de simonie, sinon à prendre un bien temporel comme le prix d'un spirituel ; mais quand on le prend comme un motif qui porte à donner le spirituel, ou comme en reconnaissance de ce qu'on l'a donné, ce n'est point simonie, au moins en cons- cience. Et un peu après : // faut dire la même chose, encore qu'on regarde le temporel comme sa fin princi- pale, et qu'on le préfère même au spirituel; quoique saint Thomas et d'autres semblent dire le contraire, en ce qu'ils assurent que c'est absolument simonie de don- 4. I I r m LETTRES PROVINCIALES ner un bien spirituel pour un temporel^ lorsque le tem- porel en est la fin. Voilà, mes Pères, votre doctrine de la simonie en- seignée par vos meilleurs auteurs, qui se suivent en cela bien exactement. Il ne me reste donc qu'à répon- dre à vos Impostures. Vous n'avez rien dit sur Topi- nion de Yalentia, et ainsi sa doctrine subsiste après votre réponse. Mais vous vous arrêtez sur celle de Tan- nerus, et vous dites qu'il a seulement décidé que ce n'était pas une simonie de droit divin ; et vous voulez faire croire que j'ai supprimé de ce passage ces paroles : dedroit rfmn. Vous n'êtes pas * raisonnables, mes Pères : car ces termes, de droit divin, ne furent jamais dans ce passage. Vous ajoutez ensuite que Tannerus déclare que c'est une simonie de droit positif. Vous vous trom- pez, mes Pères : il n'a pas dit cela généralement, mais sur des cas particuliers , in casibus a jure expressis, comme il le dit en cet endroits En quoi il fait une excep- tion de ce qu'il avait établi en général dans ce passage^ que ce n'est pas simonie en conscience; ce qui enferme que ce n'en est pas aussi une de droit positif, si vous ne voulez faire Tannerus assez impie pour soutenir qu'une simonie de droit positif n'est pas simonie en conscience. Mais vous recherchez à dessein ces mots de droit divin , droit positifs droit naturel, tribunal intérieur et extérieur^ cas exprimés dans le droit, pré- somption externe, et l'es autres qui sont peu connus, afin d'échapper sous cette obscurité et de faire perdre la vue de vos égarements. Vous n'échapperez pas néanmoins, mes Pères, par ces vaines subtilités : car je vous ferai des questions si simples, qu'elles ne seront point sujettes au distinguo. Je vous demande donc , 1. De droit divin, sur quoi vous n'êtes pas. DOUZIËlfE LETTRE 07 sans parler de droit positifs ni de présomption de tri* bunal extérieur \ si un bénéficier sera simoniaque, selon vos auteurs , en donnant un bénéfice de quatre mille livres de rente , et recevant dix mille francs argent comptant, non pas comme prix du bénéfice, mais comme un motif qui le porte à le donner. Répondez-moi nette- ment, mes Pères : que faut-il conclure sur ce cas, selon vos auteurs ? Tannerus ne dira-t-il pas, formellement , Que ce n'est point simonie en conscience, puisque le temporel n^est pas le prix du bénéfice, mais seulement le motif qui le fait donner ? Yalentia , vos thèses de Gaen , Sanchez et Escobar ne décideront-ils pas de même que ce n'est pas simonie, par la même raison? En faut-il davantage pour excuser ce bénéficier de si- monie ? et oserez-vous le traiter autrement * dans vos confessionnaux , quelque sentiment que vous en ayez par vous-mêmes , puisqu'il aurait droit de vous !y obliger ', ayant agi selon l'avis de tant de docteurs graves ? Con- fessez donc qu'un tel bénéficier est excusé de simonie, selon vous ; et défendez maintenant cette doctrine , si vous le pouvez. Voilà, mes Pères, comment il faut traiter les ques- tions pour les démêler, au lieu de les embrouiller, ou par des termes d'école, ou en changeant l'état de la question, comme vous faites dans votre dernier reproche en cette sorte. Tannerus, dites-vous, déclare au moins qu'un tel échange est un grand péché; et vous me reprochez d'a- voir supprimé malicieusement cette circonstance qui le justifie enlisement, à ce que vous prétendez. Mais vous avez tort, et en plusieurs manières. Car, quand 1. Cette leçon n'est-elle pas une faute; et ne faut-il pas lire : ni de présomption externe, ni de tribunal extérieur? 2. Et oserez-vous le traiter de simoniaque. 3. De vous fermer la bouche. «8 LETTRES PROVINCIALES ce que vous dites serait véritable*, il ne s'agissait pas, au lieu où j'en parlais, de savoir s'il y avait en cela du péché, mais seulement s'il y avait de la simonie. Or, ce sont deux questions fort séparées ; les péchés n'obli- gent qu'à se confesser, selon vos maximes ; la simonie oblige à restituer : et il y a des personnes à qui cela pa- raîtrait assez différent. Car vous avez bien trouvé des expédients pour rendre la confession douce , au lieu que • vous n'en avez point trouvé pour rendre la resti- tution agréable. J'ai à vous dire de plus que le cas que Tannerus accuse de péché n'est pas simplement celui où l'on donne un bien spirituel pour un temporel, qui en est le motif môme principal ; mais il ajoute encore, que Von prise le temporel plus que le spirituel , ce qui est ce cas imaginaire dont nous avons parlé. Et il ne fait pas de mal de charger celui-là de péché , puisqu'il faudrait être bien méchant ou bien stupide pour ne vouloir pas éviter un péché par un moyen aussi facile qu'est celui de s'abstenir de comparer les prix de ces deux choses, lorsqu'il est permis de donner l'une pour l'autre. Outre que Valentia, examinant, au lieu déjà cité, s'il y a du péché à donner un bien spirituel pour un temporel, qui en est le motif, rapporte les raisons de ceux qui disent que oui, en ajoutant : Sed hoc non vide- tur miki satis certum : Cela ne me parait pas assez certain. Mais, depuis, votre Père Érade Bille, profeéseur des cas de conscience à Caen, a décidé qu'il n'y a aucun péché' : car les opinions probables vont toujours en mû- rissant. C'est ce qu'il déclare dans ses écrits de 1644, contre lesquels M. Du Pré, docteur et professeur à Caen, 1. Serait yrai. 2. Mais vous n*en avez point trouvé. 3. Qu'U n'y a en cela. \ DOUZIÈME LETTRE 69 fit cette bette harangue imprimée, qui est assez connue. Car , quoique ce Père Érade Bille reconnaisse que la doctrine de Valentia, suivie par le Père Milliard, et con- damnée en Sorbonne, soit contraire au sentiment commun , suspecte de simonie en plusieurs choses, et punie en justice ^ quand la pratique en est découverte , il ne laisse pas de dire que c^est une opinion probable, et par conséquent sûre en conscience, et qu'il n'y a en cela ni simonie ni péché. Cest, dit>il,tine opinion pro- bable et enseignée par beaucoup de docteurs catholiques, qu'il n'y a aucune simonie ni aucun péché à donner de Vargentf ou une autre chose temporelle^ pour un béné- fice y soit par forme de reconnaissance , soit comme un motif sans lequel on ne le donnerait pas, pourvu qu'on ne le donne pas comme un prix égal au bénéfice. C'est là tout ce qu'on peut désirer. Et, selon toutes ces maximes, vous voyez, mes Pères, que la simonie sera si rare qu*on en aurait exempté Simon même le magicien, qui voulait acheter le Saint-Esprit, en quoi il est l'image des simoniaques qui achètent; et Giezi, qui reçut de l'argent pour un miracle , en quoi il est la figure des simoniaques qui vendent. Car il est sans doute que quand Simon, dans les Actes ^ offrit de l'argent aux apôtres pour avoir leur puissance^ il ne se servit ni des termes d'acheter, ni de vendre, ni de prix, et qu'il ne fit autre chose que d'offrir de l'argent, comme un motif pour se faire donner ce bien spirituel. Ce qui étant exempt de simonie, selon vos auteurs, il se fût bien ga- ranti de l'anathème de saint Pierre , s'il eût su leurs maximes '. Et cette ignorance fit aussi grand tort à Giezi, quand il fut frappé de la lèpre par Elisée ; car, n'ayant reçu Targent de ce prince guéri miraculeusement que i. SMl eût été instruit de vos maximes. 70 LETTRES PROVINCIALES ' comme une reconnaissance^ et non pas comme un prix égal à la vertu divine qui avait opéré ce miracle, il eût obligé Elisée à le guérir , sur peine de péché mortel , puisqu'il aurait agi selon tant de docteurs graves , et que vos confesseurs sont obligés d'absoudre leurs péni- tents en pareil cas *, et de les laver de la lèpre spiri- tuelle, dont la corporelle n'est que la figure. Tout de bon, mes Pères, il serait aisé^le vous tourner là-dessus en ridicules*; je ne sais pourquoi vous vous y exposez. Car je n'aurais qu'à rapporter vos autres maximes, comme celle-ci d'Escobar, dans la Pratique de la simonie selon la Société de Jésus * : Est-ce simonie, lorsque deux religieux s* engagent Vun à Vautre en cette sorte : Donnez-moi votre voix pour me faire élire pro- vincialy et je vous donnerai la mienne pour vous faire prieur ? Nullement. Et cette autre : Ce n'estpas simonie de se faire donner un bénéfice en promettant de Var~ gent, quand on n'a pas dessein de payer en effet; parce que^ce n'est qu'une simonie feinte, qui n'est non plus véritable que du faux or n'est pas du véritable or *. C'est par cette subtilité de conscience qu'il a trouvé le moyen, en ajoutant la fourbe à la simonie, de faire avoir des bénéfices sans argent et sans simonie. Mais je n'ai pas le loisir d'en dire davantage; car il faut que je pense à me défendre contre votre troisième calomnie , sur le sujet des banqueroutiers. Pour celle-ci, mes Pères, il n'y a rien de plus gros- sier. Vous me traitez d'imposteur sur le sujet d'un sen- timent de Lessius que je n'ai point cité de moi-même, mais qui se trouve allégué par Escobar, dans un pas- 1. £tqa*en pareils cas, vos confesseurs, etc. 2. En ridicule. 3. De Jésus, tr. 6, ex. 2, p. 44. 4. Non plus vrai que du faux or n'est pas du vrai or. DOUZIÈME LETTRE 7i. sage que j'en rapporte : et ainsi, quand il serait véri- table * que Lessius ne serait pas de Tavis qu'Escobar lui attribue, qu'y a-t-il de plus injuste que de s'en prendre à moi ? Quand je cite Lessius et vos autres auteurs de moi-même, je consens d'en répondre ; mais comme Escobar a ramassé les opinions de 24 de vos Pères, je vous demande si je dois être garant d'autre chose que de ce que je cite de lui ; et s'il faut, outre cela, que je réponde des citations qu'il fait lui-même dans les passages que j'en ai pris ? Gela ne seraitpas raison- nable. Or, c'est de quoi il s'agit en cet endroit. J'ai rapporté dans ma Lettre ce passage d'Escobar traduit fort fidèlement, et sur lequel aussi vous ne dites rien : Celui qui fait banqueroute peut-il en sûreté de cons-^ cience retenir de ses biens autant qu'il est nécessaire pour vivre avec honneur^ ne indecore vivat ? Je réponds QUE oui avec Lessius, cuh Lessio assero posse, etc. Sur cela vous me dites que Lessius n'est pas de ce sen- timent. Mais pensez un peu où vous vous engagez. Car s'il est vrai qu'il en est, on vous appellera imposteurs, d'avoir assuré le contraire; et s'il n'en est pas,Escobar sera l'imposteur : de sorte qu'il faut maintenant , par nécessité, que quelqu'un de la Société soit convaincu d'imposture. Voyez un peu quel scandale ! Aussi vous ne savez pas prévoir Ma suite des choses* Il vous semble qu'il n'y a qu'à dire des^injures au monde', sans penser sur qui elles retombent. Que ne faisiez-vous savoir votre difficulté à Escobar, avant que de la publier*? il vous eût satisfait*. Il n'est pas si malaisé d'avoir des 1. Qaand U serait vrai. 2. Vous ne savez prévoir. 3. Aux personnes. 4. Avant de la pubUer. 5« Satisfaits. 72 LETTRES PROVINCIALES nouvelles de Valladolid, où il est en parfaite santé, et où il achève sa grande Théologie morale en six volu- mes, sur les premiers desquels je vous pourrai dire un jour quelque chose. On lui a envoyé les dix premières Lettres ; vous pouviez aussi lui envoyer votre objection, et je m'assure qu'il y eût bien répondu : car il a vu sans doute dans Lessius.ce passage, d'où il a pris le ne indecore vivat. Lisez-le bien, mes Pères, et vous Ty trouverez comme moi, lib. 2, c. 16, n. 45 : Idem colli- gitur aperte ex juribus citatiSy mcLxime quoad ea bona quœ post cessionem acquirit, de quibus is qui debitor est , etiam ex delicto , potest retinere quantum necessa- rium est, ut pro sua conditione non indecore vivat. Petes an leges id permittant de bonis quœ tempore in- stantis cessionis habebat . /ta videtur colligi ex DD. ,etc,\ Je ne m'arrêterai pas à vous montrer que Lessius, pour autoriser cette maxime, abuse de la loi, qui n'ac- corde que le simple vivre aux banqueroutiers , et non pas de quoi subsister avec honneur. Il suffit d'avoir justifié Ëscobar contre une telle accusation , c'est plus que je ne devais faire. Mais vous, mes Pères , vous ne faites pas ce que vous devez : car il est question de répondre au passage d'Ëscobar, dont les décisions sont commodes , en ce qu'étant indépendantes du de- vant et de la suite , et toutes renfermées en de petits articles, elles ne sont pas sujettes à vos distinctions. Je vous ai cité son passage entier, qui permet à ceux qui font cession de retenir de leurs biens^ quoique acquis injustement, pour faire subsister leur famille avec honneur. Sur quoi je me suis écrié dans mes Lettres : Comment I mes Pères, par quelle étrange charHté vou- leZ'Vou» que les biens appartiennent plutôt à ceux qui 1. On a supprimé Me, DOUZIEME LETTRE 73 les ont mal acquis qu^aux créanciers légitimes ? C'est à quoi il faut répondre ; mais "c'est ce qui vous met dans un fâcheux embarras, que vous essayez en vain d'éluder en détournant la question , et citant d'autres passages de Lessius, desquels il ne s'agilpoint. Je vous demande donc si cette maxime d'Escobar peut être suivie en conscience par ceux qui font banqueroute. Et prenez garde à ce que vous direz. Car si vous ré- pondez que non, que deviendra votre docteur, et voire doctrine de la probabilité? Et si vous dites que oui, je vous renvoie au parlement. Je vous laisse dans cette peine, mes Pères; car je n'ai plus ici de place pour entreprendre l'Imposture suivante sur le passage de Lessius touchant l'homicide ; ce sera pour la première fois, et le reste ensuite. Je ne vous dirai rien cependant sur les AvefHisse- ments pleins de faussetés scandaleuses par où vous finissez chaque Imposture ': je repartirai à tout cela dans la Lettre où j'espère montrer la source de vos ca- lomnies. Je vous plains, mes Pères, d'avoir recours à de tels remèdes. Les injures que vous me dites n'éclair- ciront pas nos différends , et les menaces que vous me faites en tant de façons ne m'empêcheront pas de me défendre. Vous croyez avoir la force et l'impunité, mais je crois avoir la vérité et l'innocence. C'est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d'op- primer la vérité. Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter en- core plus. Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre : quand l'on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et con- vaincants confondent et dissipent ceux qui n'ont que n. D i 74 LETTRES PROVINCIALES la vanilé et le mensonge; mais la violence et la vérité ne peuvent rien Tune sur l'autre. Qu'on ne prétende pas de là néanmoins que les choses soient égales ; car il y a cette extrême différence que la violence n'a qu'un cours borné par Tordre de Dieu, qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu'elle attaque , au lieu que la [vérité subsiste éternellement et triomphe enfin de ses ennemis, parce qu'elle est éternelle et puissante comme Dieu même. REMARQUES SUR LA DOUZIÈiME PROVJNGIALE P. 66. — Disciple de Du Moulin. — Les jésuites avaient publié une Lettre Sur la conformité des reproches et des calomnies que les jansénistes publient contre les Pères de la compagnie de Jésus, avec celles que le mi- nistre Du Moulin a publiées devant eux (c'est-à-dire avant eux) dans son livre des Traditions, imprimé à Genève en l'année 1632. Cette Lettre figure dans le recueil des Responses aux Lettres provinciales , p. 67-86. M. Tabbê Maynard, dans son Introduction^ p. 36, prétend qu'avant Du Moulin Calvin avait déjà publié la Théologie morale des papistes , c violente diatribe contre les doctrines catholiques » ; mais il s*est évidemment trompé. Aucun ouvrage sous ce titre, ni dont le titre se rapproche de celui-là, ne se trouve dans la liste des ouvrages de Calvin, en 96 articles , donnée par MM. Haag dans la France protestante, t. ;3, p. 143-161. De plus^ si Calvin eût fait un ouvrage de ce genre , il est clair que c'est Calvin^ et non Du Moulin , que les jésuites auraient reproché à Pascal d'avoir copié. p. 57. — Cest ce que dit Caietan après saint Thomas, — Les textes seront cités plus loin. — Que j'ai rapportée dans mes Lettres. — Lettre 6 , p. 116. — Corduba^ dit-il, enseigne, — Antoine de Cordoue (en latin Gorduba),né en 1559, mort enl634) jésuite^ a écrit ilnstruçtio confessariorum tribus partihus, Gre- nadej 1621, in-12. P. 59. — Et fen parlerai quand il vous plaira^ — Il ne Ta \ 76 LETTRES, PROVINCIALES pas fait ; Nicole y a suppléé dans sa Note 2 sur la Lettre 12. P. 59. — Et très commodes pour les riches, — « Pour les confesseurs des riches , » dit le texte : quse quidem confessariis divitum multum plausibilia erunt. P. 60. — Tandis que votre théologie, — Tandis que a ici le sens de tant que. — Omnia pro tempore, — Je ne puis dire d'où sont tirées ces paroles. P. 61. — Qu'on est obligé par justice. — On voit par la tra- duction de Nicole que ce n'est pas ici le texte même de Gaïetan; c'est seulement son opinion exprimée par Vasquez ; mais Nicole cite lui-même le texte de Gaïetan , qui est encore plus fort : « Le riche qui ne distribue pas son superflu, mais qui l'accumule pour s'acheter des domaines , par la seule passion de grandir, non seulement fait mal en s'abandonnant à cette passion de grandeur et à un amour déréglé de l'argent, mais pèche mortellement envers ses frères indigehts, en employant ainsi un superflu qui est dû aux pauvres, par cela seul qu'il est su- perflu. » II, 2, qu. 18, art. 4. p. 62. — Bien commodes et bien agréables. — Voir plus haut Mais Pascal n'en dit pas autant qu'il en pourrait dire sur cette naïveté de Diana. Dans son Traité IBi résolution 26 , on lit en titre : « Un confesseur était tourmenté de grands scrupules , quand il recevait les confessions d'un certain riche, sur le sujet du précepte de donner l'aumône. C'est alors que, pour lui être agréable, j'ai recueilli les décisions suivantes dans un grand nombre de docteurs. » Suivent ces décisions , qui permettent de le dispenser de l'au- mône ; après quoi Diana conclut : « D'après tout cela , il est aisé aux confesseurs de se décharger de leurs scrupules; cependant, ils devront toujours conseiller aux riches de faire l'aumône aux pauvres largement. » DOUZIÈME LETTRE 77 P. 62. — Que ces paroles de Jésus-Christ. — Matih, xix , 24, etc. — Que cette parole du même Sauveur. — Matth. xv, 14. — Mais tout notre superflu. — Le texte renvoie à Luc, XI, 41, que j'ai déjà cité (t. 1, p. i33), et ajoute que, dans l'Église aussi, les dîmes données aux prêtres doivent être par eux distribuées aux pau- vres. — De ces paroles de saint Grégoire.-^ Begula pastoralis, part. 3, admonit. 22. P. 63. — Dit saint Augustin. -^In psalmum 447. — Le texte dit: « Cherchez ce qui suffît à Tœuvre de Dieu, non ce qui suffît à votre convoitise. Votre convoitise n'est pas Tœuvre de Dieu ; votre corps , votre âme , voilà toute Tœuvre de Dieu... Le superflu des riches est le nécessaire des pauvres ; on possède le bien d'au- trui quand on possède du superflu. » — Nous devons tous être jugés. — La question de Taumône est une de celles où les casuistes se trou- vaient dans une position fausse. Non seulement Taumône , comme procédé pour combattre le pau- périsme, n'est pas avouée par l'économie politique ; mais, même au point de vue moral , le précepte de donner ce qu'on appelle le superflu n'est ni raison- nable ni praticable. Cependant , les casuistes n'osaient récuser le passage de l'Évangile où on croyait lire ce précepte , et je laisse de côté des pa- roles qui allaient encore plus loin. D'ailleurs , l'Église elle-même tenait essentiellement à l'au- mône, qui était le principal fondement de son exis- tence et de son établissement. 11 fallait donc à la fois maintenir le principe et trouver des expédients pour n'en être pas par trop gêné . Aussi, les réponses des jésuites sur cet article sont-elles extrêmement embarrassées. Ils se sont attachés surtout à excuser ces paroles (p. 4] : « Ce que les gens du «monde gardent pour relever leur 78 , LETTRES PROVINCIALES . condition et celle de leurs parents n*est pas appelé superflu, etc. » Et, comme elles avaient fort scandalisé, ils ont crié que Vasquez entendait seu- lement parler de la relever c dans une mesure con- venable », et qu'il Tavait dit, Uatum quem licite possunt acquirere^ statum quem digne possunt acqui- rerej et ils ont affecté de s'indigner que Pascal eût supprimé ces paroles. Pascal n'avait rien supprimé : ces deux incises se trouvent dans Vasquez à plus de quinze pages in-folio de distance de la phrase qu'il a citée. Et qui ne voit, d'ailleurs, que des réserves comme celle-là , par leur vague même , permettent tout et n'empêchent rien? Indépendamment de ce qu'ils avaient dit là-dessus dans leur première Imposture, ils sont revenus sur cette question dans leur Response à la douzième Lettre^ et un anonyme , qui est sans doute Nicole , répliqua à cette réponse par une Réfutation de la Réponse à la douzième Lettre, qui fut imprimée, dans le recueil de 1657, à la suite de cette Lettre , et re- produite dans les éditions postérieures, mais non numérotée, etmise ainsi à part de celles de Pascal. Dans la traduction latine de Nicole , elle est devenue la Note 1 de la lettre 12. Voir particulièrement dans celte Réfutation le quatrième alinéa. P. 63. — Pour le second point. — C'est la seconde Imposture relevée par les jésuites. Pascal avait traité ce sujeU dans la Lettre 6. P. 65. — Non pas comme prix, mais comme un motif. — Ces derniers mots ne sont pas dans le texte, ni par conséquent cette antithèse ; mais c'est bien là la pensée. — Vos thèses de Caen de i6H, — Voir t. 1, p. 163-4, et la Lettre i3. — Au moins en conscience, — Le texte dit : « au moins dans le for de la conscience. » Et l'auteur explique ces mots, en ajoutant : « Ce qui n'empêche DOUZIÈME LETTRE 79 pas que , dans des cas déterminés par le droit, il n'y ait simonie encourue, soit celle de droit positif dont j'ai parlé plus haut, soit celle qui consiste dans la présomption du for extérieur, i» Droit positif, for extérieur, ou encore droit ecclésîsiastique , c'est la môme chose, par opposition au for de la con- science, ou for intérieur, ou droit divin. Au confes- sionnal, rÉglise juge dans le for de la conscience ; comme pouvoir public, constitué et reconnu au dehors, elle juge dans le for extérieur par ses tri- bunaux. La présomption du for extérieur, c'est la simonie présumée, et comme telle poursuivie de • vant les tribunaux ecclésiastiques. Voir les trois Notes de Nicole sur cette Lettre. P. 65. — Et qu'on le préfère même au spirituel, — Le texte donné par Nicole ajoute : « Ainsi l'enseignent Sotus, etc. » — Quoique saint Thomas et (T autres. — Et d'autres n'est pas dans le texte. p. 68. — Qu'elles ne seront pas sujettes au distinguo. — C'est le mot qui revenait sans cesse dans les dis- putes des écoles. Voir Thomas Diafoirus dans Mo- lière : « DistinçfUOy mademoiselle. » P. 67. — Qu'un tel échange est un grand péché, — Voici le texte de Tannerus : « Il est vrai qu'un tel échange constitue un péché grave , et qu'en môme temps , diins des cas déterminés par le droit, on encourt une simonie au moins de droit positif ^ » P. 68. — Mais depuis, votre Père Erard Bille. — La Biblio^ thèque des écrivains de la compagnie de Jésus l'ap- pelle Erard Bile. Elle dit qu'après avoir professé à Gaen, il partit en mission pour l'Amérique et fit 1. Esta quidemjtali commutatione grave peccatum committa- tur, ac simul, in casibus Jure expressis, simonia saltem juris po- sitivi incurratur. Je prends ce texte dans la Response à la dou- zième Lettre du P. Nouet : dans sa seconde Imposture, il ne Tavait que traduit, ot traduit infidèlement, en français. 80 LETTRES PROVINCIALES naufrage. Le texte latin, donné par Nicole , com- mence ainsi : Concludimus sexto ^ non esse impro- hahUe, etc. P. 63. — Contre lesquels M. Du Pré. — Jacques Du Pré, doc- teur de la Faculté de théologie de Caen , était de rOratoire; mais il en fut exclu, en 1645, pour des opinions qui ne furent pas trouvées orthodoxes : il est mort en 1652. Cette belle harangue était en latin ; elle avait 21 pages in-4® (voir Moréri) ; elle fut impri- mée en 1645. Je ne sais rien de plus sur le P. Mil- hard. P. 69. — Et Giezij qui reçut de l'argent, — Rois, iV, v, 20. — Que quand Simon^ dans les Actes. —An chap. viii, 18. P. 70. — De vous tourner là-dessus en ridicules» — .Au plu- riel, dans le texte primitif, c'est-à-dire sans doute en personnages ridicules. Littré n'indique aucun exemple de cette locution. Dans traduire en ridicule, ridicule est ordinairement un neutre. Le P. Pirot, dans V Apologie des casuistes, s'était ebstiné à soutenir ces étranges subtilités sur la simonie ; Nicole lui a répondu dans la Note 3 sur cette Lettre. — Sur le sujet des banqueroutiers. — C'est la troisième Imposture du P. Nouet. Voir la huitième Provin- ciale. P. 71. — Qu'à dire des injures au monde. — On a corrigé « aux personnes » , apparemment parce que le monde, en ce sens, n'a pas paru assez noble, u II est familier », dit, en effet, l'Académie. ' — Il vous dit satisfait. — C'est-à-dire, il eût satisfait à vous. P. 72. — Sa grande Théologie morale en six volumes. — Elle en a eu sept, et ce sont des in-folio. — Sur les premiers desquels je vous pourrai dire. — Il ne l'a pas fait. — Idem colligitur aperte. — Je traduis ce texte : « Cela résulte évidemment des textes de droit cités, DOUZIÈME LETTRE 84 surtout en ce qui concerne les biens acquis après la banqueroute , desquels celui-là môme dont la dette constitue une faute peut retenir autant qu'il est nécessaire pour vivre avec honneur suivant sa con- dition. Tu demanderas si les lois permettent la même chose pour le bien qu'il avait au moment où la banqueroute était imminente. C'est ce qu'on peut conclure d'après le Digeste. » Ex DD., c'est-à-dire ex DigesHs; ce que nous appelons en français le Digeste s'appelle en latin Digesia , au pluriel. Cette indica-- tion est suivie, dans le texte donné par Nicole, de celle-ci : L, Qui honiSy qu'il faut lire : lege Qui bonis, dans la loi, c'est-à-dire dans l'article du Digeste commençant par Qui bonis (XLII, m, 6). Je ne vois rien dans cet article qui autorise la décision de Lessius. P. 73. — Par où vous finissez chaque Imposture. — Chacun de ces petits morceaux est intitulé : Avertissement aux jansénistes. — Dans la Lettre où j'espère montrer. — C'est la 1 5* . 5. TREIZIÈME LETTRE ÉCRITE PAR l'auteur DBS LETTRES AU PROVINCIAL AUX RÉVÉRENDS PÈRES JÉSUITES Du 30 septembre 1656. Mes Révérends Pères, Je viens de voir votre dernier écrit, où vous continuez vos Impostures jusqu'à la vingtième, en déclarant que vous finissez par là cette sorte d'accusation, qui fai- sait votre première partie, pour en venir à la seconde, où vous devez prendre une nouvelle manière de vous défendre, en montrant qu'il y a bien d'autres casuistes que les vôtres qui sont dans le relâchement, aussi bien que vous. Je vois donc nïaintenant, mes Pères, à com- bien d'Impostures j'ai à répondre; et, puisque la qua- trième, où nous en sommes demeurés, est sur le sujet de l'homicide, il sera à propos, en y répondant, de sa- tisfaire en même temps aux 11, 13, 14, 15, 16, 17 et 18* qui sont sur le même sujet. Je justifierai donc dans cette Lettre la vérité de mes citations contre les faussetés que vous m'imposez. Mais parce Ique vous avez osé avancer dans vos écrits que les sentiments de vos auteurs sur le meurtre sont con- i 84 LETTRES PROVINCIALES ' formes aux décisions des papes et des lois ecclésiastiques ^ vous m'obligerez à renverser \ dans ma Lettre sui- vante, une proposition si téméraire et si injurieuse à rÉglise. Il importe de faire voir qu'elle est pure de ,vos corruptions ' , afin que les hérétiques ne puissent pas se prévaloir de vos égarements pour en tirer des con- séquences qui la déshonorent. Et ainsi, en voyant d'une part vos pernicieuses maximes, et de Vautre les canons de rÉglise qui les ont toujours condamnées , on trou- vera tout ensemble, et ce qu'on doit éviter, et ce qu'on doit suivre. Votre quatrième Imposture est sur une maxime tou- chant le meurtre, que vous prétendez que j'ai fausse- ment attribuée à Lessius. C'est celle-ci : Celui qui a reçu un soufflet peut poursuivre à V heure même son ennemi et même à coups d'épéCy non pas pour se ven- ger ^ mais pour réparer son honneur. Sur quoi vous dites que cette opinion-là est du casuiste Victoria. Et ce n'est pas encore ' le sujet de la dispute : car il n'y a point de répugnance à dire qu'elle soit tout en- semble de Victoria et de Lessius , puisque Lessius dit lui-même qu'elle est aussi de Navarre et de votre Père Henriquez, qui enseignent. Que celui qui a reçu un soufflet peut à V heure même poursuivre son homme, et lui donner autant de coups qu'il ju- géra nécessaire pour réparer son honneur. Il est donc seulement question de savoir si Lessius est aussi du sentiment de ces auteurs, aussi bien que son confrère. Et c'est pourquoi vous ajoutez que Lessius ne rapporte cette opinion que pour la réfuter ; et qu'ainsi je lui attribue un sentiment qu'il n'allègue que pour le com- 1. A détruire. 2. Qu'elle est exempte. 3. Encore là. TREIZIKME LETTRE «5 battre^ qui est V action du monde la plus lâche et la plus honteuse à un écrivain. El ]e soutiens*, mes Pères, qu'il ne la rapporte que pour la suivre. C'est une ques- tion de fait, qu'il sera bien facile de décider. Voyons donc comment vous prouvez ce que vous dites , et vous verrez ensuite comment je prouve ce que je dis. Pour montrer que Lessius n'est pas de ce sentiment, vous dites qu'il en condamne la pratique. Et pour prou- ver cela , vous rapportez un de ses passages , liv. 2, c. 9, n. 82, où il dit ces mots : J'en condamne la pra- tique. Je demeure d'accord que , si on cherche ces pa- roles dans Lessius, au nombre 82, où vous les citez, on les y trouvera. Mais que dira-t-on, mes Pères, quand on verra en même temps qu'il traite en cet endroit d'une question toute différente de celle dont nous par- lons, et que l'opinion dont il dit en ce lieu-là qu'il en condamne la pratique n'est en aucune sorte celle dont il s'agit ici, mais une autre toute séparée? Cependant il ne faut , pour en être éclairci, qu'ouvrir le livre au lieu même où vous renvoyez* ; cardon y trouvera la suite de son discours en cette manière. Il traite la question, savoir si on peut tuer pour un soufflet, au n. 79, et il la finit au n. 80, sans qu'il y ait en tout cela un seul mot de condamnation. Cette ques- tion étant terminée , il en commence une nouvelle en l'art. 81, savoir si on peut tuer pour des médisances. Et c'est sur celle-là qu'il dit, au n. 82, ces paroles que vous avez citées : J'en condamne la pratique. N'est-ce donc pas une chose honteuse , mes Pères, que vous osiez produire ces paroles, pour faire croire 1. Or je soutiens. 2. Le livre même où vous renvoyez. 86 LETTRES PROVINCIALES que Lessius condamne Topinion qu'on peut tuer pour un soufflet ? et que , n'en ayant rapporté en tout que cette seule preuve, vous triomphiez là-dessus, en di- sant comme vous faites : Plusieurs personnes d^hon- neur dans Paris ont déjà reconnu cette insigne faus- seté par la lecture de Lessius, et ont appris par là quelle créance on doit avoir à ce calomniateur ? Quoi ! mes Pères, est-ce ainsi que vous abusez de la créance que ces personnes d'honneur ont en vous ? Pour leur faire entendre que Lessius n'est pas d'un sentiment, vous leur ouvrez son livre en un endroit où il en condamne un autre. Et comme ces personnes n'entrent pas en défiance de vôtre bonne foi , et ne pensent pas à exa- miner s'il s'agit en ce lieu-là de la question contestée, vous trompez ainsi leur crédulité, je m'assure , mes Pères, que , pour vous garantir d'un si honteux men- songe, vous avez eu recours à votre doctrine des équi- voques , et que , lisant ce passage tout haut , vous disiez tout bas qu'il s'y agissait d'une autre ma- tière. Mais je ne sais si cette raison , qui suffit bien pour satisfaire votre conscience , suffira pour satis- faire la juste plainte que vous feront ces gens d'hon- neur, quand ils verront que vous les avez joués de cette sorte. Ëmpêchez-les donc bien, mes Pères, de voir mes Lettres, puisque c'est le seul moyen qui vous reste pour conserver encore quelque temps votre crédit. Je n'en use pas ainsi des vôtres : j'en envoie à tous mes amis ; je souhaite que tout le monde les voie ; et je crois que nous avons tous raison. Car enfin, après avoir publié cette quatrième Imposture avec tant d'éclat, vous voilà décriés , si on vient à savoir que vous y avez supposé un passage pour un autre. On jugera facilement que, si vous eussiez trouvé ce que vous demandiez au lieu même TREIZIÈME LETTRE 87 OÙ Lessius traitait cette matière ', vous ne l'eussiez pas été chercher ailleurs; et que vous n'y avez eu recours que parce que vous n'y voyiez rien qui fût favorable à votre dessein. Vous vouliez faire trouver dans Lessius ce que vous dites dans votre Imposture, pag. 10, lig. 12 : Qu'il n'accorde pas que cette opinion soit probable dans la spéculation ; et Lessius dit expressément en sa con- clusion, n. 80: Cette opinion^ qu'on peut tuer pour un soufflet reçu^ est probable dans la spéculation. N'est-ce pas là mot à mot le contraire de votre discours? Et qui peut assez admirer avec quelle hardiesse vous produisez en propres termes le contraire d'une vérité de fait; de sorte qu'au lieu que vous concluiez de votre passage supposé que Lessius n'était pas de ce sentiment, il se conclut fort bien , de son véritable passage , qu'il est de ce même sentiment? Vous vouliez encore faire dire à Lessius qu'il en con- damne la pratique; et, comme je l'ai déjà dit, il ne se trouve pas une seule parole de condamnation en ce lieu- là; mais il parle ainsi : // semble qu'on n'en doit pas FACILEMENT permettre la pratique: inpraxinon videtur FACILE permittenda. Est-ce là, mes Pères, le langage d'un homme qui éondamne une maxime? Diriez-vous, mes Pères*, qu'il ne faut pas permettre facilement, dans la pratique, les adultères ouïes incestes? Ne doit- on pas conclure au contraire , puisque Lessius ne dit autre chose , sinon que la pratique n'en doit pas être facilement permise, que la pratique même en peut être quelquefois permise , quoique rarement ' ? Et, comme 4. Traite cette matière. 2. Diriez-Yous, saris : mes Pères. 3. Ne doit-on pas conclure, au contraire , que , puisque Les- sius ne dit autre chose , sinon que la pratique n'en doit pas être lacUement permise, son sentiment est que cette pratique peut être quelquefois permise, quoique rarement? â 88 LETTRES PROVINCIALES s'il eût voulu apprendre à tout le monde quand on la doit permettre, etôter aux personnes offensées les scru- pules qui les pourraient troubler mal à propos, ne sa- chant en quelles occasions il leur est permis de tuer dans la pratique, il a eu soin de leur marquer ce qu'ils doivent éviter pour pratiquer cette doctrine ^en conscience. Écoutez-le, mes Pères. // semble, dit-il, qu'on ne doit pas le permettre facilement^ a cause du danger qu'il y a qu'on agisse en cela par haine ou par vengeance^ ou avec excès, ou que cela ne causât trop de meurtres. De sorte qu'il est clair que ce meurtre restera tout à fait permis dans la pratique, selon Lessius, si on évite ces inconvénients, c'est-à-dire si Ton peut'agir sans haine, sans vengeance, et dans des circonstances qui n'atti- rent pas beaucoup de meurtres. En voulez-vous un exemple, mes Pères? en voici un assez nouveau : c'est celui du soufflet de Compiègne. Car vous avouerez que celui qui Ta reçu a témoigné, par la manière dont il s'est conduit , qu'il était assez maître de ses mouvements de haine et de vengeance. Il ne lui restait donc qu'à éviter un trop grand nombre de meurtres : et vous savez, mes Pères, qu'il est si rare que des Jésuites donnent des soufflets aux officiers de la maison du roi, qu'il n'y avait pas à craindre qu'un meurtre en cette occasion en eût tiré beaucoup d'autres en conséquence. Et ainsi vous ne sauriez nier que ce Jésuite ne fût tuable en sûreté de conscience , et que l'offensé ne pût en cette ren- contre pratiquer en son, endroit la doctrine de Lessius. Et peut-être, mes Pères, qu'il l'eût fait s'il eût été ins- truit dans votre école, et s'il eût appris d'Escobar qu'un homme qui a reçu un soufflet est réputé sans honneur jusqu'à ce qu'il ait tué celui qui le lui a donné. Mais vous avez sujet de croire que les instructions fort con- traires qu'il a reçues d'un curé que vous n'aimez pas TREIZIÈME LETTRE 89 trop n'ont pas peu contribué en celte occasion à sauver la vie à un Jésuite. Ne nous pariez donc plus de ces inconvénients qu'on peut éviter en tant de rencontres, et hors lesquels le meurtre est permis, selon Lessius, dans la pratique même. C'est ce qu'ont bien reconnu vos auteurs, cités par Escobar dans la Pratique de l'homicide selon votre Société. Est-il permis^ dit-il, de tuer celui qui a donnt^ un soufflet ? Lessius dit que cela est permis dans la spéculation, mais qu'on ne le doit pas conseiller dans la pratique, non consulendumin praxi, à cause du danger de la haine ou des meurtres nuisibles à l'État qui en pom*- raient arriver. Mais les autres ont jugé qu'en évitant CES INCONVÉNIENTS, CELA EST PERMIS ET SÛR DANS LA PRA- TIQUE : in praxi probabilem et tutam judicarunt Hen- riquezy etc. Voilà comment les opinions s'élèvent peu à peu jusqu'au comble de la probabilité. Car vous y avez porté celle-ci, eu la permettant enfin sans aucune distinction de spéculation ni de pratique, en ces termes ; Il est permiSy lorsqu'on a reçuun soufflet, de donner in- continent un coup d'épée, non pas pour se venger, mais pour conserver son honneur. C'est ce qu'ont enseigné vos Pères à Caen, en 1644, dans leurs écrits publics, que l'Université produisit au Parlement, dans sa troi- sième requête contre votre doctrine de l'homicide, p. 339. Remarquez donc, mes Pères, que vos propres auteurs ruinent d'eux-mêmes cette vaine distinction de spécu- lation et de pratique , que l'Université avait traitée de ridicule , et dont l'invention est un secret de votre poli- tique qu'il est bon de faire entendre. Car , outre que rintelligence en est nécessaire pour les 15, 16, 17 et 18* Impostures, il est toujours à propos de découvrir peu à peu les principes de cette politique mystérieuse. 90 LETTRES PROYINClALEfi Quand vous avez entrepris de décider les cas de con- science d'une manière favorable et accommodante, vous en avez trouvé où la religion seule était intéressée, comme les questions de la contrition, de la pénitence, de Tamour de Dieu, et toutes celles qui ne touchent que rintérieur des ^consciences. Mais vous en avez ren- contré d'autres * où l'État a intérêt aussi bien que la re- ligion, comme sont celles de l'usure, des banqueroutes, de l'homicide et autres semblables. Et c'est une chose bien sensible à ceux qui ont un véritable amour pour l'Église, de voir qu'en une infinité d'occasions où vous n'avez eu que la religion à combattre , comme ce n'est pas ici le lieu où Dieu exerce visiblement sa justice, vous en avez renversé les lois sans aucune crainte, sans réserve et sails distinction *, comme il se voit dans vos opinions si hardies contre la pénitence et l'amour de Dieu. Mais dans celles où lareligion et l'État ont part, vous avez partagé vos décisions , et formé deux questions sur ces matières ' : l'une que vous appelez de spécula- tion^ dans laquelle en considérant ces crimes en eux- mêmes, sans regarder à l'intérêt de l'État, mais seule- ment à la loi de Dieu qui les défend, vous les avez per- mis sans hésiter, en renversant ainsi la loi de Dieu qui les condamne ; l'autre que vous appelez de pratique^ dans laquelle, en considérant le dommage queTÉtatjen 1. Vous en avez trouvé d'autres. , 2. A combattre^ vous en avez renversé les lois sans réserve, sans distinction et sans crainte, comme il se voit dans vos opi- nions si )iardies contre la pénitence et Tamour de Dieu, parce que vous saviez que ce n*est pas ici le lieu uù Dieu exerce visi- blement sa justice. 3. Mais dans ceUes où TÉtat est intéressé aussi bien que la religion, Tappréhension que vous avez eue de la justice des hommes vous a fait partager vos décisions et former, etc. TREIZIÈME LETTRE 91 recevrait, et la présence des magistrats qui maintiennent la sûreté publique, vous n'approuvez pas toujours dans la pratique ces meurtres et ces crimes que vous trouvez permis dans la spéculation , pour vous mettre * par là à couvert du côté des juges. C'est ainsi, par exemple, que, sur cette question, s'il est permis de tuer pour des médisances, vos auteurs, Filiutius, tr.29, cap. 3, num. 52 ; Reginaldus, 1. 21. cap. 5, num. 63, et les autres ré- pondent : Cela est permis dans la spéculation, ex probabili opinione licet; mais je n'en approuve pas la pratique, à cause du grand nombre de meurtres qui en arriveraient et qui feraient tort à VÉtdtj si on tuait tous les médisants; et qu'aussi on serait puni en jus- tice en tuant pour ce sujet. Voilà de quelle sorte vos opinions commencent à paraître sous cette distinction, par le moyen de laquelle vous ne ruinez que la religion, sans blesser encore sensiblement l'État. Par là vous croyez être en assurance. \Gar vous vous imaginez (que le crédit que vous avez dans l'Église empêchera qu'on ne punisse vos attentats contre la vérité, et que les pré- cautions que vous apportez pour ne mettre pas facile- lement ces permissions en pratique vous mettront à couvert de la part des magistrats, qui, n'étant pas juges des cas de conscience, n'ont proprement intérêt qu'à la pratique extérieure. Ainsi une opinion qui serait con- damnée soufe le nom de pratique se produit en sûreté sous le nom de spéculation. Mais cette base étant affer- mie , il n'est pas difficile d'y élever le reste de vos maximes. Il y avait une distance infinie entre la dé- fense que Dieu a faite de tuer, et la permission spécu- lative que vos auteurs en ont donnée. Mais la distance est bien petite de cette permission à la pratique. Il ne 1. Afin de vous mettre. 92 LETTRES PROVINCIALES reste seulement qu'à montrer que ce qui est permis dans la spéculation Test bien aussi dans la pratique. On ne manquera pas de raisons pour cela. Vous en avez bien trouvé en descasplus difficiles. Voulez-vous voir, mes Pères, par où Ton y arrive ? suivez ce raisonnement d'Escobar, qui Ta décidé nettement dans le premier des six tomes de sa grande Théologie morale, dont je vous ai parlé, où il 'est tout autrement éclairé que dans ce recueil qu'il avait fait de vos 24 Vieillards. Car, au lieu qu'il avait pensé en ce temps- là qu'il pouvait y avoir des opinions probables dans la spéculation qui ne fussent pas sûres dans la pratique, il a connu le contraire de- puis, etl'a fort bien établi dans ce dernier ouvrage : tant la doctrine de la probabilité en général reçoit d'accrois- sement parle temps aussi bien que chaque opinion pro- bable en particulier. Écoutez-le donc in Prœloq,, n. 15 : Je ne vois pas , dit-ilj comment il se pourrait faire que ce qui paraît permis dans la spéculation ne le fût pas dans la pratique ; puisque ce qu^on peut faire dans la pratique dépend de ce qu'on trouve permis dans la spé- culation, et que ces choses ne diffèrent Vune de Vautre que comme Veffet de la cause : car la spéculation est ce qui détermine à Vaction.D'ob. il s'ensuit qu'on peut EN sûreté de conscience SUIVRE DANS LA PRATIQUE LES OPINIONS PROBABLES DANS LA SPÉCULATION, et mêm£ aveC plus de sûreté que celles qu'on n'a pas si bien examinées spéculativement. -En vérité, mes Pères, votre Escobar raisonne assez bien quelquefois. El, en eflTet, il y a tant deliaison entre la spéculation et la pratique que , quand l'une a pris racine, vous ne faites plus difficulté de permettre l'autre sans déguisement. C'est ce qu'on a vu dans la permis- sion de tuer pour un soufflet , qui de la simple spécu- lation a été portée hardiment par Lessius à une pra- TREIZIÈME LKTTKË 93 tique qu'on ne doit pas facilement accorder^ et de là, par Escobar, à une pratique fcu^ile; d'où vos Pères de Gaen Tont conduite à une permission pleine, sans dis- tinction de théorie et de pratique, comme vous l'avez déjà vu. C'est ainsi que vous faites croître peu à peu vos opinions. Si elles paraissaient tout d'un coup 'dans leur dernier excès, elles causeraient de l'horreur ; mais ce progrès lent et insensible y accoutume doucement les hommes, et en ôte le scandale. Et par ce moyen la permission de tuer, si odieuse à l'État et à l'Église, s'introduit premièrement dans l'Église , et ensuite de l'Église dans l'État. On a vu un semblable succès de l'opinion de tuer pour des médisances. Car elle est aujourd'hui arrivée à une permission pareille, sans aucune distinction. Je ne m'arrêterais pas à vous en rapporter les passages de vos Pères, si cela n'était nécessaire pour confondre l'assurance que vous avez eue de dire deux fois dans votre 15" Imposture, p. 26 et 30, QuHl n'y a pas un Jésuite qui permette de tuer pour des médisances. Quand vous dites cela, mes Pères , vous devriez aussi empêcher que je ne le visse, puisqu'il m'est si facile d'y répondre. Car, outre que vos Pères Reginaldus, Piliu- tins, etc., l'ont permis dans la spéculation, comme je l'ai déjà dit, et que de là le principe d'Escobarnous mène sûrement à la pratique, j'ai à vous dire de plus que vous avez plusieurs auteurs qui l'ontpermisenmots propres , et entre autres le P. Hereau dans ses leçons publiques, en suite desquelles le roi le fit mettre en ar- rêt en votre maison, pour avoir enseigné, outre plu- sieurs erreurs, Que quand celui qui nous décrie devant 1. Tout à coup. 94 LETTRES PHOVINCIALES des gens d'honneur continue après l'avoir averti de ces^ serj il notts est permis de le tuer, non pas en public, de peur de scandale, mais en cachette, sed gl am ' . Je vous ai déjàparlé du Père L' Amy , et vous n'ignorez pas que sa doctrine sur ce sujet a été censurée en 1649 par l'université de Louvain. Et néanmoins il n'y a pas encore deux mois que votre Père Des Bois a soutenu à Rouen cette doctrine censurée du Père L'Amy, et a en soi- gné Qu'il est permis à un religieux de défendre rhon- neur quil a acquis par sa vertu, même en tuant celui qui attaque sa réputation, etiam cum morte invasoris, Ge qui a causé un tel scandale en cette ville-là , que tous les curés se sont unis pour lui faire imposer silence, et l'obliger à rétracter sa doctrine par les voies cano- niques. L'affaire en est à l'Officialité. Que voulez-vous donc dire, mes Pères? Gomment entreprenez-vous de soutenir après cela qu'aucun Jé- suite n'est d'avis qu'on puisse tuer pour des médisances ? Et fallait-il autre chose pour vous en convaincre que les opinions mêmes de vos Pères que vous rapportez, puis- qu'ils ne défendent pas spéculativement de tuer ^ mais seulement dans la pratique, à cause du mal qui en ar- riverait à l'État ? Car je vous demande sur cela, mes Pères, s'il s'agit dans nos disputes d'autre chose, sinon d'examiner si vous avez renversé la loi de Dieu qui défend l'homicide. II n'est pas question de savoir si vous avez blessé l'État, mais la religion. A quoi sert-il donc , dans ce genre de dispute , de montrer que vous avez épargné l'État , quand vous faites voir en même temps que vous avez détruit la religion , en disant , comme vous faites, p. 28, 1. 3, Que lesens de Reginal- dus sur la question de tuer pour des médisances est i. Non pas véritablement en public. TREIZIEME LETTRE 95 qu'un particulier adroit d'user de cette sorte de défense, la considérant simplement en elle-même ? Je n'en veux pas davantage que cet aveu pour vous confondre. Un particulier y dites-vous, a droit d'user de cette défense , c'est-à-dire de tuer pour des médisances, en considérant la chose en elle-même; et par conséquent, mes Pères , la loi de Dieu qui défend de tuer est rui- née par cette décision. Et» il ne sert de rien de dire ensuite , comme vous faites , Que cela est illégitime et criminel y même selon la loi de Dieu, à raison des meurtres et des désordres qui en arriveraient dans l'Etat ; qu'on est obligé selon Dieu d'avoir égard au bien de l'État. C'est sortir de la question. Car, mes Pères, il y a deux lois à observer : Tune qui défend de tuer , l'autre qui défend de nuire à l'État. Reginaldus n'a pas peut-être violé la loi qui défend de nuire à l'État^ mais il a violé certainement celle qui défend de tuer. Or il ne s'agit ici que de celle-là seule. Outre que vos autres Pères, qui ont permis ces meurtres dans la pratique^ ont ruiné l'une aussi bien que l'autre. Mais allons plus avant, mes Pères. Nous voyons bien que vous défendez quelquefois de nuire à l'État, et vous dites que votre dessein en cela est d'observer la loi de Dieu qui oblige à le maintenir. Gela peut être véritable , quoiqu'il ne soit pas certain , puisque vous pourriez faire la ; même chose parla seule crainte desjuges. Examinons donc ^ je vous prie , de quel principe part ce mouvement. N'est-il pas vrai , mes Pères , que , si vous regardiez véritablement Dieu, et que l'observation de sa loi fût le premier et principal objet de votre pensée , ce respect régnerait uniformément dans toutes vos décisions im- portantes , et vous engagerait à prendre dans toutes ces occasions l'intérêt de la religion ? Mais si l'on voit au 96 LETTRES PROVINCIALES contraire que vous violez ea tant de rencontres les ordres les plussaints que Dieu ait imposés aux hommes, quand il n'y a que sa loi à combattre ; et que , dans les occasions mêmes dont il s'agit, vous anéantissez la loi de Dieu, qui défend hes actions comme criminelles en elles-mêmes, et ne [témoignez craindre de les approu- ver dans la pratique que par la crainte des juges, ne nous donnez-vous pas sujet de juger que ce n'est point Dieu que vous considérez dans cette crainte ; et que , si en apparence vous maintenez sa loi en ce qui regarde l'obligation de ne pas nuire à TÉlat , ce n'est pas pour sa loi même , mais pour arriver à vos fins, comme ont toujours fait les moins religieux politiques? Quoi I mes Pères , vous nous direz qu'on a droit de tuer pour des médisances , en ne regardant que la loi de Dieu, qui défend l'homicide * : et, après avoir ainsi violé la loi éternelle de Dieu , vous croirez lever le scandale que vous avez causé , et nous persuader de votre respect envers lui , en ajoutant que vous en dé- fendez la pratique pour des considérations d'État , et parla crainte des juges ! N'est-ce pas au contraire exci- ter un scandale nouveau ? non pas par le respect que vous témoignez en cela pour les juges : car ce n'est pas cela que je vous reproche ; et vous vous jouez ridi- culement là-dessus, page 29. Je ne vous reproche pas de craindre les juges, mais de ne craindre que les juges, et non pas le juge des juges *. C'est cela que je blâme, parce que c'est faire Dieu moins ennemi des crimes que les hommes. Si vous disiez qu'on peut tuer un médisant selon les hommes, mais non pas selon Dieu, 1. Vous nous direz qu'en ne regardant que la loi de Dieu qui dérond rhomicide, on a droit de tuer pour des médisances. i2. On a supprimé les mots : et non pas le ^uge des juges. yicole les conserve dam sa traduction. TREIZIEME LETTRE 97 cela serait moins insupportable ; mais que ce qui est trop criminel pour être souffert par les hommes soit innocent et juste aux yeux de Dieu, qui est la justice même, qu'est- ce faire autre chose *, sinon montrera tout le monde que, par cet horrible renversement, si contraire à Tesprit des saints, vous êtes hardis contre Dieu et timides envers les hommes ? Si vous aviez voulu condamner sincère- ment ces homicides, vous auriez laissé subsister Tordre de Dieu qui les défend ; et si vous aviez osé permettre d'abord ces homicides, vous les auriez permis ouverte- ment, malgré les lois de Dieu et des hommes. Mais , comme vous avez voulu les permettre insensiblement, et surprendre les magistrats qui veillent à la sûreté publique , vous avez agi finement en séparant vos maximes, et proposant, d'un côté, qu^il est permis dans la spéculation de tuer pour des médisances (car on vous laisse examiner les choses dans la spéculation), et produisant , d'im autre côté , cette maxime détachée, que ce qui est permis dans la spéculation Vest bien aussi dans la pratique. Car quel intérêt l'État semble-t-il avoir dans cette proposition générale et métaphysique? Et ainsi, ces deux principes peu suspects étant reçus séparément, la vigilance des magistrats est trompée ; puisqu'il ne faut plus que rassembler ces maximes pour en tirer cette conclusion où vous tendez , qu'oif peut donc tuer dans la pratique pour de simples médisances. Car c'est encore ici, mes Pères, une des plus subtiles adresses de votre politique, de séparer dans vos écrits les maximes que vous assemblez dans vos avis. C'est ainsi que vous avez établi à part votre doctrine de la 1 . Mais quand vous prétendez que ce qui est trop criminel pour être souffert par les hommes soit innocent et juste aux yeux de Dieu^ qui est la justice même , que faites-vous autre chose... n. 6 98 LEÏTKES PROVINCIALES probabilité, que j'ai souvent expliquée. Et, ce principe général étant affermi, vous avancez séparément des choses qui, pouvant être innocentes d'elles-mêmes, deviennent horribles étant jointes à ce pernicieux prin- cipe. J'en donnerai pour exemple ce que vous avez dit p. il, dans vos Impostures, et à quoi il faut que je ré- ponde : Que plusieurs théologiens célèbres sont d'avis qu'on peut tuer pour un soufflet reçu. Il est certain , mes Pères , que si une personne qui ne tient point la probabilité avait dit cela, il n'y aurait rien a reprendre,, puisqu'on ne ferait alors qu'un simple récit, qui n'aurait aucune ccJnséquence. Mais vous, mes Pères, et tous ceux qui tiennent cette dangereuse doctrine , qv£ tout ce qu'approuvent des auteurs célèbres est probable et sûr en conscience ^ quand vous ajoutez à cela que plu- sieurs auteurs célèbres sont d'avis qu'on peut tuer pour un soufflet, qu'est-ce faire autre chose, sinon de mettre à tous les chrétiens le poignard à la main pour tuer ceux qui les auront offensés, en leur déclarant qu'ils le peu- vent faire en sûreté de conscience, parce qu'ils suivront en cela Tavis de tant d'auteurs graves ? Quel horrible langage qui, en disant que des auteurs tiennent une opinion damnable, est en même temps une décision en faveur de cette opinion damnable , et qui autorise en conscience tout ce qu'il ne fait que rap- porter 1 On l'entend, mes Pères, ce langage de votre école. Et c'est une chose étonnante que vous ayez le front de le parler si haut, puisqu'il marque votre senti- ment si à découvert, et vous convainc de tenir pour sûre en conscience cette opinion, qu'on peut tuer pour un soufflet, aussitôt que vous nous avez dit que plu- sieurs auteurs célèbres la soutiennent. Vous ne pouvez vous en défendre, mes Pères, non plus que vous prévaloir des passages de Vasquez et dé TREIZIÈME LETTRE 9d Suarez que vous m'opposez, où ils condamnent ces meurtres que leurs confrères approuvent. Ces témoi- gnages, séparés du reste de votre doctrine, pourraient éblouir ceux qui ne l'entendent pas assez. Mais il faut joindre ensemble vos principes et vos maximes. Vous dites donc ici que Vasquez ne souffre point les meurtres. Mais que dites-vous d'un autre côté , mes Pères ? Que la probabilité d'un sentiment n'empêche pas la proba- bilité du sentiment contraire. Et en un autre lieu, QuHl est permis de suivre V opinion la moins probable et la moins sûre, en quittant l'opinion laplus probable et la plus sûre ? Que s'ensuit-il de tout cela ensemble, sinon que nous avons une entière liberté de conscience pour suivre celui qui nous plaira de tous ces avis opposés ? Que devient donc , mes Pères , le fruit que vous espé- riez de toutes ces citations? Il disparait, puisqu'il ne faut pour votre condamnation que rassembler ces maximes , que vous séparez pour votre justification. Pourquoi produisez-vous donc ces passages de vos auteurs, que je n'ai point cités, pour excuser ceux que j'ai cités , puisqu'ils n'ont rien de commun ? Quel droit cela vous;donne-t-il de m'appeler imposteur? AJ-je dit que tous vos Pères sont dans un même dérè- glement? Et n'ai-je pas fait voir au contraire que votre principal intérêt est d'en avoir de tous avis pour servir à tous vos besoins? A ceux qui voudront tuer, on pré- sentera Lessius ; à ceux qui ne le voudront'pas \ on pro- duira Vasquez, afin que personne ne sorte malcontent et sans avoir pour soi un auteur grave. Lessius parlera en païen de l'homicide, et peut-être en chrétien de Taumône ; Vasquez parlera en païen de l'aumône, et en chrétien de l'homicide. Mais par le moyen de la proba- 1. Qui ne voudront pas tuer. - * \ 100 LETTRES PROVINCIALES bilité , que Vasquez et Lessias tiennent , et qui rend toutes vos opinions communes , ils se prêteront leurs sentiments les uns aux autres , et seront obligés d'ab- soudre ceux qui auront agi selon les opinions que chacun d'eux condamne. C'est donc cette variété qui vous con- fond davantage. L'uniformité serait plus supportable : et il n'y a rien de plus contraire aux ordres exprès de saint Ignace et de vos premiers généraux que ce mélange confus de toutes sortes d'opinions. Je vous en parlerai peut-être quelque jour, mes Pères, et on sera surpris de voir combien vous êtes déchus du premier esprit de votre institut, et que vos propres généraux ont prévu que le dérèglement de votre doctrine dans la morale pourrait être funeste non seulement à votre Société, mais encore à l'Église universelle. Je vous dirai cependant que vous ne pouvez tirer aucun avantage de l'opinion de Vasquez. Ce serait une chose étrange, si, entre tant de Jésuites qui ont écrit, il n'y en avait pas un ou deux qui eussent dit ce que tous les chrétiens confessent. Il n'y a point de gloire à soutenir qu'on ne peut pas tuer pour un soufflet, selon l'Évangile ; mais il y a une horrible honte à le nier. De sorte que cela vous justifie si peu, qu'il n'y a rien qui vous accable davantage; puisque, ayant eu parmi vous des docteurs qui vous ont dit la vérité, vous n'êtes pas demeurés dans la vérité , et que vous avez mieux aimé les ténèbres que la lumière. Car vous avez appris de Vasquez, Que c'est une opinion païenne, et non pas chré- tienne, de dire qu'on puisse donner un coup de bâton à celui qui a donné un soufflet. Que c'est ruiner le Déca- logue et l'Evangile, de dire qu'on puisse tuer pour ce sujet, et que les plus scélérats d'entre les hommes le reconnaissent. Et cependant vous avez souffert que, contre ces vérités connues, Lessius, Escobar etles autres TREIZIÈME LETTRE 101 aient décidé que toutes les défenses que Dieu a faites de rhomicide n'empêchent point qu'on ne puisse tuer pour un soufflet. A quoi sert-il donc maintenant de pro- duire ce passage de Vasquez contre le sentiment de Lessius, sinon pour montrer que Lessius e^i un païen et un scélérat y selon Vasquez? et c'est ce que je n'osais dire. Qu'en peut-on conclure , si ce n'est que Lessius ruine le Décalogue et l'Evangile ; qu'au dernier jour Yasquez condamnera Lessius sur ce point, comme Les- sius condamnera Yasquez sur un autre, et que tous vos auteurs s'élèveront en jugement les uns contre les autres pour se condamner réciproquement dans leurs effroya- bles excès contre la loi de Jésus-Christ? Concluons donc, mes Pères, que puisque votre pro- habilité rend les bons sentiments de quelques-uns de vos auteurs inutiles à l'Église , et utiles seulement à votre politique , ils ne servent qu'à nous montrer par leur contrariété la duplicité de votre cœur, que vous nous avez parfaitement découverte en nous déclarant d'une part que Vasquez et Suarez sont contraires à l'homicide, et de l'autre que plusieurs auteurs célèbres \ sont pour l'homicide , afin d'offrir deux chemins aux hommes, en détruisant la simplicité de Dieu, qui mau- dit ceux qui sont doubles de cœur et qui se préparent deux voies : Vœ duplici corde et ingredienti duahus viis. 6. /* REMARQUES SUR LA TREIZIÈME PROVINCIALE P. 83. — Jusqu'à la vingtième. — Il faut entendre jusqu'à la [vingtième exclusivement : la première partie se compose de i9 Impostures. — Une nouvelle manière de vous défendre. — La seconde partie procède toujours par Impoâtures, et en con- tient dix, de 20 à 29. Elle ne diffère pas réellement de la première , malgré la distinction dont parle Pascal et qu'indique un préambule, p. 145. P. 84. — Que fai faussement attribués à Lessius. — Dans la septième Lettre. — Peut poursuivre à l'heure même son ennemi. — Le texte est plus fort : € peut frapper à son tour à l'heure même son ennemi, » posse statim repercutere. — Est du casuiste Victoria. — François, dominicain, né à Vitoria, en Navarre, mort à Salamanque, en 4549. — Car il n'y a point de répugnance. — Voir les Remar- ques sur la première Lettre, tome i, page i7. — Et lui donner autant de coups. — Dans le texte : , « de coups ou de blessures, »verberumvel vulnerum. P. 86. — A votre doctrine des équivoques. — Voir la neuvième Lettre, tome 1, page 205. P. 87. — Est probable dans la spéculation. — On lit, en effet, au I)® 80 (où il s'agit de tuer pour un soufflet) : Ob has rationes haec sententia est spéculative pro- babilis. P. 88. — Ou que cela ne causât trop de meurtres. — Le texte ajoute : « De sorte que celui qui tuerait en pareil cas serait puni au for extérieur. » On s'étonne que Pascal n'ait pas traduit ces paroles, qui rappellent TREIZIÈME LETTRE 103 si bien celles de Filiutius citées Lettre 7, tome i^ page ^54. P. 88. — Pratiquer en son endroit la doctrine de Lessius. — On a mis depuis : « pratiquer envers lui. » On a ap- pliqué ainsi cette déclaration de Vaugelas : « En mon endroitj à l'endroit d^un tel. Ces façons de par- ler, par exemple , Je ne serai jamais ingrat en votre endroit, en son endroit, ou, il faut être charitable à Vendroit des pauvres, ne sont plus du beau langage, comme elles Tétaient du temps de M. Coôffeteau. On dit toujours, envers. » Bemarques sur la langue fran- çoise (4647), édition Chassang, t. i, p. 434. Coëffe- teau, prédicateur et écrivain célèbre, né en i574, était mort en i623. P. 89. — A sauver la vie à un Jésuite. — Les étrangers, pour qui Nicole écrivait sa traduction latine, n'étant pas au courant de l'aventure du soufflet de Gompiègne, il a cru à propos d'insérer ici dans le texte môme de Pascal des éclaircissements. Il y marque que le soufflet fut donné coqnorum regiorum praefecto, no- mine Guillio, parce qu'ayant été chargé par la Cour à Compiègue de préparer un festin pour la reine Christine de Suède , qui venait d'arriver en France, il s'était emparé pour cela d'une salle du collège des jésuites, et le P. Borin l'ayant trouvé mauvais, le débat avait abouti à un soufflet donné par le Père. Dans la Response à la treizième Provinciale, le P. Nouet nie ce soufflet, mais Pascal a répondu à la fin de la quatorzième Lettre. La mauvaise htimeur du P. Borin pouvait bien venir de l'attitude que la reine Christine avait prise à l'égard des jésuites. On lit dans VHistoire ecclésiastique manuscrite de Her- mant '(liv. XV, chap. xiv, p. 463) : « Elle se confessa à M. révoque d'Amiens, ayant dit à l'oreille à M. l'abbé Le Camus qu'elle ne se souciait pas à qui, pourvu que ce ne fût point à un jésuite. » Cela se passait avant le meurtre de Monaldeschi. 404 LETTRES PROVINCIALES « Guille, avant d*ôtre « officier du roi », avait été traiteur; il était le traiteur des jansénistes, et le P. Rapin prétend que ces messieurs faisaient chez lui des dîners très fins {MémoireSy t. i , p. 404). Le curé dont il est question dans les dernières lignes de ce passage est le fameux Du Hamel, curé de Saint* Merry, dont Guille était le paroissien, et qui était un des principaux personnages du jansénisme. Les Mé~ moires du P. Rapin sont pleins de lui. Le P. Nouêt) dans la Besponse à la treizième Provinciale ^ s'ex- prime ainsi sur son compte : a Ce curé que vous n'avez fait entrer dans votre Lettre que parce qu'il n'aime pas trop les jésuites , et qu'on n'a fait sortir dé]Paris que parce qu'il aime encore moins la reli- gion. » La vérité est qu'il avait été exilé pour un prône qu'il avait fait contre la cour à propos de l'évasion du cardinal de Retz en i654 {Mémoires du P. Rapin^ t. 2, p. 283). Il ne fut rappelé de cet exil qu'en 1664. — 11 est déjà question du curé Du Hamel dans la ti\)isième Enluminure^ où une femme du peuple, sa paroissienne, fait son éloge dans la boutique même où se vendait l'almanach des jésuites, en réponse à une autre femme qui le maltraite comme Séniste à double carillon ; Séniste, c'est-à-dire janséniste. Pour la phrase : « Et s'il eût appris d'Esco- bar », etc., voir la septième Lettre, t. i, page 450. — Dans la Pratique de l'homicide, etc. — Ce n'est pas là le titre d'un livre, mais d'un chapitre, Ite troisième de VExamen 7 du premier traité : le passage est au n« 48. — // est permis lorsqu'on a reçu, — Le texte dit : « Il est permis à un homme noble et honorable. » — C'est ce qvCont enseigné vos Pères à t]aen, — Voir les Remarques sur la Lettre 7, t. 4^ page 164. P. 90. — Sans réserve et sans distinction. — Si on compare ici la leçon primitive à la variante , on reconnaîtra TREIZIEME LETTRE 105 que la première est la meilleure; car les mots sans réserve et san^ distinction sont les mots essentiels et qu'il faut faire ressortir, par opposition à la dis- tinction qui vient ensuite, de la spéculation et de la pratique . P. 90. — Vous avez partagé vos décisions, — Cette leçon valait mieux que ce qu'on y a substitué. P. 91. — Filiutius.,, Reginaldus,., et les autres, — 11 môle en une phrase divers passages dont la pensée est bien celle qu'il exprime, mais qu'il ne traduit pas littéralement. Voir Lettre 7, tome 4, page 453. P. 92. — De sa grande Théologie morale. — Voir Lettre i2 ci-dessus, page 16. P. 93. — Si elles paraissaient tout d'un coup. — On a subs- titué depuis tout à coup , et on a eu tort. Tout d'un coup vaut mieux pour dire en un seul coup et non subitement. P. 94. — Que votre Père Des Bois,— Ce Père n'est pas dans la Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus. — Celte doctnne censurée du PèreUAmy. Voir Lettre 7, tome 1, page 156. Nicole a fait sur la Lettre 13 une note unique de sept pages, qui contient toute l'histoire de la propo- sition du P. L'Amy, et de l'incroyable obstination avec laquelle les jésuites la soutinrent malgré des condamnations multipliées. Cette proposition parut d'abord en 1640 à Douai, c'est-à-dire dans un pays espagnol. — L'affaire en est à VO/ficialité, — Je ne puis dire ce que cette affaire est deveAue. P. 95., — Je n'en veux pas davantage que cet aveu, — Au- jourd'hui, « davantage s'emploie toujours absolu- ment », c'est-à-dire sans que. Dictionnaire de l'Aca- démie, — Quoiqu'il ne soit pas certain, — C'est-à-dire , quoique cela ne soit pas certain. Il est ici neutre à la manière latine, comme dans il est vrai. \ lOtt LETTRES PROVINCIALES P. 96. — En ne regardant que la loi de Dieu, — Si on com- pare cette leçon à la variante, on verra encore que la première vaut mieux. Car il est clair qu'ils ne par- ' tant pas de la loi de Dieu pour établir cette propo- sition, qu'on a droit de tuer. Ils avancent d'abord la proposition elle-même , puis ils la restreignent et essayent de la faire passer, en ajoutant qu'ils ne di- sent cela que par rapport à la loi de Dieu. — Là'dessuSy page 29, — Dans le recueil dçs Res- panses aux Lettres Provinciales, cet endroit se trouve à la page 167, à la fin de la quinzième Imposture. — Et non pas le juge des juges, — On a supprimé ces mots, peut-être de peur d'avoir l'air de faire la leçon aux juges. Nicole les a conservés dans sa tra- duction. P. 97. — Qu'est-ce faire autre chose, — Phrase irrégulière , corrigée dans la variante. Mais, en faisant cette cor- rection, il aurait fallu écrire est innocent, car le sub- jonctif ne s'explique plus. P. 98. — Ce que voius avez dit page ii, — Page 107 du re- cueil des Besponses, dans la quatriftne Imposture. — De Va^quez et de Suarez que vous m'opposez, — Voir page 406 du recueil des Respoases, quatrième Imposture, et pages 163, 164 05% 16%17«, 18» Im- postures). P. 100. — Je vous en parlerai peut-être, — Pascal, en effet, pensait à traiter ce sujet, comme le prouvent des fragments publiés par M. Faugère, d'après le cahier autographe d'où on a tiré les Pensées, On les trou- vera à la fin du volume. P. 101. — Qu'au dernier jour Vasquez condamnera Lessius, — M. l'abbé Maynard , dans son édition des Pro- vinciales, se contente de jeter ici au bas de la page cette petite notç ironique : Horresco referens! (Je frémis d'horreur en le racontant. Enéide, II, 704.) On ne s'émeut guère en effet aujourd'hui à l'idée du jugement dernier et de ces casuistes qui y compa- TREIZIÈME LETTRE 107 raissent. Notre imagination va tout au plus à nous les représenter se jetant leurs in-folio à la tête, comme dans la bataille du Lutrin ; mais ces assises divines pouvaient être prises plus au sérieux du temps de Pascal. P. 101. — Vas duplici corde. — Ecclésiastique, ii, 14. Voici exactement le texte de la Vulgate : Vœ duplici cwde et labiis scekstis, et manibus malefacientibus et pecca- tori terram ingredienti duabus viis. QUATORZIÈME LETTRE ÉCRITE PAR L^AUTEUR * DBS I LETTRES AU PROVINCIAL AUX RÉVÉRENDS PÈRES JÉSUITES Ce 23 octobre 1656. Mes Révérends Pères, Si je n'avais qu'à répondre aux trois Impostures qui restent sur Thomicide, je n'aurais pas besoin d'un long discours, et vous les verrez ici réfutées en peu de mots; mais comme je trouve bien plus important de donner au monde de l'horreur de vos opinions sur ce sujet que de justifier la fidélité de mes citations Je seiéi obligé d'em- ployer la plus grande partie de cette Éetlre à la réfu- tation de vos maximes, pom* vous représenter combien vous êtes éloignés des sentiments de l'Église et même delà nature. Les permissions de tuer que vous accordez en tant de rencontres font paraître qu'en cette matière vous avez tellement oublié la loi de Dieu et tellement éteint les lumières naturelles, que vous avez besoin qu'on vous remette dans les principes les plus simples de la religion et du sens commun. Car, qu'y a-t-il de plus naturel que ce sentiment : Qu^un particulier n'a pas droit sur la vie (Tun autre ? Nous en sommes tellement II. 7 A \ 110 LETTRES PROVINCIALES instruits de nous-mêmes ^ dit saint Ghrysostome, que quand Dieu a établi le principe de ne point tuer, il n'a pas ajouté que c'est à cause que l'homicide estunmal; parce^ dit ce Père, que la Loi suppose qu'on a déjà ap- pris ceUe vérité de la nature. Aussi ce commandement a été imposé aux hommes dans tous les temps : l'Évangile a confirmé celui de la Loi, et le Décalogue n'a fait que renouveler celui que les hommes avaient reçu de Dieu avant la Loi en la per- sonne de Noé, dont tous les hommes devaient naître. Car, dans ce renouvellement du mon^e, Dieu dit à ce patriarche : Je demanderai compte aux hommes de la vie des hommes, et au frère de la vie de son frère. Qui- conque versera le sang humain, son sang sera répandu , parce que l^iiomme est créé à l'image de Dieu. Cette défense générale ôte aux hommes tout pouvoir sur la vie des hommes. Et Dieu se Test tellement ré- servé à. lui seul que, selon la vérité chrétienne, op- posée en cela aux fausses maximes du paganisme, l'homme n'a pas même pouvoir sur sa propre vie. Mais parce qu'il a plu à sa providence de conserver les so- ciétés des hommes , et de punir les méchants qui les troublent , il a établi lui-même des lois pour ôter la vie aux criminels ; et ainsi ces meurtres , qui seraient des attentats punissables sans son ordre , deviennent des. opinions louables par son ordre , hors duquel il n'y a rien que d'injuste. C'est ce que saint Augustin a repré- senté admirablement au l'"' 1. de la Cité de Dieu, c. 21. Dieu, dit-il, a fait lui-même quelques exceptions à cette défense génér^ale de tuer, soit par les lois qu'il a établies pour faire mourir les criminels, soit par les ordres par- ticuliers qu'il a donnés quelquefois pour faire mourir quelques personnes. Et quand on tue en ces cas-là, ce n'est pas V homme qui tue, mais Dieu, dont l'homme QUATORZIÈME LETTRE î î i nesl que rinsirumeniy comme une épée enlre les mahts de celui qui s'en sert. Mais, si on excepte ces cas^ qui- conque tue se rend coupable d'homicide, D est donc certain, mes Pères, que Dieu seul a le droit d*ôter la vie , et que néanmoins , ayant établi des lois pour faire mourir les criminels, il a rendu les rois ou les républiques dépositaires de ce pouvoir. Et c'est ce que saint Paul nous apprend, lorsque , parlant du droit que les souverains ont de faire mourir les hommes, il le fait descendre du ciel, en disant Que ce n'est pas en vain qu'ils portent Vépée^ parce qu'ils sont ministres de Dieu pour exécuter ses vengeances contre les coupables. Mais comme c'est Dieu qui leur a donné ce droit, il les oblige à l'exercer ainsi qu'il le ferait lui-même, c'est- à-dire avec justice, selon cette parole de saint Paul au même lieu : Les princes ne sont pas établis pour se rendre terribles aux bons, mais aux méchants. Qui veut n'avoir point sujet de redouter leur puissance n'a quà bien faire, car ils sont ministres de Dieu pour le bien. Et cette restriction rabaisse si peu leur puissance , qu'elle la relève au contraire beaucoup davantage; parce que c'est la rendre semblable à celle de Dieu, qui est impuissant pour faire le mal et tout-puissant pour faire le bien; et que c'est la distinguer de celle des dé- mons, qui sont impuissants pour le biçn, et n'ont de puissance que pour le mal. H y a seulement cette diffé- rence entre Dieu et les souverains, que Dieu étant la justice et la sagesse même , il peut faire mourir sur- le-champ qui il lui plaît, quand il lui plaît, et en la ma- nière qu'il lui plaît. Car , outre qu'il est le msdtre sou- verain de la vie des hommes, il ne peut la leur ôter * ou 1. n est sans doute qu il ne la leur ôte jamais ni sans cause, etc. il2 LETTRES FHOVINCIALES sans cause, ou sans connaissance^ puisqu'il est aussi incapable d'injustice que d'erreur. Mais les princes ne peuvent pas agir de la sorte, parce qu'ils sont tellement ministres de Dieu , qu'ils sont hommes néanmoins , et non pas dieux. Les mauvaises impressions les pour- raient surprendre, les faux soupçons les pourraient aigi'ir , la passion les pourrait emporter ; et c'est ce qui les a engagés eux-mêmes à descendre dans les moyens humains, et à établir dans leurs États des juges auxquels ils ont communiqué ce pouvoir , afin que celte autorité que Dieu leur a donnée ne soit employée que pour la fin pour laquelle ils Pont reçue. Concevez donc , mes Pères , que , pour être exempt d'homicide , il faut agir tout ensemble et par l'autorité de Dieu , et selon la justice de Dieu ; et que , si ces deux conditions ne sont jointes, on pèche, soit en tuant avec son autorité, mais sans justice; soit en tuant avec justice, mais sans son autorité. De la nécessité de cette union il arrive , selon saint Augustin , que celui qui sans autorité tue un criminel se rend criminel lui- mêmCy par cette raison principale quHl usurpe une autorité que Dieu ne lui a pas donnée ; et les juges, au contraire, qui ont cette autorité, sont néanmoins homicides, s'ils font mourir un innocent contre les lois qu'ils doivent suivre. Voilà , mes Pères , les principes du repos et de la sûreté publique, qui ont été reçus dans tous les temps et dans tous les lieux , et sur lesquels tous les législa- teurs du monde^ saints et profanes, ont établi leurs lois, sans que jamais les païens mêmes aient apporté d'ex- ception à cette règle, sinon lorsqu'on ne peut autrement éviter la perte de la pudicité ou de la vie ; parce qu'ils ont pensé qu^alors^ comme dit Gicéron , les lois mêmes QUATORZIÈME LETTRE 113 semblent offrir leurs armes à ceux qui sont dans une telle ûécessité. Mais que, hors celte occasion, dont je ne parle point ici , il y ait jamais eu de loi qui ait permis aux parti- culiers de tuer, et qui Tait souffert, comme vous faites, pour se garantir d'un affront, et pour éviter la perte de l'honneur ou du bien , quand on n'est point en même temps en péril de la vie ; c'est, mes Pères, ce que je soutiens que jamais les infidèles mêmes n'ont fait. Ils l'ont, au contraire, défendu expressément : car la loi des 12 Tables de Rome portait Qu'il n*est pas permis de tuer un voleur de jour qui ne se défend point avec des armes. Ce qui avait déjà été défendu dans l'Exode, c. 22. EJt la loi Furem, ad Legem Corneliam, qui est prise d'Ulpien, défend de tuer même les voleurs de nuit qui ne nous mettent pas en péril de mort. Voyez-le dans Cujas, in lit. Dig. de Justilia et Jure , ad 1. 3. Diles-jious donc, mes Pères, par quelle autorité vous permettez ce que les lois divines et humaines défendent, et par quel droit Lessius a pu dire , 1. 2 , c. 9 , n. 66 et 72 : U Exode défend de tuer les voleurs de jour qui ne se défendent pas avec des ai^mes, et on punit en justice ceux qui tueraient de celte sorte. Mais néan- moins on n'en senait pas coupable en conscience, lors- qu'on n'est pas certain de pouvoir recouvrer ce qu'on nous dérobe y et qu'on en est en doute, comme dit Sotus; parce qu'on n'est pas obligé de s'exposer au péril de perdre quelque chose pour sauver un voleur. Et tout cela est encore permis aux ecclésiastiques mêmes. Quelle étrange hardiesse! La loi de Moïse punit ceux qui tuent les voleurs lorsqu'ils n'attaquent pas notre vie, et la Loi de l'Évangile, selon vous, les absoudra ! Quoi ! mes Pères, Jésus-Christ est-il venu pour détruire la Loi, et non pas pour Va,cco:xïp\ir? Les juges puniraient. ii4 LETTRES PROVINCIALES dit Lessius^ ceux qui tueraient en cette occasion ; mais on n^en serait pas coupable en conscience. Est-ce donc que la morale de Jésus-Christ est plus cruelle et moins ennemie du meurtre que celle des païens, dont les juges ont pris ces lois civiles qui le condamnent ? Les chrétiens font-ils plus d'état [des biens de la terre , ou font-ils moins d'état de la vie des hommes, que n'en ont fait les idolâtres et les infidèles ? Sur quoi vous fondez-vous, mes Pères ? Ce n'est sur aucune loi ex- presse ni de Dieu ni des hommes , mais seulement sur ce raisonnement étrange : Les lois, dites-vous, permettent de se défendre contre les voleurs^ et de rc^ pousser la force par la force. Or, la défense étant par- mise, le meurtre est aussi réputé permis; sans quoi la défense serait souvent impossible. Il est faux*, mes Pères, que la défense étant permise, le meurtre soit aussi permis. C'est cettecruelle manière de se défendre qui est la source de toutes vos erreurs, et qui est appelée, par la Faculté de Louvain, une dé- pense MEURTRIÈRE, dcfcnsio occisiva^ dans la censure' de la doctrine de votre Père L'Amy sur l'homicide. Je vous soutiens donc qu'il y a tant de différence , se- lon les lois', entre tuer et se défendre, que , dans les mêmes occasions où la défense est permise, le meurtre est défendu quand on n'est point en péril de mort. Écoutez-le, mes Pères, dans Gujas, au même lieu : // est permis de repousser celui qui vient pour s^emparer de noire possession, mais il n'est pas permis de le TUER. Et encore : Si quelqu'un vient pour nous frap- per, et non pas pour nous tuer, il est bien permis de le repousser, maïs il n'est pas permis de le tuer. 1. Cela est faux. 2.' Dans leur censure. QUATORZIEME LETTRE 115 Qui vousa donc donné le pouvoir de dire, comme font Molina, Reginaldus, Filiutius, Escobar, Lessius, et les autres : // est permis de tuer celui qui vient pour nous frapper; et ailleurs : // est permis de tuer celui qui veut nous faire unaffronty selon Vavis de tous les casuistes^ ex sententia omnium, comme ditLessius,n. 74? Par quelle autorité, vous, qui n'êtes que des particuliers, donnez- vous ce pouvoir de tuer aux particuliers et aux religieux mêmes? Et comment osez-vous usurper ce droit de vie et de mort qui n'appartient essentiellement qu'à Dieu, et qui est la plus glorieuse marque de la puissance souveraine? C'est sur cela qu'il fallait répondre; et vous pensez y avoir satisfait en disant simplement, dans votre d3® Imposture, que la valeur pour laquelle Molina permet de tuer un voleur qui s'enfuit sans nous faire aucune violence n^ est pas aussi petite que f ai dit, et qu^il faut qu^elle soit plus grande que six ducats. Que cela est faible, mes Pères ! Où voulez-voue la dé- terminer? A 15 ou 16 ducats? Je ne vous en forai pas moins de reproches. Au moins, vous ne sauriez dire qu'elle passe la valeur d'un cheval; car Lessius, 1. 2, c. 9, n. 74, décide nettement Qu'il est permis de tuer un voleur qui s'enfuit avec notre cheval. Mais je vous dis de plus que, selon Molina, cette valeur est détermi- née à 6 ducats, comme je l'ai rapporté; et, si vous n'en voulez pas demeurer d'accord, prenons un arbitre que vous ne puissiez refuser. Je choisis donc pour cela votre Père Reginaldus, qui, expliquant ce même lieu de Mo- lina, 1. 21, n. 68, déclare que Molina y détermine la valeur pour laquelle il n'est pas permis de tuer^ à S, ou 4, ou 5 ducats. Et ainsi, mes Pères, je n'aurai pas seulement Molina, mais encore Reginaldus. Il ne me sera pas moins facile de réfuter votre 1 4« Im- posture , touchant la permission de tuer un voleur qui U6 LETTRES PROVINCIALES , nous veut ôter un écu, selon Molina. Gela est si constant, qu'Escobar vous le témoignera, tr. 4, ex, 7, n. 44, où il dit que Molina détermine régulièrement la valeur pour laquelle onpeUt tuer à unécu. Aussi vous me re- prochez seulement, dans la 44" Imposture, que j'ai sup- primé les dernières paroles de ce passage : Çwe Von doit garder en cela la modération d'une juste défense. Que ne vous plaignez-vous donc aussi de ce qu'Escobar ne les a point exprimées ? Mais que vous êtes peu fins ! Vous croyez qu'on n'entend pas ce que c'est, selon vous, que se défendre. Ne savons-nous pas que c'est user d'une défense meurtrière ? Vous voulez faire en- tendre * que Molina a voulu dire par là que; quand on se trouve en péril de la vie en gardant son écu , alors on peut tuer, puisque c'est pour défendre sa vie. Si cela était vrai , mes Pères , pourquoi Molina dirait-il, au même lieu , QuHl est contraire en cela à Carreras et Bald, qui permettent de tuer pour sauver sa vie ? Je vous déclare donc qu'il entend simplement que, si l'on peut garder son écu * sans tuer le voleur , on ne doit pas le tuer; mais que, si l'on ne peut le garder qu'en tuant, encore même qu'on ne coure nul risque delà vie, comme si le voleur n'a point d'armes, qu'il est permis d'en prendre et de le tuer pour garder son écu ; etqu'en ' cela on ne sort point, selon lui, de la modération d'une juste défense. Et, pour vous le montrer, laissez-le s'ex- pliquer lui-même, tom. 4,tr. 3,d. li,n.'5 : On ne laisse pas de demeurer dans la modération d'une juste défense^ quoiqu'on prenne des armes contre ceu^ qui n'en ont point ou qu'on en prenne de plus avantageuses qu'eux. Je sais qu'il y en a qui sont d'un sentiment contraire ; 1. Vous voudriez. 2. Sauver son écu. — Si Ton ne peut le sauver. — Pour sauver son écu. QUATORZIÈME LETTRE li7 mais je n'approuve point leur opinion , même dans le tribunal extérieur. Aussi, mes Pères, il est constant que vos auteurs per- mettent de tuer pour la défense de son bien et de son honneur, sans qu'on soit en aucun péril de sa vie. Et c'est par ce même principe qu'ils autorisent les duels, comme je l'ai fait voir par tant de passages sur lesquels vous n'avez rien répondu. Vous n'attaquez dans vos écrits qu'un seul passage de votre Père Layman, qui le permet, lorsque autrement on serait en péril de perdre sa fortune ou son honneur; et vous dites que j^ai sup- primé ce qu'il ajoute , Que ce cas-là est fort rare. Je vous admire, mes Pères; voilà de plaisantes impostures que vous me reprochez. Il est bien question de savoir si ce cas-là est rare ! il s'agit de savoir si le duel y est permis. Ce sont deux questions séparées. Layman, en qualité de casuiste, doit juger si le duel y est permis, et il déclare que oui. Nous jugerons bien sans lui si ce cas-là est rare , et nous lui déclarerons qu'il est fort ordinaire. Et si vous aimez mieux en croire votre bon ami Diana, il vous dira qu'il est fort commun, part. 5, tract. 14, mise. 2, resol. 99. Mais qu'il soit rare ou non, et que Layman suive en cela Navarre, comme vous le faites tant valoir, n'est-ce pas une chose abominable qu'il consente à cette opinion : Que, pour conserver un faux honneur , il soit permis en conscience d'accepter un duel, contre les édils de tous les États chrétiens et contre tous les canons de l'Église, sans que vous ayez encore ici, pour autoriser toutes ces maximes diaboU- ques, ni lois, ni canons, ni autorités de l'Écriture ou dés Pères, ni exemple d'aucun saint, mais seulement ce raisonnement impie : L honneur est plus cher que la vie. Or, il est permis de tuer pour défendre sa vie. Donc il est permis de tuer pour défondro son honneur. Quoi ! 7. i i il8 LETTRES PROVINCULES mes Pères, parce que le dérèglement des hommes leur a fait aimer ce faux [honneur plus que la vie que Dieu leur a donnée pour le servir, il leur sera permis de tuer pour le conserver ! C'est cela môme qui est un mal hor- rible, d'aimer cet honneur-là plus que la vie. Et cepen- dant cette attache vicieuse, qui serait capable de souiller les actions les plus saintes, si on les rapportait à cette fin, sera capable de justifier les plus criminelles, parce qu'on les rapporte à cette fin ! Quel renversement, mes Pères! et qui ne voit à quels excès il peut conduire? Car enfin il est visible qu'il portera jusqu'à tuer pour les moindres choses , quand on mettra son honneur à les conserver; je dis même jusqu'à tuer powr une pomme/ Vous vous plaindriez de moi, mes Pères, et vous diriez que je tire de votre doctrine des conséquences mali- cieuses, si je n'étais appuyé sur l'autorité du grave Les- sius, qui parle ainsi, n. 68 : // n'est pas permis de tuer pour conserver une chose de petite valeur, comme pour un écu , ou POUR une pomme, aux pro pomo, si ce n'est qu'il nous fût honteux de la perdre. Car alors on peut la reprendre, et même tuer^ s'il est nécessaire, pour la ravoir : et si opus est, occidere ; parce que ce n'est pas tant défendre son bien que son honneur. Cela est net, mes Pères. Et, pour finir votre doctrine par une maxime qui comprend toutes les autres, écoutez celle- ci de votre P. Hereau, qui l'avait prise de Lessius : Le droit de se défendre s'étend à tout ce qui est nécessaire pour nous garder de toute injure. Que d'étranges suites enfermées dans ce principe inhumain ', et combien tout le monde est-il obligé de s'y opposer, et surtout les personnes publiques ! Ce n'est pas seulement l'intérêt général qui les y engage, mais I. Que d'étranges suites sont enfermées. QUATORZIÈME LETTRE 119 encore le leur propre, puisque vos casuistes cités dans mes Lettres étendent leurs permissions de tuer jusques à eux. £t ainsi les factieux qui craindront la punition de leurs attentats, lesquels ne leur paraissent jamais injustes, se persuadant aisément qu'on les opprime par violence, croiront en môme temps que le droit de se dé- fendre s'étend à tout ce qui leur est nécessaire pour se garder de toute injure. Ils n'auront plus à vaincre les remords de la conscience , qui arrêtent la plupart des crimes dans leur naissance, et ne penseront plus* qu'à surmonter les obstacles du dehors. Je n'en parlerai point ici, mes Pères , non plus que des meurtres * que vous avez permis , qui sont encore plus abominables et pins importants aux États que tous ceux-ci, dont Lessius traite si ouvertement dans les Doutes 4 et 10, aussi bien que tant d'autres de vos au- teurs. Il serait à désirer que ces horribles maximes ne fassent jamais sorties de l'enfer, et que le diable, qui en est lo premier auteur, n'eût jamais trouvé des hommes assez dévoués à ses ordres pour les publier parmi les chrétiens. Il est aisé de juger par tout ce que j'ai dit jusques ici combien le relâchement de vos opinions est contraire à la sévérité des lois civiles, et même païennes. Que sera-ce donc si on les compare avec les lois ecclésias- tiques^ qui doivent être incomparablement plus saintes, puisqu'il n'y a que l'Église qui connaisse et qui possède la véritable sainteté? Aussi cette chaste épouse du Fils de Dieu , qui , à l'imitation de son époux , sait bien ré- pandre son sang pour les autres, mais non pas ré- pandre pour elle celui des autres , a une horreur toute 1. Et ils ne penseront plus. 2. Non plus que des autres meurtres. \ ii) LETTRES PROVINCIALES 9 particulière pour le meurtre * , et proportionnée aux lumières particulières que Dieu lui a communiquées. Elle considère les hommes non seulement comme hommes, mais comme images du Dieu qu'elle adove. Elle a pour chacun d'eux un saint respect qui les lui rend tous vénérçibles, comme rachetés d'un prix infini, pour être faits les temples du Dieu vivant. Et ainsi elle croit que la mort d'un homme que l'on tue sans l'ordre de son Dieu n'est pas seulement un homicide , mais un sacrilège qui la» prive d'un de sesmembres; puisque, soit qu'il soit fidèle , soit qu'il ne le soit pas , elle le considère toujours, ou comme étant Tun de ses enfants, ou comme étant capable de l'être. Ce sont , mes Pères , ces raisons toutes saintes qui , depuis que Dieu s'est fait homme pour le salut des hommes , ont rendu leur condition si considérable à l'Église, qu'elle a toujours puni l'homicide qui les détruit comme un des plus grands attentats qu'on puisse com- mettre contre Dieu. Je vous en rapporterai quelques exemples, non pas dans la pensée que toutes ces sévé- rites doivent être gardées (je sais que l'Eglise peut dis- poser diversement de celte discipline extérieure), mais pour faire entendre quel est son esprit immuable sur ce sujet. Car les pénitences qu'elle ordonne ppur le meurtre peuvent être différentes selon la diversité des temps ; mais l'horreur qu'elle a pour le meurtre ne peut jamais changer par le changement des [temps. L'Église a été longtemps à ne réconcilier qu'à la mort ceux qui étaient coupables d'un homicide volon- taire, tels que sont ceux que vous permettez. Le célèbre concile d'Ancyre les soumet à la pénitence durant toute leur vie ; et l'Église a cru depuis être assez indulgente 1 . A pour le meurtre une horreur toute particulière. QUATORZIÈME LETTRE 121 envers eux en réduisant ce temps à un très grand nombre d'années. Mais, pour détourner encore davan- tage les chrétiens des homicides volontaires, elle a puni très sévèrement ceux mêmes qui étaient arrivés^par imprudence , comme on peut voir dans saint Basile, dans saint Grégoire de Nysse.^dans les décrets du pape Zacharie et d'Alexandre IL Les canons rapportés par Isaac, évêque de Langres, t. 2, c. 13, ordonnent 7 ans de pénitence pour avoir tué en se défendant. Et on voit que saint Hildebert, évoque du Mans, répondit à Yves de Chartres : Qu'il a eu raison d'interdire un prêtre pour toute sa vie, qui avait tué un voleur d'un coup de pierre pour se défendre \ N'ayez donc plus la .hardiesse de dire que vos déci- sions sont conformes à l'esprit et aux canons de l'Église. On vous défie d'en montrer aucun qui permette de tuer pour défendre son bien seulement : car je ne parle pas des occasions où l'on aurait à défendre aussi sa vie, se suaque liberando ; vos propres auteurs con- fessent qu'il n'y en a point, comme entre autres votre Père L'Amy, tom. 5, disp. 36, num. 136. Il n'y a, dit- il, aucun droit divin ni humain qui permette expressé- ment de tuer un voleur qui ne se défend pas. Et c'est néanmoins ce que vous permettez expressément. On vous défie d'en montrer aucun qui permette de tuer pour l'honneur, pour un soufflet, pour une injure et une médisance. On vous défie d'en montrer aucun qui permette de tuer les témoins, les juges et les magistrats, quelque injustice qu'on en appréhende. Son esprit* est entièrement éloigné de ces maximes séditieuses qui ouvrent la porte aux soulèvements auxquels les peuples 1. Qui, pour se défendre^ avait tué un voleur d'un coup de pierre. 2. L esprit de FÉgiise. à in LETTRES PROVINCIALES sont si naturellement portés. Elle'a toujours enseigné à ses enfants qu'on ne doit point rendre le mal pour le mal ; qu'il faut céder à la colère ; ne point résister à la violence ; rendre à chacun ce qu'on lui doit, honneur, tribut , soumission ; obéir aux magistrats et aux supé- rieurs, môme injustes ; parce qu'on doit toujours res- pecter en eux la puissance de Dieu , qui les a établis sur nous. Elle leur défend encore plus fortement que les lois civiles de se faire justice à eux-mêmes ; et c'est par son esprit que les rois chrétiens ne se la font pas dans les crimes mêmes de lèse-majesté au premier chef, et qu'ils remettenlT les criminels entre les mains des juges , pour les faire punir selon les lois et dans les formes de la justice, qui sont si contraires à votre conduite, que l'opposition qui s'y trouve vous fera rougir. Car, puisque ce discours m'y porte, je vous prie de suivre cette comparaison entre la manière dont on peut tuer ses ennemis , selon vous , et celle dont les juges font mourir les criminels. Tout le monde sait, mes Pères, qu'il n'est jamais permis aux particuliers de demander la mort de per- sonne ; et que quand un homme nous aurait ruinés, es- tropiés, brûlé nos maisons, tué notre père, et qu'il se disposerait encore à nous assassiner et à nous perdre d'honneur, ou n'écouterait point en justice la demande que nous ferions de sa mort : de sorte qu'il a fallu étaWir des personnes publiques qui la demandent delà part du roi, ou plutôt delà part de Dieu. A votre avis, mes Pères, est-ce par grimace et par feinte que les juges chrétiens ont établi ce règlement ? Et ne l'ont-ils pas fait pour propor- tionner les lois civiles à celles de l'Évangile, de peur que la pratique extérieure de la justicene fût contraire aux sen- timents intérieurs que des chrétiens doivent avoir? On voit assez combien ce commencement des voies de la QUATORZIÈME LETTRE 123 justice VOUS confond ; mais le reste vous accablera. Supposez donc , mes Pères , que ces personnes pu- bliques demandent la mort de celui qui a commis tous ces crimes; que fera-t-on là-dessus? Lui portera-t-on incontinent le poignard dans le sein? Non, mes Pères; la vie des hommes est trop importante ; on y agit avec plus de respect : les lois ne l'ont pas soumise à toutes sortes de personnes , mais seulement aux juges dont on a examiné la probité et la suffisance. Et croyez-vous qu'un seul suffise pour condamner un homme à mort ? Il en faut sept pour le moins, mes Pères. Il faut que de ces sept il n'y en ait aucun qui ait été offensé par le criminel, de peur que la passion n'altère ou ne cor- rompe son jugement. Et vous savez, mes Pères, qu'afin que leur esprit soit aussi plus pur, on observe encore de donner les heures du matin à ces fonctions : tant on apporte de soin pour les préparer à une action si grande, ob ils tiennent la place de Dieu, dont ils sont les mi- nistres, pour ne condamner que ceux qu'il condamne lui-même. Et c'est pourquoi, afin d'y agir comme fidèles dis- pensateurs de cette puissance divine d'ôter la vie aux hommes, ils n'ont la liberté déjuger que selon les dé- positions des témoins^ et selon toutes les autres formes qui leur sont prescrites; ensuite desquelles ils ne peu- vent en conscience prononcer que selon les lois, ni ju- ger dignes de mort que ceux que les lois y condamnent. Et alors, mes Pères, si l'ordre de Dieu les oblige d'abandonner au supplice les corps de ces misérables, le même ordre de Dieu les oblige de prendre soin de leurs âmes criminelles ; et c'est même parce qu'elles sont criminelles qu'ils sont plus obligés à en prendre soin ; de sorte qu'on ne les envoie à la mort qu'après leur avoir donné le moyen de pourvoir à leur cons- 124 LETTRES PROVINCEALES cience. Tout cela est bien pur et bien innocent ; et néanmoins TÉglisc abhorre tellement le sang, qu'elle juge encore incapables du ministère de ses autels ceux qui auraient assistée un arrêt de mort, quoique accom- pagné de toutes ces circonstances si religieuses : par où il est aisé de concevoir quelle idée FÉglise a de l'homicide. Voilà, mes Pères, de quelle sorte on dispose en jus- tice de la vie des hommes * : voyons maintenant com- ment vous en disposez. Dans vos nouvelles lois il n'y a qu'un j'uge, et ce juge est celui-là même qui est offensé. Il est tout ensemble le juge, la partie et le bourreau. Il se demande à lui-même la mort de son ennemi, il l'ordonne, il l'exécute sur-le-champ ; et, sans respect ni du corps ni de l'âme de son frère , il tue et damne celui pour qui Jésus-Christ est [mort, et cela pour éviter un soufflet, ou une médisance, ou une parole outrageuse , ou d'autres offenses semblables , pour lesquelles un juge, qui a l'autorité légitime, serait cri- minel d'avoir condamné à la mort ceux qui les auraient commises, parce que les lois sont très éloignées de les y condamner. Et enfin, pour comble de ces excès, on ne contracte ni péché ni irrégularité en tuant de cette sorte sans autorité et contre les lois, quoiqu'on soit re- ligieux, et même prêtre. Où en sommes-nous, mes Pères ? Sont-ce des religieux et des prêtres qui parlent de cette sorte ? Sont-ce des chrétiens? sont-ce des Turcs? Sont-ce des hommes? sont-ce des démons? Et sont-ce là des mystères révélés par l'Agneau à ceux de sa So- ciété, ou des abominations suggérées par le Dragon a ceux qui suivent son parli ? 1. Voilà, mes Pères, de quelle sorte, dans Tordre de la jus- tice, on dispose de la vie des hommes. QUATORZIÈME LETTRE 125 Gap enfin , mes Pères , pour qui voulez-vous qu'on vous prenne ? pour des enfants de TÉvangile, ou pour des ennemis de TÉvangile ? On ne peut être que d'un parti ou de l'autre , il n'y a point de milieu. Qui n'est point avec Jésus-Christ est contre lui. Ces deux genres d'hommes partagent tous les hommes. Il y a deux peuples et deux mondes répandus sur toute la terre, selon saint Augustin : le monde des enfants de]Dieu,qui forme un corps dont Jésus-Christ est le chef et le roi ; et le monde ennemi de Dieu, dont le diable est le chef et le roi. Et c'est pourquoi Jésus-Christ est appelé le roi et le Dieu du monde, parce qu'il a partout des sujets et des adorateurs, et le diable* est] aussi appelé dans l'Écriture le prince du monde et le dieu de ce siècle , parce qu'il a partout des suppôts et des esclaves. Jésus- Christ a mis dans l'Église , qui est son empire, les lois qu'il lui a plu, selon sa sagesse éternelle ; et le diable a mis dans le monde, qui est son royaume, les lois qu'il a voulu y établir. Jésus-Christ a mis l'honneur à souf- frir; le diable à ne point souffrir. Jésus-Christ a dit à ceux qui reçoivent un soufflet de tendre l'autre joue, -Jet le diable a dit à ceux à qui on veut donner un soufflet de tuer ceux qui leur voudront faire cette injure. Jésus- Christ déclare heureux ceux qui participent à son igno- minie, et le diable déclare malheureux ceux qui sont dans l'ignominie. Jésus-Christ dit : Malheur à vous quand les hommes diront du bien de vous ! Et le diable dit : Malheur à ceux dont le monde ne parle pas avec estime ! Voyez donc maintenant, mes Pères, duquel de ces deux royaumes vous êtes. Vous avez ouï le langage de la ville de paix, qui s'appelle la Jérusalem mystique, et 1. Et que le diable. 126 LETTRES PROVINCIALES VOUS avez ouï le langage de la ville de trouble , que rÉcriture appelle la spirituelle Sodome : lequel de ces deux langages entendez-vous ? lequel parlez-vous ? Ceux qui sont à Jésus-Christ ont les mêmes sentiments que Jésus-Christ, selon saint Paul; et ceux qui sont enfants du diable, ex pâtre diabolo, qui a été homicide dès le commencement du monde , suivent les maximes du diable, selon la parole de Jésus-Christ. Écoutons donc le langage de votre école, et demandons à vos auteurs : Quand on nous donne un soufflet, doit-on Tendurer plutôt que de tuer celui qui le veut donner ? ou bien est-il permis de tuer pour éviter cet affront ? // est permis, disent Lessius, Molina, Escobar,.Regi- naldus, Filiutius, Baldellus et autres jésuites, de tuer celui qui nous veut donner un soufflet. Est-ce là le lan- gage de Jésus-Christ ? Répondez-nous, encore. Serait-on sans honneur en souffrant un soufflet sans tuer celui qui Ta donné? N' est-il pas véritable, dit Escobar, que^ tandis qu^un homme laisse vivre celui qui lui a donné un soufflet^ il demeure sans honneur ? Oui, mes Pères, sans cet honneur que le diable a transmis de son esprit superbe en celui de ses superbes enfants. C'est cet hon- neur qui a toujours été l'idole des hommes possédés par Tesprit du monde. C'est pour se conserver cette gloire, dont le démon est le véritable distributeur, qu'ils lui sacrifient leur vie par la fureur des duels à laquelle ils s'abandonnent , leur honneur par l'ignominie des sup- plices auxquels ils s'exposent, et leur salut par le péril de la damnation auquel ils s'engagent, et qui les a fait priver delà sépulture même, par les canons ecclésias- tiques. Mais on doit louer Dieu de ce qu'il a éclairé l'esprit du roi par des lumières plus pures que celles de votre théologie. Ses édits si sévères sur ce sujet n'ont pas fait que le duel fût un crime ; ils n'ont fait que QUATORZIÈME LETTRE iî7 punir le crime qui est inséparable du duel. Il a arrêté, par la crainte de la rigueur de sa justice, ceux qui n'é- taient pas arrêtés par la crainte de la justice de Dieu; et sa piété lui a fait connaître que l'honneur des chré- tiens consiste dans l'observation des ordres de Dieu et des règles du christianisme , et non pas dans ce fan- tôme d'honneur que vous prétendez, tout vain qu'il soit, être une excuse légitime pour les meurtres. Ainsi vos décisions meurtrières sont maintenant en aversion h tout le monde, et vous seriez mieux conseillés de changer de sentiments, si ce n'est par principe de reli- gion, au moins par maxime de politique. Prévenez, mes Pères, par une condamnation volontaire de ces opinions inhumaines, les mauvais effets qui en pour- raient naître, et dont vous seriez responsables. Et, pour concevoir plus d'horreur de l'homicide, souvenez-vous que le premier crime des hommes corrompus a été un homicide en la personne du premier juste ; que leur plus grand crime a été un homicide en la personne du chef de tous les justes : et que l'homicide est le seul crime qui détruit tout ensemble l'Étal, l'Église, la na- ture et la piété. Je viens de voir la réponse de votre apologiste à la treizième Lettre. Mais s'il ne répond pas mieux à ceUe-ci , qui satisfait à la plupart de ses difficultés, il ne méritera pas de réplique. Je le plains de le .voir sortir à toute heure hors du sujet, pour s'étendre en des calomnies et des injures contre les vivants et contre les morts. Mais, pour donner créance aux mémoires que vous lui fournissez, vous ne deviez pas lui faire désavouer pubUquement une chose aussi publique qu'est le soufflet de Compiègne. Il est constant, mes Pères , par l'aveu de l'oiîensé, quïl a reçu sur sa joue un coup de la main d'un Jésuite ; et tout ce qu'ont pu faire vos amis a été de mettre en doute s'il r a reçu de Tavant-main ou de l'arrière -main; et d'agiter la question si un coup du revers de la main sur la joue doit être appelé soufflet ou non. Je ne sais à qui il appartient d'en décider; mais je crois cependant que c'est au moins un soufflet probable. Cela me met en sûreté de conscience. REMARQUES SUR LA QUATORZIÈME PROVINCIALE P. 109. — Que de justifier la fidélité de mes citations, — Il ne sied de parler ainsi que quand on a, comme Pascal, l'habitude de citer fidèlement. — ' Dit saint Chrysostome, — Ce passage est dans la douzième des Homélies à ceux d'Antioche. P. 110. — [VÈvangile cTconfirmé celuide la Loi, — Matth.,xiv, 18, GiExod,y XX, 13. — En la personne de Noé. — Genèse, ix, 13. — Et Dieu se l'est tellement réservé, — Ce ie, qui est défini, ne peut se rapporter à tout pouvoir y qui est indéfini ; la phrase n'est pas correcte. — Aux fausses maximes du paganisme, — Ce qu'on appelle le paganisme n'avait rien qu'on puisse appeler ses maximes. Mais, dans le paganisme , les uns avaient des maximes qui permettaient de se tuer, et les autres en avaient qui ne le permettaient pas. — C'est ce que saint Augustin, — Traduction exacte pour le fond, sinon pour la lettre. P. 111. — Et c'est ce que saint Paul, — Rom., xiii, 3 et 4. Pascal ne soupçonnait pas qu'il pût jamais s*é- lever des doutes sur le principe môme de la peine de mort. P, 112. — Sans cause , ou sans connaissance. — On a cor- rigé cette phrase : il semble qu'on a craint que l'expression, il ne peut, ne fût pas bienséante en parlant de Dieu. Cependant Pascal venait déjà de" dire tout à l'heure que Dieu est impuissant pour le mal. QUATORZIEME LETTRE 129 P. 112. — Parce qu'ils sont tellement ministres de Lieu. — C'est-à-dire, ils sont ministres de Dieu avec cette restriction que, etc. Tellement ne se prend plus dans ce sens restrictif, où il répond à Vita des Latins. — Il arrive selon saint Augustin, — On trouve cette pensée au Sermo ccciiy n. i 3. — Qu'alors, comme dit Cicéron, — Pro Milone, 3. P. 113. — Et la loi Furemy ad Legem Comeliam. — D'après les habitudes reçues pour citer le Digeste (voir mes Remarques sur la Lettre 12, page 81), la loi Furem, ad Legem Comeliam, signifie le fragment commençant par Furem dans le titre ad Legem Comeliam^ qui est le titre 8 du livre XLIII. Ce fragment est le neu- vième de ce titre ; il est ainsi conçu : « Celui qui tue un voleur de nuit pourra n*être pas puni, s'il n'a pu l'épargner sans danger, i J'ajoute en passant que quand une loi du Digeste (c'est-à-dire un article) a une certaine étendue, il est d'usage de la diviser en paragraphes^ qu'on dési- gnait aussi autrefois par le premier mot de chacun. C'est ainsi que l'Intimé dit dans les Plaideurs : Qui ne sait que la loi Si guis canis, Digeste, De Vi, paragraphe. Messieurs, Caponibus, Est manifestement contraire à cet abus? C'est-à-dire le fragment Si quis canis, ce frag- ment étant dans le titre de Vi, et, dans ce fragment, le paragraphe Caponibus ; indications purement ima- ginaires, bien entendu, sauf qu'il y a réellement un titre de Vi dans le Digeste. Pour la loi des douze tables, voir Gellius, XI, 18, 7, etc. Si je ne cite pas d'abord le discours de Cicéron pro Tullio, c'est qu'il n'était pas connu du temps de Pascal. La citation de Cujas se rapporte à son commen- taire sur le titre premier du Digeste, de Justitia et Jure^ et sur l'article 3 de ce titre. Le passage de VExode est au verset 3. 130 LETTRES PR0VINC1ALÉî> P. 114. — Les loiSj dites-vous j permettent. — C'est bien l'argument, mais ce n*est pas le texte du P. Nouet, dans la quatorzième Imposture. Il n'aurait pas fallu mettre ces quatre lignes en italiques. — Dans la censure de la doctrine. — Voir la Lettre 13, ci-dessus, p. 15, et le paragraphe 3 de la Note de Nicole sur cette Lettre. P. 116. — Escobar, Lessius et les autres, — Voir la septième Lettre. — Comme dit Lessius, n. 74. t— Il fallait dire n. 78. — Que la valeur pour laquelle, — Cela ne devrait pas non plus être en italiques. — Qu'elle soit plus grande que six ducats, — Nicole tra- duit sex philippicis, ce qui suppose qu'il identifie le ducat et la pistole. Voir mes Remarques sur la Lettre 8, t. 1, p. 190. Il y a dans Molina^ex ducatis. — Mais encore Reginaldus, — Le texte de Molina lui- même a été non pas cité , mais indiqué dans la septième Lettre. Il dit bien ce que dit Pascal. P. 116.— La modération d'une juste défense. — Molina dit, cum moderamine inculpatœ tutelœ. Mais on peut s'as- surer que ces expressions, qui reviennent plusieurs fois dans ses textes, signifient seulement qu'il ne faut tuer que pour repousser une attaque, et non pas par haine et pour le plaisir de tuer. — Contraire en cela à Carrerus et Bald. — Il s'agit sans doute du fameux jurisconsulte Balde de Pérouse, du xiv* siècle, et d'un autrejurisconsulte, Alexandre Carrerus de Padoue, prêtre, mort en 1626. — Que si Von peut garder son écu. — Les éditions postérieures ont mis sauver, au lieu de garder, dans toute cette phrase. Garder est ici dans le sens de préserver, qu'il a en effet ; mais comme on l'em- ploie plus habituellement dans le sens de retenir, on aura craint l'équivoque. P. 117. — • Qu'ils autorisent les dyiels, — Pascal répond ici, sans en avertir, à la onzième Imposture. QUATORZIÈME LETTRE 131 P. 117. — Que co cas-là est fort rare. — Le passage de Lay- man, cité dans la septième Lettre, si un soldat à l'armée^ etc., commence ainsi dans son texte : Si, dans un cas très rare^ un soldat, etc. — Il vous dira qu'il est fort commun. — M. l'abbé Maynard répond : « Diana ne dit pas cela du tout ; » mais il se garde de le citer. Diana a écrit : « Le docte Hurtado de Mendoza a imaginé un cas qui peut facilement se produire en pratique {qui facile potest evenire in practicum) » , et c'est le cas signalé par Pascal. — Comme vous le faites tant valoir, — On lit dans la [Response à la quatorzième provinciale (p. 363 du recueil des Responses) : « Je ne vous ferai point rougir de cette étrange hardiesse avec laquelle vous me faites dire que Layman jésuite a suivi Navarre survie sujet des duels, moi qui vous ai accusé, dans la première partie de mes réponses, de lui avoir faussement attribué cette opinion en suppri- mant le nom de celui qui en est effectivement l'au- teur. » Le seul sens que puisse avoir cette récla- mation serait que Navarre seul a soutenu cette opi- nion et que Layman ne l'a pas adoptée. Or, le P. Nouet, qui parle ainsi, a cité lui-même dans la onzième Imposture (p. 144) le texte de Layman, où il dit qu'il 7i'osc pas condamna^ cette opinion de Na- varre . — Mais seulement ce raisonnement impie, — Voir sep- tième Lettre, t. l,page 152. P. 1\^,-^ Sur V autorité du grave Lessius. — Voici son texte : « Il est tout à fait inique, pour sauver une pomme [ou peut-être une orange, càrpomum n'a pas un sens bien précis], ou môme un écu, d'ôter la vie à un autre ; cependant, si ta vie à toi était déshonorée , faute de l'enlever au voleur, tu pourrais, » etc. — Et surtout les personnes publiques. — C'est-à-dire les juges , car la phrase qui suit se rapporte à la 132 LETTRES PKOYINCIALES permission [que donnent les casuistes en certains cas de tuer son juge. Voir Lettre 7, t. 1, page 149. P. 119. — Je n'en parlerai point ici, mes Pére^.— Des meur- ' très des personnes publiques par les factieux. — Non plus que des meurtres. — On a bien fait, en réimprimant, d'ajouter, des autres meurtres. — Dont Lessius traite si ouvertement. — Le Doute 4 de Lessius^ au chapitre déjà cité, a pour objet le tyrannicide, et c'est évidemment celui que Pascal a surtout dans la pensée. Lessius permet sans diffi- culté de tuer le tyran qui n'est pas prince légitime, permission déjà très large ; car il est aisé de croire illégitime celui qu'on a envie de tuer : HenW IV l'était aux yeux de la Ligue. De plus, il permet de tuer même le prince légitime, si sa domination de- vient trop odieuse, mais seulement après qu'on l'aura d'abord déposé dans les formes ; c'est ce qu'on prétendit appliquer à Henri III. Plusieurs jésuites avaient soutenu ces doctrines, et l'avaient lait plus indiscrètement encore que Lessius, surtout le cé- lèbre Mariana, dont l'ouvrage fut condamné par le parlement et brûlé , à la suite de l'assassinat de Henri IV. Sous Louis XIV, de telles propositions révol- taient tout le monde. Pascal profita contre les jé- suites de cette réprobation universelle, mais il le fit avec discrétion. Les sentiments royalistes qu'il exprime sont d'ailleurs tout à fait sincères : Port- Royal les avait hérités d'Antoine Arnauld le père, tout dévoué à Henri IV. Le Doute 10 porte sur une question d'un tout autre ordre, mais bien scabreuse et bien propre à faire scandale : si on peut faire avorter une femme dans la prévision que l'accouchement mettrait sa vie en danger. On voit que tout avortement pouvait être autorisé sous ce prétexH.e. P. 120. — Particulière pour le meurtre, — Pascal se fait UUATORZIËMË LETTRE 133 ici un idéal de l'Église qui ne répond guère à This- toire. P. 120. — Que Von tue sans Vordre de son Dieu. — Son se rapporte, je pense, à l'Église. — Ont rendu leur condition. — Cest-à-dire la condi- tion des hommes. — Ne peut jamais changer. — Toujours l'idéal. — A été longtemps à ne réconcilier, — C'est-à-dire s'en est tenu longtemps à ne réconcilier, etc. Réconci- lier, c'est réconcilier avec l'Église, faire rentrer dans son sein. P. 121. — B'un coup de pierre pour se défendre. — Vérifier tous ces témoignages serait un grand travail, et peu utile, les assertions de Pascal n'ayant pas été con- testées dans les réponses des jésuites. Ceux qui voudraient les contrôler peuvent le faire au moyen du Corpus juris canonici et des Collections des con- ciles. — Se suaque liberando. — Les jésuites, dans leur quatorzième Imposture, défendant Molina attaqué dans la septième Lettre, avaient cité, d'après Molina lui-même, un canon d'un pape qui excuse celui qui a tué un voleur, par les paroles suivantes : « Si c'est sans mélange d'aucun sentiment de haine, seulement pour te sauver, toi et ton bien^ que tu as tué de tels membres du diable » : Si sine odii me- diatione, te tuaque liberando y ejusmodi diaboli membra interfecisti. Molina ajoutait que te tuaque doit s'en- tendre comme te vel tua, et c'est ce que soutient encore le P. Nouet dans sa réponse à la quatorzième Lettre. Cependant Molina lui-môme convenait que, dans le cas particulier auquel se rapporte ce canon celui qui est en cause avait été en danger person- nellement. — On vous défie d^en montrer aucun. — La Res- ponse à la quatorzième Lettre relève le défi : (c Je ne sais comment vous m'avez défié de vous montrer II. 8 i34 LETTRES PROVINCIALES une loi, un canon, un interprète de droit qui nous soit contraire. » Et il s'efforce de répondre. Je ferai remarquer d'abord que Pascal n'a pas parlé des in- terprètes du droit, mais des textes du droit, lois et canons, et la Besponse n'en a pas trouvé à citer. Elle dit, il est vrai, que Navarre (Azpilcueta) a soutenu cette opinion et r appuie sur les lois et les canons, et elle ajoute : • Voyez-les au chapitre 15 de sa Somme, et vous serez surpris du nombre. » Avant d'y aller voir, j'étais convaincu que cela n'était pas vrai, puisque le P. Nouet ne citait pas lui-même un seul de ces textes; mais je me suis reporté à ce qu'il ap- pelle la Somme de Navarre ; le véf itable titre est Enchindium seumanuale confessorum et pœnitentium, et j'ai vérifié par moi-môme cinq textes de lois qui sont cités en cet endroit. J'ai reconnu que pas un de ces textes ne se rapporte à ce qui est ici en question. P. 121. — Son esprit est entièrement éloigné. -^ L'esprit de l'Église. P. 122. — De lèse-majesté au premier chef. — « C'est l'atten- tat à la personne même du roi. n Dictionnaire de VAcadémie* — Estropiés^ brûlé nos maisons. — Pour être correct, il aurait fallu reprendre : quand il aurait brûlé nos maisons* — Et ne Vont'ils pas fait pour proportionner, — Hypothèse bien hasardée. La poursuite privée au criminel n'existe plus, en effet, depuis longtemps, du moins en France ; mais il n'est pas probable que ce soit la raison que dit Pascal qui y ait fait renoncer. P. 124. — Tout cela est bien pur et bien innocent. — Toutes ces assertions de Pascal sont exactes. Voir, pour le nombre des juges, Laroche-Flavin dans ses treize livres des Parlements , livre IX , chapitre 27. Pour les heures matinales des audiences, le même livre IX, chapitre 8 : i Car on ne doit pas tenir pour gUAtORZlÈME LETTRE i35 avis bien digéré ce qui se fait après dîner, comme le dit Philippe de Commines » (le dîner d'alors était le déjeuner d'aujourd'hui). Il n'était pas bon sans doute de j>uger ayant mangé et bu trop largement ; mais était-il meilleur déjuger à jeun? L'obligation de juger selon les dépositions des témoins , qui devaient être au moins deux , était fondée à la fois sur des textes de droit romain mal interprétés et sur un verset de Ja Bible : Deutér., xix, 15. C'est ce qui est expliqué dans l'étude de M. Glasson, de l'Institut, intitulée : Des sources de la procédure civile française, 1882, page 56. C'est aussi à une commu- nication obligeante de M. Glasson que je dois les autres indications que je donne ici. On sait qu'aujourd'hui, devant les jurés, qui sont devenus les véritables juges au criminel , la preuve n'a plus de règles déterminées. Noire Code d'ins- truction criminelle dit au contraire (article 342) : « La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus ; elle ne leur prescrit point de règles desquelles ils doi- vent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve, » etc. Les formalités d'autrefois étaient des obstacles qu'on avait voulu mettre à la trop grande facilité de condamner, à laquelle les magistrats permanents étaient enclins, par cela même qu'ils jugeaient et qu'ils condam- naient tous les jours. Pour ce qui regarde ce que Pascal appelle prendre soin des âmes des condamnés, on lit dans Imbert, Pratique civile et anminelle , livre IV, cha- pitre 6, page 743 de l'édition française de 1611 : « A ce moyen, incontinent après la sentence prononcée, l'on baille un confesseur au condamné, et le sacre- ment de confession lui est administré, et la question à lui baillée... » etc. Je laisse au lecteur à com- menter lui-même le rapprochement de ces doux 136 LETTRES PROVINCIALES choses baillées ensembles, la confession et la ques* tion. P. 124. — Incapables du ministère de ses autels. — Voir les Remarques sur la Lettre 7, t. i, page 166. — Il tue et damne celui pour qui Jésus-Christ est mort. — II le damne puisqu'il le tue dans son péché, et avant qu'il ait eu le temps de pourvoir à sa conscience. II y a là d'ailleurs une démonstration janséniste. La quatrième des cinq fameuses propositions était celle-ci : « II est semi-pélagien de dire que c'est pour tous les hommes sans exception que le Christ est mort et qu'il a versé son sang. » Les jansénis- tes la désavouaient comme les quatre autres, quoi- qu'au, fond elle exprimât bien leur pensée ; mais ils déclaraient que Jésus-Christ est mort pour tous les hommes, tout en soutenant que ceux qui n'ont pas la grâ-ce ne peuvent être sauvés par cette mort. Ils n'en acceptaient pas moins la formule de l'Église. Pascal faisait donc coup double dans cette phrase. D'une part, il lançait aux jésuites un mot terrible ; de l'autre il disait : Vous voyez bien que nous no tenons pas la quatrième propo'sition. Et il déve- loppe lui-môme, dans la dix-septième Provinciale, l'avantage que lui donnait cette profession de foi. — Ni péché , ni irrégularité. — « Irrégulier se dit , en termes de droit canon, de celui qui, après avoir reçu les ordres ecclésiastiques, devient incapable d'en exercer les fonctions. » Lictionnaire de l'Aca- démie. Je ne sais si le mot s'applique aussi aux reli- gieux, sans qu'ils soient prêtres . — Oh en sommes-nous , mes Pères ? — Sur tout l'en- semble de ce parallèle, il y a encore une observa- tion à présenter. Pascal, d'après Balzac, dit dans ses Pensées (III, 3, à la fin) : « Il n'est pas permis au plus équitable homme du monde d'être juge en sa cause : j'en sais qui pour ne pas tomber dans cet à QUATORZIÈME LETTRE 437 amour-propre ont été les plus injustes du monde à contre-biais. Le moyen sûr de perdre une affaire toute juste était de la leur faire recommander par leurs proches parents. » Certains esprits libres, par un scrupule de la même fausse impartialité, soutien- nent quelquefois les jésuites mal à propos contre les sévérités des Provinciales, Ils acceptent la pre- mière excuse qu'on leur apporte, sans y regarder d'assez près. Par exemple, à ce tableau imposant des formalités multipliées et des règles exactes de la justice criminelle (pourtant si tristement impar- faite encore alors), les jésuites répondaient avec ironie que toutes ces formalités n'étaient pas de mise « au coin du bois », et que c'est pour ce cas- là que leurs décisions sont faites. {Responses aux Lettres provinciales y p. 379.) Cela paraît plausible au premier abord, et l'est en effet quand on s'en tient à la proposition générale. Mais quand on va au dé- tail, et il n'y a de réel que le détail ; quand on recon- naît que les casuistes permettaient de fait, et habi- tuellement, non au coin d'un bois, mais dans la vie de tous les jours, non seulement le meurtre aveugle et brutal, mais encore l'assassinat et le guet-apens (voir la septiècSe Lettre), on partage l'indignation de Pascal, et on trouve aussi juste que forte, comme l'ont fait les contemporains, l'antithèse terrible où les jésuites affectaient de ne voir qu'une déclama- tion. P. 124. — Des mystères révélés par l'Agneau. — Voir Lettre 5, t. i, page 91, à la fin. Le Dragon, dans V Apocalypse, est le diable. P. 126. — Qui n'est point avec Jésus-ChnsL -— Matth.^ xii, 30 ; mais Marc, ix, 39, dit à peu près le contraire. — Selon saint Augustin. — Je trouve ce passage dans VEnarratio in psalmum cxlIj n° io. — Le roi et le dieu du monde. — Jésus est appelé le roi du monde dans V Apocalypse, i , 5. Pour « le dieu 8. 138 LETTRES PROVINCIALES du monde », Pascal a peut-être dans l'esprit VApo- calypse, x, 12, où il lisait le mot divinitalis; mais ce mot n*est que dans la Vulgate. Quant au diable, voir Jean, xii, 31 et II Cor,, iv, 4. P. 125. — Détendre Vautre joue, —¦ Mattk., v, 39. — Malheur à vous quand les hommes. — Luc, vi, 26. — La Jérusalem mystique. — Dans le texte, « la Jéru- salem sainte », Apocalypse, xxi, 2. La spirituelle Sodome, ibid,, xi, 3; mais cette expression n'est pas prise au sens où la prend Pascal. P. 126. — Que Jésus-Christ, selon saint Paul, — Rom,, viii, 9 . — Selon la parole de Jésus-Christ. — Jean, vin, 44. — W est-il pas véritable, — Voir Lettre 7, 1. 1 , p 1 50. — Que le diable a transmis de son esprit superbe, — Le P. Nouet répond : « Il n'est pas bienséant à un homme d'honneur de parler ainsi ; vous avez trop souvent le diable en la bouche, » etc. — Le ce qu'il a éclairé V esprit du roi. — Voir Lettre 7, t. 1, page 147. P. -127. — En la personne du premier juste. — C'est-à- dire Abel, Matth. xxiii, 35. — Contre les vivar^ts et contre les mort^. — Les vivants, comme Du Hamel , Arnauld ;fles morts', comme Saint-Cyran. — Que c'est au moins un soufflet probable. — Voir la Lettre 5 sur la probabilité. Le P. Nouet n'a rien répliqué à cette note sur le soufflet de Compiègne. Voir Lettre 13, ci-dessus, page 88. Il y fait seulement l'allusion très gauche que voici (page 357) : « Dites- nous enfin ce que vous trouvez d'horrible dans la doctrine des casuistes, mais dites-le nettement. Car je me défie toujours de cette an^ière-main, qui d'un revers vous absout sans scrupule de votre impos- ture de Compiègne, et vous met , comme vous croyez, en sûreté de conscience. » Du reste, cette terrible quatorzième Lettre lui a ôté tout sang-froid, et voici ce qu'elle lui inspire QUATORZIÈME LETTRE 139 (page 363) : « Je ne vous dirai point que cette Lettre n'est qu'un lieu commun que vous teniez en réserve de longue main pour favoriser votre retraite, ou plutôt un égarement perpétuel qui fait voir aux habiles que vous fuyez, et que, n'ayant rien à répondre aux véritables impostures dont je vous ai convaincu, la colère et le désespoir vous emportent si loin au delà du jugement, que ton ne se peut tenir de rire en vous voyant ainsi courir à perte d'haleine. » Je veux cependant ajouter un mot en faveur des casuistcs, dans le sens des considérations que j'ai développées à la page lxxxiv de l'Introduction. Quand Lessius dit (voir p. 115) qu'il est permis de tuer un voleur qui s'enfuit avec notre cheval, Pas- cal juge cette décision abominable : cependant 'je doute qu'il se trouvât un jury pour condamner l'homme qui tuerait ainsi. Et qui sait s'il ne s'en trouverait pas un pour acquitter l'homme qui tue- rait son ennemi au cas où celui-ci, pour lui faire affront, lui arracherait avec violence un objet même sans valeur (p. 120) ? C'est ainsi que l'affaiblisse- ment de l'esprit religieux et la facilité avec laquelle on s'abandonne aujourd'hui à la nature, viennent en aide aux casuistes contre les sévérités de Pascal. Mais ce qvii rendait leur position fausse, môme quand leurs thèses auraient pu paraître acceptables, c'est qu'ils étaient tenus de parler, non pas au nom de la nature, mais au nom de Dieu. La note de dix-sept pages que Nicole a écrite sur cette Lettre est une véritable dissertation théolo- gique sur l'homicide. QUINZIÈME LETTRE ÉCRITE PAR L*AUTEUR DBS LETTRES AU PROVINCIAL AUX RÉVÉRENDS PÈRES JÉSUITES Du 25 novembre i656. Mes Révérends Pères, Puisque vos Impostures croissent tous les jours, el que vous vous en servez pour outrager si cruellement toutes les personnes de piété qui sont contraires à vos erreurs, je me sens obligé, pour leur intérêt et pour celui de TÉglise, de découvrir un mystère de votre con- duite, que j'ai promis il y a longtemps, afin qu'on puisse reconnaître par vos propres maximes quelle foi Ton doit ajouter à vos accusations et à vos injures. Je sais que ceux qui ne vous connaissent pas assez ont peine h se déterminer sur ce sujet, parce qu'ils se trouvent dans la nécessité, ou de croire les crimes in- croyables dont vous accusez vos ennemis, ou de vous tenir pour des imposteurs, ce qui leur paraît aussi in- croyable. Quoi ! disent-ils , si ces choses-là n'étaient, des religieux les publieraient-ils , et voudraient-ils re- noncer à leur conscience, et se damner par ces calom- nies? Voilà la manière dont ils raisonnent : et ainsi les 142 LETTRES PROVINCIALES preuves visibles par lesquelles on ruine vos faussetés rencontrant Topiniôn qu'ils ont de votre sincérité, leur esprit demeure en suspens entré l'évidence de la vérité, qu'ils ne peuvent "démentir, et le devoir de la charité, qu'ils appréhendent de blesser. De sorte que comme la seule chose que les empêche de rejeter vos médisances est l'estime qu'ils ontMe vous, si on leur fait entendre que vous n'avez pas de la calomnie l'idée qu'ils s'ima- ginent *, et que vous croyez faire votre salut* en calom- niant vos ennemis, il est sans doute que le poids de la vérité les déterminera incontinent à ne plus croire vos Impostures. Ce sera donc, mes Pères, le sujet de cette Lettre. Je ne ferai pas voir seulement que vos écrits sont remplis de calomnies ; je veux passer plus avant. On peut bien dire des choses fausses en les croyant véri- tables, mais la qualité de menteur enferme l'intention de mentir. Je ferai donc voir, mes Pères, que votre in- tention est de mentir et de calomnier, et que c'est avec connaissance et avec dessein que vous imposez à vos ennemis des crimes dont vous savez qu'ils sont inno- cents, parce que vous croyez le pouvoir faire sans dé- choir de l'état de grâce. Et quoique vous sachiez aussi bien que moi ce point de votre morale, je ne laisserai pas de vous le dire, mes Pères, afin que personne n'en puisse douter, en voyant que je m'adresse h vous pour vous le soutenir à vous-mêmes, sans que vous puissiez avoir l'assurance de le nier, qu'en confirmant par ce désaveu même le reproche que je vous en fais. Car c'est une doctrine si commune dans vos écoles, que vous l'avez soutenue non seulement dans vos livres, mais en- core dans vos thèses publiques, ce qui est la dernière 1. Qu'ils s'imaginent que vous en avez. 2. Et que vous croyez pouvoir faire votre saint. QUINZIÈME LETTRE 143 hardiesse ; comme entre autres dans vos thèses de Lou- vain de Tannée 4645, en ces termes : Ce n'est qu'un péché véniel de calomnier et d'imposer de faux crimes pour ruiner de créance ceux qui parlent mal de nous.^ Quidni non nisi veniale sit, detrahentis auctoritatem magnam, iibi noxiam, falso crimine elidere ? Et cette doctrine est si constante parmi vous, que quiconque rose attaquer, vous le traitez d'ignorant et de téméraire. C'est ce qu'a éprouvé depuis peu le Père Quiroga, capucin allemand, lorsqu'il voulut s'y opposer. Car votre Père Dicastillus l'entreprit incontinent , et il parle de cette [dispute en c6s termes, de Just,^ 1. 2, tr. 2, disp. 12, n. 404 : Un certain religieux gi^ave^ pied-nu et en- capuchonné ^ cucullatus gymnopoda^ que je ne nomme point , eut la témérité de décrier cette opinion parmi des femmes et des ignorants , et de dire qu'elle était pernicieuse et scandaleuse^ contre les bonnes mœurs^ contre la paix des Etats et des sociétés , et enfin con- tî^aire non seulement à tous les docteurs catholiques ^ mais à tous ceux qui peuvent être catholiques. Mais je lui ai soutenu , comme je soutiens encore , que la ca- lomnie^ lorsqu'on en use contre un calomniateur ^ quoi- qu'elle soit un mensonge y n'est point néanmoins un péché mortel f ni contre la justice^ ni contre la charité; et y pour le prouver ^ je lui ai fourni en foule nos Pères et les universités entières qui en sont- composées j que j'ai tous consultés^ et^ entre autres, le Révérend Père Jean G ans , confesseur de l'empereur; le Révérend Père Daniel Bastèle , confesseur de l'archiduc Léopold ; le Père Henry y qui a été précepteur de ces deux princes ; tous les professeurs publics et ordinaires de l'université de Vienne (toute composée de Jésuites) ; fous les prof es^ seurs de V université de Gratz (toute de Jésuites), tous les professeurs de l'université de Prague (dont les Je- 144 LETTRES PROVINCIALES suites sont les maîtres) : de tous lesquels fai en main les approbations de mon opinion y écrites et signées de leur main : outre que fai encore pour moi le Père de Pennalossa (Jésuite), prédicateur de V empereur et du roi d'Espagne; le Père Pillicerolli (Jésuite), et bien d* autres, qui avaient tous jugé cette opinion probable avant notre dispute. Vous voyez bien, mes Pères, qu'il y a peu d'opinions que vous ayez pris si à tâche d'é- tablir, comme il y en avait peu dont vous eussiez tant de besoin. Et c'est pourquoi vous l'avez tellement au- torisée, que les casuistes s'en servent comme d'un prin- cipe mAnhii^hXQ: Il est constant, dit Garamuel, n. 4151, que c^est une opinion probable qu'il n'y a point de péché mortel à calomnier faussement pour conserver son honneur ; car elle est soutenue par plus de vingt doc- teurs graves, par Gaspard Hurtado et Dicastillus, Jésuites, etc.; de sorte que, si cette, doctrine n'était pro- bable, à peine y en aurait-il aucune qui le fût en toute la théologie. théologie abominable, et si corrompue en tous ses chefs , que s'il n'était probable/ et sûr en conscience qu'on peut calomnier sans crime pour conserver son honneur, à peine y aurait-il aucune de ses décisions qui le fût M Qu'il est vraisemblable, mes Pères, que ceux qui tiennent ce principe le mettent quelquefois en pratique ! L'inclination corrompue des hommes s'y porte d'elle-même avec tant d'impétuosité, qu'il est incroyable qu'en levant l'obstacle de la conscience, elle ne se ré- pande avec toute sa véhémence naturelle. En voulez- vous un exemple ? Garamuel vous le donnera au même lieu. Cette maxime, dit-il, du Père Dicastillus^ Jésuite, \. Que si, selon vos maximes^ il n'était probable. 2. Qui fût telle. QUINZIÈME LETTRE 145 touchant la calomnie, ayant été enseignée par une com- tesse d'Allemagne aux filles de V impératrice ^ la créance qu'elles eurent de ne pécher au plus que véniellement par des calomnies en fit tant naître en peu de jours, et tant de médisances y et tant de faux rapports, que cela mit toute la cour en combustion et en alarme. Car.il est aisé de sHmaginer Vusage qu'elles en surent faire : de sorte que, pour apaiser ce tumulte, on fut obligé d'appeler un bon Père Capucin d'une vie exemplaire, nommé le Père Quiroga (et ce fut sur quoi le Père Di- castillus le querella tant), qui vint leur déclarer que cette maxime était très pernicieuse, principalement parmi des femmes *; et il eut un soin particulier de faire que l'impératrice en abolit tout à fait Vusage. On ne doit pas être surpris des mauvais effets que causa celte doctrine. Il faudrait admirer au contraire qu'elle ne produisît pas cette licence. L'amour-propre nous persuade toujours assez que c'est avec injustice qu'on nous attaque; et à vous principalement, mes Pères, que la vanité aveugle de telle sorte que vous voulez faire croire en tous vos écrits que c'est blesser l'honneur de l'Église que de blesser celui de votre Société. Et ainsi, mes Pères, il y auraitlieude trouver étrange que vous ne missiez* cette maxime en pratique. Car il ne faut plus dire de vous, comme font ceux qui ne vous connaissent pas : Gomment voudraient-ils ' calomnier leurs ennemis, puisqu'ils ne le pourraient faire que par la perte de leur salut ? Mais il faut dire au contraire : Gomment voudraient-ils * perdre l'avantage de décrier leurs en- nemis, puisqu'ils le peuvent faire sans hasarder leur 1. Parmi les femmes. 2. Que "VOUS ne missiez pas. 3. Comment ces bons Pères voudraient-ils. 4. Comment ces bons Pères voudraient-ils. II. 9 146 LETTRES PROVINCIALES salut? Qu'on ne s'étonne donc plus de voir les Jésuites calomniateurs : ils le sont .en sûreté de conscience, et rien ne les en peut empêcher; puisque, par la crédit qu'ils ont dans le monde, ils peuvent calomnier sans craindre la justice des hommes, et que, par celui qu'ils se sont donné sur les cas de conscience, ils ont établi des maximes pour le pouvoir faire sans craindre la jus- tice de Dieu. Voilà, mes Pères, la source d'où naissent tant de noires impostures. Voilà ce qui en a fait répandre à votre Père Brisacier, jusqu'à s'attirer la censure de feu M. l'archevêque de Paris. Voilà ce qui a porté votre Père d'Anjou à décrier en pleine chaire], dans l'Église de Saint-Benoît ', le 8 mars 1655 , les personnes de qualité qui recevaient les aumônes pour les pauvres de Picardie et de Champagne, auxquelles ils contribuaient tant eux-mêmes ; et de dire * par un mensonge horrible et capable de faire tarir ces charités, si on eût eu quelque créance en vos impostures, qu'il savait de science certaine que ces personnes avaient détourné cet argent pour l'employer contre V Eglise et contre VElat: ce qui obligea le curé de cette paroisse , qui est un docteur de Sorbonne, de monter le lendemain en chaire pour démentir ces calomnies. C'est par ce même prin- cipe que votre Père Grasset a tant prêché d'impostures dans Orléans, qu'il a fallu que M. l'évêque d'Orléans l'ait interdit comme un imposteur public, par son man- dement du 9 sept. ' , où il déclare qu'il défend à Frère Jean Grasset^ prêtre de la compagnie de Jésus, de prêcher dans son diocèse , et à tout son peuple de V ouïr y sous peine de se rendre coupable d'une désobéis^ 1. De Saint-Benoît, à Paria. 2. Et à dire. 3. Du 9 septembre dernier. QUINZIÈME LETTRE 147 sance mortelle^ sur ce qu*il a appris que le dit Çrasset avait fait un discours en chaire rempli de faussetés et de calomnies contre les ecclésiastiques de cette ville, leur imposant faussement et malicieusement quHls sou- tenaient ces propositions hérétiques et impies : Que les commandements de Dieu sont impossibles; que jamais on ne résiste à la grâce intérieure ; et que Jésus-Christ n'est pas mort pour tous les hommes ; et autres sembla-- blés, condamnées par Innocent X. Car c'est là, mes Pères, votre imposture ordinaire, et k première que vous reprochez à tous ceux qu'il vous est important de dé- crier. Et, quoiqu'il vous soit aussi impossible de le prou- ver de qui que ce soit , qu'à votre Père Grasset de ces ecclésiastiques d'Orléans, votre conscience néanmoins demeure en repos, parce que vous croyez que cette manière de calomnier ceux qui vous attaquent est si certainement permise, que vous ne craignez point de le déclarer publiquement et à la vue de toute une ville. En voici un insigne témoignage dans le démêlé que vous eûtes avec avec M. Puys, curé de Saint-Nizier, à Lyon : et comme cette histoire marque parfaitement votre esprit, j'en rapporterai les principales circons- tances. Vous savez, mes Pères, qu'en 1649, M. Puys traduisit en français un excellent livre d'un autre Capucin * , touchant le devoir des chrétiens à leur paroisse, contre ceux qui les en détournent, sans user d'aucune invective, et sans désigner aucun religieux ni aucun ordre en particulier. Vos Pères néanmoins prirent cela pour eux; et, sans avoir aucun respect pour un ancien pasteur, juge en la primatie de France et honoré de toute la ville, votre Père AJby fit un Uvre sanglant contre lui, que vous vendîtes vous-mêmes 1. D'un autre Père Capucin. 148 LETTRES PROVINCIALES dans votre propre église le jour de TAssomption , où il Taccusait de plusieurs choses, et entre autres de s'être rendu scandaleux par ses galanteries, et d'être suspect d'impiété^ d'être hérétique, excommunié, et enfin digne du feu. A cela M. Puys répondit, et le Père Alby sou- tint, par un second livre, ses premières accusations. N'est-il donc pas vrai, mes Pères , ou que vous étiez des calomniateurs, ou que vous croyiez tout cela de ce bon prêtre? et qu'ainsi il fallait que vous le vissiez hors de ses erreurs pour le juger digne de votre ami- tic ? Écoutez donc ce qui se passa dans raccommode- ment qui fut fait en présence d'un grand nombre des premières personnes de la ville , dont les noms sont au bas de cette page * , comme ils sont marqués dans Tacte qui en fut dressé le 25 sept. 1650. Ce fut en présence de tout ce monde que M. Puys ne fit autre chose que déclarer Que ce qu'il avait écrit ne s'adres- sait point aux Pères Jésuites : qu'il avait parlé en général contre ceux qui éloignent les fidèles des pa- roisses^ sans avoir pensée d'attaquer la Société, et qu'au contraire il l'honorait avec amour. Par ces seules paroles , il revint de son apostasie, de ses scan- dales et de son excommunication, sans rétractation et sans absolution ; et le Père Alby lui dit ensuite ces propres paroles : Monsieur , la créance que j'ai eue que vous attaquiez la compagnie dont j'ai Vhonneur d'être * M. de Ville, vicaire général de M. le cardinal de Lyon; M. Scarron, chanoine et curé de Saint-Paul ; M. Margat, chantre ; MM. Bouvaud^ Sève, Aubert et Dervieu , chanoines de Saint- Nizier ; M. du Gué, président des trésoriers de France ; M. Gros- lier, prévôt des marchands ; M. de Fléchère, président et lieute- nant général ; MM. de Boissat, de Saint-Romain et de Bartoly, gentilshommes ; M. Bourgeois, premier avocat du roi au bureau des trésoriers de France; MM. de Cotton père et fils; M. Bo- niel; qui ont tous signé à Toriginal de la déclaration, avec M. Puys et le Père Alby. QUINZIÈME LETTRE 149 m'rt fait prendre la plume pour y répondre; et fai cru que la manière dont fai usé m'était permise. Mais^ connaissant mieux votre intention, je viens vous dé- clarer qu'il n'y a plus rien qui me puisse empêcher de vous tenir pour un homme d'esprit, très éclairé, de doc- trine profonde et orthodoxe, de moeurs irrépréhensibles , et, en un mot , pour digne pasteur de votre Eglise, C'est une déclaration que je fais avec joie, et je prie ces messieurs de s'en souvenir. Ils s'en sont souvenus, mes Pères ; et on fut plus scandalisé de la réconciliation que de la querelle. Car qui n'admirerait ce discours du Père Alby ? Il ne dit pas qu'il vient se rétracter, parce qu'il a appris le chan- gement des mœurs et de la doctrine de M. Puys; mais seulement parce que, connaissant que son intention n'a pas été d'attaquer votre compagnie, il n'y a plus rien qui l'empêche de le tenir pour catholique. Il ne croyait donc pas qu'il fût hérétique en effet? Et néan- moins, après l'en avoir accusé contre sa connaissance, il ne déclare pas qu'il a failli ; mais il ose dire *, au con- traire, qu'il croit que la manière dont il en a usé lui était permise, A quoi songez-vous, mes Pères, de témoigner ainsi publiquement que vous ne mesurez la foi et la vertu des hommes que par l'intention ' qu'ils ont pour votre Société ? Comment n'avez-vous point appréhendé de vous faire passer vous-mêmes, et par votre propre aveu, pour des imposteurs et des calomniateurs ? Quoi I mes Pères, un même homme, sans qu'il se passe aucun changement en lui, selon que vous croyez qu'il ho- nore ou qu'il attaque votre compagnie , sera pieux ou 1. Et il ose dire. 2. Par les sentiments. 452 LETTRES. PROVINCIALES En vérité, mes Pères, voilà le moyen de vous faire croire jusqu'à ce qu'on vous réponde ; mais c'est aussi le moyen de faire qu'on ne vous croie jamais plus, après qu'on vous aura répondu. Car il est si vrai que vous mentiez alors , que vous ne faites aujourd'hui aucune difficulté de reconnaître, dans vos réponses , que cette maxime est dans le Père Bauny , au lieu même qu'on avait cité : et ce qui est admirable , c'est qu'au lieu qu'elle était détestable il y "a 12 ans, elle est maintenant si innocente que, dans votre 9^ Imposture, p. 10, vous m'accusez d*ignorance et de malice, de quereller le Père Bauny sur une opinion qui n'est point rejetée dans Vécole. Qu'il est avantageux, mes Pères, d'avoir affaire à ces gens qui disent le pour et le contre ! Je n'ai besoin que de vous-mêmes pour vous confondre. Car je n'ai à montrer que deux choses : Tune, que cette maxime ne vaut rien ; l'autre, qu'elle est du Père Bau- ny ; et je prouverai l'une et l'autre par votre propre con- fession. En 1644, vous avez reconnu qu'elle est détes- table, et, en 1656, vous avouez qu'elle est du Père Bauny c Cette double reconnaissance me justifie assez, mes Pères. Mais elle fait plus, elle découvre l'esprit de votre politique. Car, dites-moi, je vous prie , quel est le but que vous vous proposez dans vos écrits ? Est-ce de parler avec sincérité? Non, mes Pères, puisque vos réponses s'entre-détruisent. Est-ce de suivre la vérité de la foi ? Aussi peu , puisque vous autorisez une maxime qui q^X détestable selon vous-mêmes. Mais considérons que, quand vous avez dit que cette maxime est détestable , vous avez nié en même temps qu'elle fût du Père Bauny ; et ainsi il était innocent : et quand vous avouez qu'elle est de lui, vous soutenez en même temps qu'elle est bonne; et ainsi il est innocent encore. De sorte que , l'innocence de ce Père étant la seule QUINZIÈME LETTRE 153 chose commune à vos deux réponses, il est visible que c'est aussi la seule chose que vous y recherchez, et que vous n'avez pour objet que la défense de vos Pères, en disant d'une même maxime qu'elle est dans vos livres et qu'elle n'y est pas ; qu'elle est bonne et qu'elle est mauvaise : non pas selon la vérité, qui ne change jamais, mais selon votre intérêt, qui change à toute heure. Que ne pourrais-je vous dire là-dessus? car vous voyez bien que cela est convaincant. Cependant cela vous est tout ordinaire '. Et pour en omettre une infinité d'exemples, je crois que vous vous contenterez que je vous eji rapporte encore un. On vous a reproché en divers temps une autre pro- position du même Père Bauny, tr. 4, quest. 22, p. 100: On ne doit dénier ni refuser* [^absolution à ceux qui sont dans les habitudes de crimes contre la loi de Dieu^ de la nature^ et de l'Eglise, encore qu^on n'y voie aucune espérance d'amendement : etsi emendationis futurœ spes nulla appareat. Je vous prie sur cela, mes Pères, de me dire lequel y aie mieux répondu, selon votre goût,oudevotrePèrePintereau,ou de votre Père Brisa- cier, qui défendent lePère Bauny en vos deux manières: l'un en condamnant cette proposition, mais en désavouant aussiqu'ellesoitduPèreBauny;rautre en avouant qu'elle est du Père Bauny, mais en la justifiant en même temps. Écoutez-les donc discourir. Yoici le Père Pintereau, p. 48 : Qu'appelle-t-on franchir les bornes de toute pu- deur, et passer au delà de toute impudence, sinon d'im- poser au Père Bauny , comme une chose avéï^ée, une si damnable doctrine ? Jugez, lecteur, de l'indignité de cette calomnie, et voyez à qui les Jésuites ont affaire, 1. Cependant rien ne vous est plus ordinaire. 2. Ni di£férer. 3. De nature. 9. 154 LETTRES PROVINCIALES et si V auteur d'une si noire supposition ne doit pas pas- ser désormais pour le truchement du père des men- songes? Et voici maintenant votre Père Brisacier, 4® p., pag. 21 : En effet, le Père Bauny dit ce que vous rap- portez. C'est démentir le Père Pintereau bien nettement. Mais, ajonte-t-il pour justifier le Père Bauny, vous qui reprenez cela^ attendez, quand un pénitent sera à vos pieds, que son ange gardien hypothèque tous les droits qu'il a au ciel pour être sa caution : attendez que Dieu le Père jure pars^son chef que David a menti, quand il a dit, par le Saint-Esprit, que tout homme est men- teur , troTnpeur et fragile ; et que ce pénitent ne soit plus menteur, fragile, changeant ni pécheur comme les autres ; et vous n'appliquerez le sang de Jésus-Christ sur personne. Que vous semble-t-il, mes Pères, de ces expressions extravagantes et impies, que, s'il fallait attendre qu'il y eût quelque espérance d'amendement ànnsles pécheurs pour les absoudre, il faudrait B.itendve que Dieu le Père jurât par son chef qu'ils ne tomberaient jamais plus? Quoi ! mes Pères, n'y a-t-il point de différence entre Vespérance et la certitude ? Quelle injure est-ce faire à la grâce de Jésus-Christ de dire qu'il est si peu possible que les chrétiens sortent jamais des crimes contre la loi de Dieu, de la nature* et de l'Église , qu'on ne pourrait l'espérer sans que le Saint-Esprit eût menti: de sorte que, selon vous, si on ne donnait l'abso- lution à ceux dont on n'espère aucun amendement, \e sang de Jésus-Cîhrist demeurerait inutile , et on ne Vappli-^ querait ja.mais sur personne/ A quel état, mes Pères, vous réduit le désir immodéré de conserver la gloire de vos auteurs, puisque vous ne trouvez que deux 1. De natcire. QUINZIÈME LETTRE 155 voies pour les justifier , l'imposture ou Timpiété ; et qu'ainsi la plus innocente manière de vous défendre est de désavouer hardiment les choses les plus évi- dentes ! De là vient que vous en usez si souvent. Mais ce n'est pas encore là tout ce que vous savez faire. Vous forgez des écrits pour rendre vos ennemis odieux , comme la Lettre d'un ministre à M, Amauld, que vous débitâtes dans tout Paris," pour faire croire que le livre de la Fréquente Communion, approuvé par tant de doc- teurs ettantd'évêques*, mais qui, à la vérité, vous était un peu contraire, avait était fait par une intelligence secrète avec les ministres de Gharenton. Vous attribuez d'autres fois à vos adversaires des écrits pleins d'im- piété, comme la Lettre circulaire des Jansénistes, dont le style impertinent rend cette fourbe trop grossière , et découvre trop clairement la malice ridicule de votre Père Meynier, qui ose s'en servir, page 28, pour appuyer ses plus noires impostures. Vous citez quelquefois des livres qui ne furent jamais au monde, comme les Cons- titutions du Saint'Sacrement, d'où vous rapportez des passages que vous fabriquez à plaisir et qui font dres- ser les cheveux à la tête des simples, qui ne savent pas quelle est votre hardiesse à inventer et publier les men- songes : car il n'y a sorte de calomnie que vous n'ayez- mise en usage. Jamais la maxime qui l'excuse ne pou- vait être en meilleures mains ". Mais celles-là sont trop aisées à détruire ; et c'est pourquoi vous en avez de plus subtiles, où vous ne particularisez rien, afin d'ôter toute prise et tout moyen d'y répondre ; comme quand le Père Brisacier dit que 1. Partant d'évêques et tant de docteurs. 2. En meiUeure main. i 456 LETTRES PROVINCIALES ses ennemis commettent des crimes abominables, mais qu'il ne les veut pas rapporter. Ne semble-t-il pas qu'on ne peut convaincre d'imposture un reproche si indéter- miné ? Mais néanmoins un habile homme * en a trouvé le secret, et c'est encore un Capucin, mes Pères. Vous êtes aujourd'hui malheureux en Capucins, et je prévois qu'une autrefois vous le pourriez bien être en Bénédic- tins. Ce Capucin s'appelle le Père Valérien, de la maison des comtes de Magnis. Vous apprendrez par cette pe- tite histoire comment il répondit à vos calomnies.il avait het^reusement réussi à la conversion du landgrave de Darmstat*. Mais vos Pères, comme s'ils eussent eu quelque peine de voir convertir un prince souverain sans les y appeler, firent incontinent un livre contre lui (car vous persécutez les gens de bien partout), où, falsifiant un de ses passages, ils lui imputent une doc- trine hérétique. Et certes vous aviez grand tort , car il n'avait pas attaqué votre compagnie'. Ils firent aussi courir une lettre contre lui , où ils lui disaient : que nous avons de choses à découvrir^ sans dire quoi, dont vous serez bien affligé/ Car y si vous n'y donnez ordre, nous serons obligés d'en avertir le pape et les cardinaux. Cela n'est pas maladroit; et je ne doute point, mes Pères, que vous ne leur parliez ainsi de moi : mais prenez garde de quelle sorte il y répond dans son livre imprimé à Prague l'année dernière, pag. 112 et suiv. Que ferai-je, dit-il, contre ces injures vagues et indéterminées? Comment convaincrai-je des reproches qu'on n'explique point ? En voici néanmoins le moyen. C'est que je déclare hautement et publiquement à ceux qui me menacent, 1. Un habile homme néanmoins. 2. Du prince Ernest, landgrave de Hesse-Rheînfeld. 3. Phrase supprimée. QUINZIÈME LETTRE 157 que ce sont des imposteurs insignes, et de très habiles et de très impudents menteurs \ s'ils ne découvrent ces crimes à toute la terre, Paraissez-donc, mes accusateurs, et publiez ces choses sur les toits, au lieu que vous les avez dites à V oreille, et que vous avez menti en assu- rance en les disant à Voreille, Il y en a qui s'imaginent que ces disputes sont scandaleuses. Il est vrai que c'est exciter un scandale horrible que de m'imputer un crime tel que V hérésie, et de me rendre suspect de plu- sieurs autres. Mais je ne fais que remédier à ce scan- dale en soutenant mon innocence. En vérité, mes Pères, vous voilà malmenés, et ja- mais homme n'a été mieux justifié. Car il a fallu que les moindres apparences de crime vous aient manqué contre lui, puisque vous n'avez point répondu à un tel défi. Vous avez quelquefois de fâcheuses rencontres à essuyer^ mais cela ne vous rend pas plus sages. Car, quelque temps après , vous l'attaquâtes encore de la même sorte sur un autre sujet, et il se défendit aussi de môme p. iol, en ces termes : Ce genre d'hommes, qui se rend insupportable à toute la chrétienté, aspire, sous le prétexte des bonnes œuvres , aux grandeurs et à la domination, en détournant à leurs fins presque toutes les lois divines, humaines , positives et naturelles. Ils attirent, ou par leur doctrine, ou par crainte , ou par espérance^ tous les grands de la terre, de l'autorité desquels ils abusent pour faire réussir leurs détestables intrigues. Mais leurs attentats , quoique si criminels, ne sont ni punis ni an^êtés : ils sont récompensés au contraire, et ils les commettent avec la même hardiesse que s'ils rendaient un service à Dieu, Tout le monde le reconnaît, tout le monde en parle avec exécration ; i. De très habiles et très impudents. 158 LETTRES PROVINCIALES mais il y en a peu qui soient capables de s'opposer à une si puissante tyrannie. C'est ce que fai fait néan- moins. J'ai arrêté leur impudence y et je V arrêterai en^ core par le même moyen. Je déclare donc qu'ils ont menti très impudemment^ mentiri impudentissime. Si les choses qu'ils m'ont reprochées sont véritables ^ qu'ils les prouvent donc % ou qu'ils passent pour convaincus d'un mensonge plein d'impudence, Leur procédé sur cela découvrira qui a raison. Je prie tout le monde de r ob- server, etderemarquer cependant que ce gewe d'hommes, qui ne souffrent pas la moindre des injures qu'ils peuvent repousser y font semblant de souffrir très patiem- ment celles dont ils ne se peuvent défendre , et couvrent d'une fausse vertu leur véritable ixnpuissance. C'est pourquoi j'ai voulu irriter plus vivement leur pudeur, afin que les plus grossie?'s reconnaissent que, s'ils se taisent, leur patience ne sera pas un effet de leur dou- ceur ^ mais du trouble de leur conscience. Voilà ce qu'il dit, mes Pères. Et il finit ainsi : Ces gens-là, dont on sait les histoires par tout le monde, sont si évidemment injustes et si insolents dans leur impunité, qu'il faudrait que j'eusse renoncé à Jésus- Christ et à son Eglise, si je ne détestais leur conduite^ et même publiquement , autant pour me justifier que pour empêcher les simples d'en être séduits. Mes révérends Pères, il n'y a plus moyen de reculer. Il faut passer pour des calomniateurs convaincus et recourir à votre maxime, que cette sorte de calomnie n'est pas un crime. Ce Père a trouvé le secret de vous fermer la bouche : c'est ainsi qu'il faut faire toutes les fois que vous accusez les gens sans preuves. On n'a qu'à répondre àchacun devouscomme le Père Capucin, 1. Qu'ils les prouvent ou. QUINZIÈME LETTRE 159 mentiris impudentissime, «Car que répondrait-on autre chose, quand votre Père Brisacier dit, par exemple, que ceux contre qui il écrit sont des portes d* enfer, des pontifes du diable , des gens déchus de la foi, de l'espérance et de la charité, qui bâtissent le trésor de r Antéchrist ? Ce que je ne dis pas , ajoute-t-il^ par forme d'injure^ mais par la force de la vérité, S'arau- serait-on à prouver qu'on n'est pas porte d'enfer, et qu'on ne bâtit pas le trésor de V Antéchrist ? Que doit-on répondre de même à tous les discours vagues de cette sorte, qui sont dans vos livres et dans vos Avertissements sur mes Lettres ? par exemple : Qu'on s'applique les restitutions, en réduisant les créan- ciers dans la pauvreté; Qu'on a offert des sacs d'argent à de savants religieux, qui les ont refusés; Qu'on donne des bénéfices pour faire semer des hérésies contre la foi; Quon a des pensionnaires parmi les plus illustres ecclésiastiques et dans les cours souveraines ; Que je suis aussi pensionnaire de Port-Royal, et que je faisais des romans avant mes Lettres, moi qui n'en ai jamais lu aucun, et qui ne sais pas seulement le nom de ceux qu'a faits votre apologiste? Qu'y a-t-il à dire à tout cela, mes Pères, sinon: Mentiris impudentissime, si vous ne marquez toutes ces personnes, leurs paroles, le temps, le lieu? Car il faut se taire, ou rapporter et prouver toutes les circonstances, comme je fais quand je vous conte les histoires de Jean d'Alba et du Père Alby *. Autrement, vous ne ferez que vous nuire à vous- mêmes. Toutes ces fables " pouvaient peut-être vous servir avant qu'on sût vos principes ; mais à présent que tout est découvert, quand vous penserez dire 1. Du Père Alby et de Jean d'Alba. 2. Toutes vos fables. à 160 LETTRES PROVINCIALES à Toreille : Qu'an homme d'honneur^ qui désire ca- cher son nom, vous a appris de terribles choses de ces gens'là^ on vous fera souvenir incontinent du mentiris impudentissime du bon Père Capucin. Il n'y a que trop longtemps que vous trompez le monde, et que vous abusez de la créance qu'on avait en vos impostures. Il est temps de rendre la réputation à tant de personnes calomniées. Car quelle innocence peut être si généra- lement reconnue qu'elle ne souffre quelque atteinte par les impostures si hardies d'une compagnie répandue par toute la terre, etqui,sousses habits religieux, couvre des âmes si irréligieuses, qu'ils commettent des crimes tels que la calomnie, non pas contre leurs maximes, mais selon leurs propres maximes ? Ainsi l'on ne me blâmera point d'avoir détruit la créance qu'on pouvait avoir en vous * , puisqu'il est bien plus juste de con- server à tant de personnes que vous avez décriées la réputation de piété qu'ils ne méritent pas de perdre, que de vous laisser la réputation de sincérité que vous ne méritez pas d'avoir. Et comme l'un ne se pouvait faire sans l'autre, combien était-il important de faire entendre qui vous êtes ! C'est ce que j'ai commencé de faire ici, mais il faut bien du temps pour achever. On le verra, mes Pères, toute votre politique ne vous en peut garan- tir, puisque les efforts que vous pourriez faire pour l'empêcher ne serviraient qu'à faire connaître aux moins clairvoyants que vous avez eu peur, et que votre cons- cience vous reprochant ce que j'avais à vous dire,vous avez tout mis en usag3 pour le prévenir. 1. Qu'on pourrait avoir. REMARQUES SUR LA QUINZIÈME PROVINCIALE P. 143. — Aucioritatem magnam tibi noxiam. — Dans Nicole, sibi noxiam. Mais la traduction exacte du texte serait : a de détruire par une fausse accusa- tion Tautorité d'un détracteur, si elle est grande et qu'elle puisse te nuire. » — Le P. Quiroga , Capucin allemand. — Diego de Quiroga, capucin espagnol, mais ayant vécu aussi à la cour d'Autriche, mort en Espagne en 1648, à 82 ans. — Car votre Père Dicasiillus. — Jean de Dicastillo, jé- suite espagnol, né à Naples en 1585, mort à Ingol- stadt en 1653. — Il a écrit : Le justitia et jure, cete- risque virtutibus cardinalibusj Anvers, 1641, in-fol. — Non seulement à tous les docteurs catholiques. — Le texte latin porte : non solum esse contra prœdictam sententiam quotquot catholici sunt , sed [quotquot ense possunt in Ecclesia Dei. Si le texte de Nicole est exact, on ne voit pas bien la difTérence entre ceux qui sont catholiques et ceux qui peuvent l'être. Est-ce pour cela que Pascal a mis : « les docteurs catholi- ques »? en opposition à : tout ce qu'il peut y avoir do catholiques ; car c'est ainsi que je traduirais le quoi- quot esse possunt. — Ni contre la justice^ ni contre la charité. — Pascal ici a fort abrégé. Dans le texte, Dicastillo représente son adversaire, à tort ou raison, comme obligé de convenir, et convenant en effet que la calomnie ainsi employée n'est pas un péché mortel contre la justice. 462 f LETTRES PROVINCIALES mais se rabattant à soutenir qu*il y a péché mortel contre la chanté, ce que lui, Dicastillo, il n'accorde pas davantage. P. 143. — Le Révérend Père Jean Gans, confesseur de V em- pereur. — Le texte nomme Ferdinand III. [L'archiduc Léopold est son frère. Jean Gans, né à Wurtzbourg en 1591, mort à Vienne en 1662. Les PP. Bastèle et Pillicerolli ne figurent pas dans la Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus. — Le Père Henri, qui a été précepteur de ces deux princes, — Je ne sais pourquoi Pascal place ici le P. Henri, qui dans le texte latin ne vient que plus loin. — De Vuniversité de 'Gratz, — On écrit aujourd'hui Graz (Styrie). P. 144. — Outre que fai encore pour moi, — C'est ici qu'on lit dans le texte laiin: Quitus annumerari possunt alii doctores et olim prof essores ; P, Henricus Philippi con- fessarius olim et in re cum philosophica tum theologica eorumdum serenissimorum fratrum magister et profes- sor; P, Ambrosius de Penalossa, etc. Le P. Henri n'est pas mentionné dans la Bibliothèque des écrivaijis de la Compagnie de Jésus, Penalosa, jésuite espagnol, né en 1589, mort en 1656. — Qui avaient tous jugé, — Cette dernière phrase, au contraire, n'est pas dans le texte donné par Nicole, qui semble s'être arrêté dans sa citation plus tôt que Pascal, ou que l'auteur qui avait fourni le passage à Pascal. P. 145. — Aux filles de l'impératrice, — Le texte ajoute : « c'est-à-dire des filles très nobles et très hardies », et quidem virginibus nobilissimis et audacissimis, Quiroga connaissait le monde des cours, car il avait été confesseur de plusieurs princesses, parmi lesquelles l'infante qui devint la femme de Louis XIV (voir les notes au bais des pages des Mémoires du P. Rapiny t. 2, p. 408). — Tant de médisances et tant de faux rapports, — Le QUINZIÈME LETTRE 163 texte ajoute : « Gomme c'est Tordinaire en pareils endroits. » P. 145. — Principalement parmi des femmes,-^ « Surtout, dit le texte, si elles ont de l'esprit et de la hardiesse. » En revanche', je ne trouve pas dans le texte donné par Nicole cette incise : « Que cela mit toute la cour en combustion et en alarme >, ni celle-ci : « Car il est aisé de s'imaginer l'usage qu'elles en surent faire, i — Sans hasarder leur salut, — Pascal ne prend pas garde que par ce raisonnement il semble admettre qu'il serait tout simple de calomnier ses ennemis, si on pouvait le faire sans hasarder son salut. P. 146.— De feu M, Varchevéque de Paris.—- Voir Lettre 11, page 44. — Voilà ce qui a porté votre Père d'Anjou, — Le P. Nouet écrit Banjou; voici comment il s'exprime à ce sujet : {Eesp, aux Lettres prou., p. 408) : « On sait pourquoi... vous attaquez avec tant de violence, tantôt tout le corps et tantôt les particuliers, comme le P. Danjou et le P. Grasset, sans . leur imputer d'autre crime que d'avoir prêché contre le jansénisme, qui est au- jourd'hui si infâme, et que, quelques pei*sonnes ayant cru qu'on les en avait voulu taxer , en ont fait de grandes plaintes, et lorsqu'on leur en a levé le soupçon, elles sont demeurées satisfaites, » Le curé de Saint-Benoît s'appelait Granet. — Que votre Père Grasset. — Jean Grasset, né en 1618, est mort en 1692. Voir cette histoire dans les Mémoires du P. Rapin, t. 2, p. 166. Ges deux Pères ne figurent pas dans la Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, Mais une note de l'édition des Mémoires du P. Rapin dit du dernier : « Ses Considé- rations pour tous les jours de l'année sont un trésor bien connu de toutes les familles encore chré- tiennes. » L'évoque d'Orléans s'appelait Alphonse d'Elbône. Le mandement du 9 septembre 1656 forme m LETTRES PROVINCIALES une pièce de trois pages d'impression, en français ; la Bibliothèque nationale en possède un exemplaire (E 2400, Orléans, 1656, in-4»). P. 146. — Frère Jean Grasset, prêtre , de la Compagnie de Jésus, — Il y a dans le texte : « Frère Jean Grasset, prêtre , religieux de la Compagnie de Jésus. » Ici encore Pascal fait une citation fidèle , mais non litté- rale. P. 147. — Que vous eûtes avec M. Puys. — Benoît Puys, ora- toricn, puis curé de Saint-Nizier à Lyon. Henri Alby ou Albi, de la Société de Jésus, né en 1590, est mort en 1659. Il est question de cette querelle dans les Mémoires du P, Rapin, t. 2, p. 409 (voir les notes au bas de cette page). Le livre de Benoît Puys s'appelait le Théophile paroissial : il n'était pas réellement traduit du latin. Le P. Alby répondit par V Anti-Théophile paroissiaL Puys écrivit à son tour une Response à un libelle anonyme, honteux et diffa- matoire, et le P. Alby répliqua pat V Apologie pour r Anti-Théophile paroissial ; tous ces écrits sont de la même année. Dans ce dernier, le P. Alby ap- pliquait à M. Puys, à cause de son nom, ce verset de la Vulgate : Quamohrem nomen putei, ex eo quod acciderat, vocavit calumniam. Gen., xxvi, 20. — D'un autre Capucin. — C'est-à-dire, autre que le P. Quiroga, dont il a été parlé tout à l'heure. P. 148 (en note).— JDe M, le cardinal de Lyon. — En général, on désignait les cardinaux par leur nom propre, et lion par celui de leur évèché. Mais le cardinal arche- vêque de Lyon était alors un Richelieu, frère aîné du grand Richelieu ; il dut s'appeler cardinal de Lyon, pour se distinguer de son frère, qui avait été fait cardinal avant lui. P. 149. — De mœurs irrépréhensibles. — Il est curieux de rapprocher de cette déclaration les venimeuses insi- nuations de V Anti-Théophile. Il y était dit à la page 80, à propos d'une sortie de Benoît Puys contre cer- QUINZIÈME LETTRE 165 taines congrégations de femmes, que sa passion à ce sujet « est un rejeton de celle qu'il nourrit contre les jésuites, qui gouvernent ces congrégations... 11 a conçu contre eux cette haine sur l'opinion qu'il a prise, sans fondement, comme je Tai appris d'eux, qu'ils avaient travaillé activement à lui faire dé- fendre par ses supérieurs de continuer une congré- gation de femmes qu'il avait établie de son autorité dans sa paroisse, qui faisaient, à ce que Ton dit, les préludes de leurs entretiens dans sa chambre, qu'ils achevaient après dans une chapelle qu'il avait destinée pour cela dans l'église, où je me veux figurer qu'il se pratiquait de saints exercices de piété sous ses instructions, si ce n'est qu'il avait été remarqué, par quelques curieux qui trouvent à redire aux choses les plus saintes, qu'il s'y était quelquefois entretenu avec goût des yeux mourants, et qu'il était à craindre que le sens ne s'y mél&t subtilement à l'esprit... » Ailleurs, au lieu de le reconnaître pour orthodoxe, il l'appelle schismatique (p. 97], et lui impose (p. 91) de « donner cours, autant qu'il peut, à des erreurs du temps et à des nouveautés décriées ». Ce qui a dû coûter le moins au P. Alby, est de re- connaître Vesprit de Benoît Puys, car il l'avait con- fessé dans son pamphlet en ces termes (p. 90) : • C'est merveille qu'un homme qui pouvait employer à la gloire de Dieu quelque peu de talent qu'il lui a donné », et un peu après : c les petits éclairs d'esprit qu'il a ». Mais il se dédommageait aux dépens d'une pièce de vers français contre les moines que Puys avait mise en tête de son livre : « Je me veux figurer que notre traducteur a em- prunté pour cette poésie une plume étrangère; encore que quand elle serait de lui, je ne prendrais pas pour cela meilleure opinion de sa suffisance, ces vers étant les plus fichus qui aient paru de long- 166 LETTRES PROVINCIALES temps, dans lesquels on trouve une hérésie, cinq solécismes contre la grammaire et dix-sept fausses rimes... Il est aisé de voir que ce poét&tre est un apprenti de métier, qui a voulu contrefaire l'air des bons poètes du temps ; mais il lui est arrivé qu'en imitant la voix et l'harmonie du rossignol, il est tombé au chant du coucou. » — Ce dernier mot est orthographié tout autrement que je ne le donne : voir Littré au mot coucou et à un autre mot. P. 160. — Ni marque ni vestige dans vos livres* — Voir plus bas. P. 151. — A la neuvième de vos Impostures, — Sur les occa- sions de pécher. Voir Lettre 5, t. 1 , page 94. — Ily a dix à douze ans qu'on vous reprocha. — Dans la Théologie morale des jésuites, ouvrage anonyme d'Arnauld. — Et votre P. Pintereau. — Voir Lettre iO, page 12. — Imposé au Père Bauny* — C'est-à-dire qu'on lui au* rait imputé cela à tort. Le Dictionnaire de l'Acadé- mie dit : « Ce sens a vieilli. » P. 153. — On ne doit dénier ni refuser. — Dénier et refuser ^ c'est la môme chose î il n'y a qu'un mot dans le texte latin, non est neganda. On a corrigé depuis t < dénier ni différer * . P. 155. — La malice ridicule de votre Père Afeymer.— Bernard Meynier, né à Clermont-Ferrand en 1605, prêchait encore en 1676^ vingt ans après les Provinciales. Il avait écrit i Le Port-Royal et Genève d'intelligence contre le très saint sacrement de l'autel, dans leurs livres et particulièrement dans les équivoques de Var- ticle XV de la Seconde partie de la seconde Lettre de M. Arriauldy quoiquHl y prétende faire passer pour une horrible imposture cette inteUig'ence. Poitiers et Parisj 1656, in-4% 113 pages, sans la Préface. Voir plus loin la Lettré 16. P. 156. — Vous le pourriez bien être en Bénédictins. — A la fm de la Lettre 16, Pascal dit encore : « Je ne sais..,« QUINZIEME LETTRE 167 si le monde ne dira pas que vous avez eu peur des Bénédictins. » Et Nicole, à la septième page du prœ- loquium de ses Provinciales latines : Nec obscure tota sancti Benedicti et sancti Dominiez familia ac congre- gcUionis Oratorli presbyteri, quam ab istis sententiis alieni sint passim significant. Les bénédictins prépa- raient donc une démonstration contre les jésuites, ou même ils en avaient déjà fait quelqu'une, mais je ne puis dire laquelle. P. 156. — Du landgrave de Darmstat, — C'est une faute qui a été corrigée dans les réimpressions. Il s'agit du prince Ernest, fils du landgrave de Hesse-Rhein- feld, qui entretenait avec Arnauld une correspon- dance suivie. Voir Sainte-Beuve, Port-Royal, liwve VI, passim. On trouvera sa généalogie dans une lettre d' Arnauld du 22 août 1686, tome 2 de ses œuvres. — Sans les y appeler. — Sans qu'on les y ait ap- pelés. — Que ferai -je, dit4l. — Tout ce morceau est peu exactement traduit ; voici le véritable discours du capucin : c Par quelle pratique ôterai-je toute auto^ rite à ceux qui m'ont noirci ? Je suis mal à l'aise de tous côtés ; jene connais pas les personnages ^ mais je sais que ces gens-là sont d'insignes intri- gants. Faut-il me taire ? Je sais ce que je ferai ; je les mettrai à la question ; je les placerai sur le chevalet, où leur honneur sera à la gêne, s'ils n'ar- ticulent pas et ne découvrent pas à toute la terre les infamies qu'ils m'imputent. Paraissez donc, in- trigants, parlez et criez sur les toits ce que vous avez dit à l'oreille^ et qui n'est que mensonge. Il y en a qui pensent que ces querelles sont un scan- dale pour les catholiques j sans parler des héré- tiques ; et je suis tout à fait de cet avis. C'a été un scandale d'imputer une doctrine hérétique à de!s capucins ; c'est un scandale de faire présumer Valé- rien coupable de tant de crimes. Ce scandale, je i 168 LETTRES PHOVINGIALES Tarrôterai parle chevalet et la torture que je viens de dire. » P. 167. — A toute la chrétienté, — Le texte ajoute : t mais né surtout pour la ruine des veuves. » — Que s'ils rendaient un service à Dieu. — Pascal a passé ici cette phrase : ignoro an involvant atheis- mum potius quam hœresim]t phrase obscure, mais qui paraît vouloir dire qu'au fond ces gens-là sont des athées, pis que des hérétiques. P. 158. — Je déclare donc qu'ils ont menti.— Le texte porte : « Je dis donc que les auteurs de cet écrit, publié avec les formes d'un acte produit en justice, men- tent impudemment. » — Qu^ils le prouvent. — Le texte dît plus fortement ; a Ils ne manquent pas de tribunaux où ils peuvent m'accuser ; s'ils n'osent m'y traduire, que leur im- pudent mensonge demeure, établi. » — Leur véritable impuissance. — Le texte ajoute : « Ils se persuadent que l'accusation qu'on porte contre eux, s'ils la méprisent, s'oubliera, tandis que la vérité en éclatera s'ils se fâchent. > — Mais le trouble de leur conscience. — Le texte ajoute: « De leur conscience reculant devant leur crime, leur infamie, leur châtiment. » Il me semble que je devais au P. Valérien de rétablir son texte dans son énergie. Plusieurs éditions écrivent dans cette page, men- tiris impudentissimCy mais le texte est bien mentiri. C'est plus loin que Pascal dit en son propre nom aux Révérends Pères : « On n'a qu'à répondre à chacun de vous, comme le Père capucin, mentiris impuden- tissime. » -— Les simples d'en être séduits. — Nicole donne une phrase de plus : « Que ceux qui pensent autre- ment me donnent une lumière aux rayons de la- quelle je puis se arriver à bien penser de ces gens- là, sans blesser la foi chrétienne. » QUINZIÈME LETTRE 16» P. 169. — Et que je faisais des romans, — Je ne sais où les jésuites avaient avancé cela : pour le reste, voiries Avertissements placés à la suite des seconde, troi- sième et cinquième Impostures. On n'y trouvera d'aille.urs que des imputations vagues, où ils n'arti- culent aucun nom ni aucune particularité, et où ils ne procèdent que par des tours tels que ceux-ci (p. H2) : « On sait de bonne part que les jansénis- tes ont voulu corrompre par argent de savants reli- gieux docteurs de Sorbonne, » etc. — Moi qui n'en ai jamais lu aucun, — On a opposé à cela deux choses : 1^ Racine, dans sa Lettre à V auteur des Hérésies ima- ginaires, dit que tout Port-Royal lut avec avidité le portrait flatteur que Mlle de Scudéry avait fait de Port-Royal dans sa Cléîie. Il suffit de répondre que le tome 6 de Idi Clélie, où est ce portrait, est de 1657, c'est-à-dire postérieur à la 15® Provinciale. 2° Un fragment des Pensées (p. 441 du manuscrit autographe) suppose la lecture du Cyrus, Voir mon édition, xxv, 68, t. 2, p. 164 et 217. Mais quoique le Cyrus soit antérieur aux Provinciales, il se peut très bien que Pascal n'ait eu l'idée de le lire qu'après que le passage de la Clélie eût attiré son attention sur les romans de Mlle de Scudéry. — Le ceux qu'a faits votre apologiste. — C'est-à-dire Tauteur des Impostures et des Responses aux Lettres 11 à 14. Ces écrits étaient anonymes comme les Provinciales, et Pascal ne savait de qui ils pou- vaient être. Il ignorait que l'auteur était le P. Nouet, et il les attribue ici, fort mal à propos, à Desma- rets de Saint-Sorlin, poète et auteur d'un roman, V Ariane. Il reconnut depuis son erreur. Voir la Note placée en post-scriptum à la fin de la Lettre 16. P. 160. — Que vous pourriez faire pour l'empêcher, — Pascal craint évidemment que les jésuites n'obtiennent du gouvernement une défense qui empêche ses Lettres • n. 10 170 LETTRES PROVINCIALES de paraître. Et c*est ce qu'ils obtinrent, en effet, comme on le verra, après la seizième Lettre. Nicole a donné trois Notes sur la Lettre 15. La première développe et combat la doctrine des jésuites sur la calomnie. La seconde répond aux tentatives que fit le p. Nouet, dans sa réponse à la quinzième Lettre, pour excuser certaines décisions. La troisième, qui est très curieuse, énumère les calomnies qui remplissent V Apologie des Casuistes du P. Pirot : il en compte une trentaine. SEIZIÈME LETTRE ÉCRITE PAR l'auteur DBS LETTRES AU PROVINCIAL AUX RÉVÉRENDS PÈRES JÉSUITES Du 4 décembre 1656. Mes Révérends Pères, Voici la suite de vos calomnies, et je répondrai d'a- bord à celles qui restent de vos Avertissements. Mais comme tous vos autres livres en sont également remplis, ils me fourniront assez de matière pour vous entretenir sur ce sujet autant que je le jugerai nécessaire. Je vous dirai donc en un mot, sur cette fable que vous avez semée dans vos écrits contre M. d'Ypres, que vous abusez malicieusement de quelques paroles ambiguës d'une de ses lettres qui, étant capables d'un bon sens, doivent être prises en bonne part, selon Tesprit chari- table de rÉglise , et ne peuvent être prises autrement que selon l'esprit malin de votre Société. Car pourquoi voulez-vous qu'en disant à son ami : Ne vous mettez point tant en peine pour votre neveu ; je lui fournirai ce qui est nécessaire de l'argent qui est entre mes mains, il eût voulu dire par là qu'il prenait cet argent pour ne le point rendre, et non pas qu'il l'avançait seulement pour 172 LETTRES PROVINCIALES le remplacer ? Mais ne faul-il pas que vous soyez bien imprudents , puisque vous avez fourni vous-mêmes la conviction de votre mensonge par les autres lettres de M. d'Ypres, que vous avez imprimées, qui marquent parfaitement que ce n'était en effet que des avances qu'il devait remplacer. C'est ce qui paraît dans celle que vous rapportez du 30 juillet 1619, en ces termes qui vous confondent : Ne vous souciez pas des avances ; il ne lui manquera rien tant qu'Usera ici. Et par celle du 6 janvier 1620, où il dit : Vous avez trop de hâte ; et quand il serait question de rendre compte, le peu de crédit que f ai ici me ferait trouver de Vargent au besoin. Vous êtes donc.des imposteurs, mes Pères, aussi bien sur ce sujet que sur votre conte ridicule du tronc de Saint-Merri. Car quel avantage pouvez- vous tirer de Taccusalion qu'un de vos bons amis suscita à cet ecclé- siastique que vous voulez déchirer ? Doit-on conclure qu'un homme est coupable parce qu'il est accusé? Non, mes Pères : des gens de piété comme lui pourront tou- jours être accusés tant qu'il y aura au monde des calom- niateurs comme vous. Ce n'est donc pas par l'accusa- tion, mais par l'arrêt, qu'il en faut juger. Or l'arrêt qui en fut rendu, le 23 février 1656, le justifie pleinement; outre que celui qui s'était engagé témérairement dans cette injuste procédure fut désavoué par ses collègues, et forcé lui-même à la rétracter. Et quant à ce que vous dites au même lieu de ce fameux directeur qui se fit riche en un moment de neuf cent mille livres^ il suffit de vous renvoyer à Messieurs les curés de Saint-Roch et de Saint-Paul, qui rendront témoignage à tout Paris de son parfait désintéressement dans cette affaire, et de votre malice inexcusable dans cette imposture. C'en est assez pour des faussetés si vaines. Ce ne sont là SEIZIÈME LETTRE 173 que des coups d'essai de vos novices, et non pas les coups d'importance de vos grands profès. J*y viens donc, mes Pères ; je viens à cette calomnie, Tune des plus noires qui soient sorties de votre esprit. Je parle de cette audace insupportable avec laquelle vous avez osé imputer à de saintes religieuses et à leurs direc- teurs de ne pas croire le mystère de la transsubstantia- tion , ni la présence réelle de Jésus-Christ dans V Eu- charistie, Voilà, mes Pères, une imposture digne de vous; voilà un crime que Dieu seul est capable de punir, comme vous seuls êtes capables de le commettre. Il faut être aussi humble que ces humbles calomniées, pour le souffrir avec patience ; et il faut être aussi mé- chant que de si méchants calomniateurs, pour le croire. Je n'entreprends doncpas de les enjustifier; elles n'en sont point suspectes. Si elles avaient besoin de défen- seurs, elles en auraient de meilleurs que moi. Ce que j'en dirai ici ne sera pas pour montrer leur innocence, mais pour montrer votre malice. Je veux seulement vous en faire horreur à vous-mêmes, et faire entendre à tout le monde qu'après cela il n'y a rien dont vous ne soyez capables. Vous ne tnanquerez pas néanmoins de dire que je suis de Port- Royal; car c'est la première chose que vous dites à quiconque combat vos excès: comme si on ne trouvait qu'à Port-Royal des gens qui eussent assez de zèle pour défendre contre vous la pureté de la morale chrétienne. Je sais, mes Pères^, le mérite de ces pieux solitaires qui s'y étaient retirés, et combien l'Église est redevable à leurs ouvrages si édifiants et si solides. Je sais combien ils ont de piété et de lumières ; car encore que je n'aie jamais eu d'établissement avec eux, comme vous le voulez faire croire sans que vous sachiez qui je suis, je ne laisse pas d'en connaître quelques-uns. 40. 174 LETTRES PROVINCIALES et d'honorer la vertu de tous. Mais Dieu i)'a pas ren- fermé dans ce nombre seul tous ceux qu'il veut opposer à vos désordres. J'espère avec son secours, mes Pères, de vous le faire sentir ; et, s'il me fait la grâce de me soutenir dans le dessein qu'il me donne d'employer pour lui tout ce que j'ai reçu de lui, je vous parlerai de telle sorte que je vous ferai peut-être regretter de n'avoir pas affaire à un homme de Port-Royal. Et pour vous le témoigner, mes Pères, c'est qu'au lieu que ceux que vous outragez par cette insigne calomnie se con- tentent d'offrir à Dieu leurs gémissements pour vous en obtenir le pardon, je me sens obligé, moi qui n'ai point de part à cette injure, de vous en faire rougir à la face de toute l'Église, pour vous procurer cette con-, fusion salutaire dont parle l'Écriture, qui est presque l'unique remède d'un endurcissement tel que le vôtre : Impie faciès eorum ignominia^ et quœrent nomen tuum^ Domine, Il faut arrêter cette insolence, qui n'épargne point les lieux les plus saints. Car qui pourra être en sûreté après une calomnie de cette nature ? Quoi ! mes Pères, afficher vous-mêmes dans Paris un livre si scandaleux, avec le nom de votre Père Meynier à la tête , et sous cet infâme titre : Le Port-Royal et Genève d'intelli- gence contre le très saint Sacrement de l'autel , où vous accusez de cette apostasie non seulement M. de Saint-Gyran* et M. Arnauld,mais aussi la mère Agnès sa sœur, et toutes les religieuses de ce monastère, dont vous dites, p. 96, Que leur foi est aussi suspecte tou- chant VEucharistie qwi celle de M» Arnauld , lequel vous soutenez, p. 4, être effectivement calviniste ! Je demande là-dessus à tout le monde s'il y â dans l'Église 1. M. rabbé de S.-Cyran. SEIZIÈME LETTRE 175 des personnes sur qui vous puissiez faire tomber un si abominable reproche avec moins de vraisemblance. Car, dites-moi, mes Pères, si ces religieuses et leurs directeurs étaient d'intelligence avec Genève contre le très saint Sacrement de l'autel (ce qui est horrible à penser), pourquoi auraient-elles pris pour le principal objet de leur piété ce Sacrement qu'elles auraient en abomination? Pourquoi auraient-elles joint à leur règle l'institution du Saint-Sacrement? Pourquoi auraient- elles pris l'habit du Saint-Sacrement, pris le nom de Filles du Saint-Sacrement? Pourquoi auraient-elles de- mandé et obtenu de Rome la confirmation de cette ins- titution, fet le pouvoir de dire tous les jeudis l'office du Saint-Sacrement, où la foi de l'Église est si parfaite- ment exprimée, si ellefr avaient conjuré avec Genève d'abolir cette foi de l'Église? Pourquoi se seraient-elles obligées, par une dévotion particulière, approuvée aussi par le pape, d'avoir sans cesse, nuit et jour, des religieuses en présence de cette sainte hostie, pour ré- parer, par leurs adorations perpétuelles envers ce sacrifice perpétuel, l'impiété de l'hérésie qui l'a voulu anéantir ? Dites-moi donc, mes Pères, si vous le pouvez, pourquoi de tous les mystères de notre religion elles auraient laissé ceux qu'elles croient, pour choisir celui qu'elles ne croiraient pas/, et pourquoi elles se seraient dévouées d'une manière si pleine et si entière à ce mystère de notre foi, si elles le prenaient, comme les hérétiques, pour le mystère d'iniquité? Que répondez- vous, mes Pères, à des témoignages si évidents, non pas seulement -de paroles, mais d'actions; et non pas de quelques actions particulières, mais de toute la suite d'une vie entièrement consacrée à l'adoration de Jésus- 1. Qu'elles ne croient pas. 176 LETTRES PROYIjHaALES Christ résidant sur nos autels? Que répondez-vous de même aux livres que vous appelez de Port-Royal, qui sont tout remplis ' des termes les plus précis dont les Pères et les conciles se soient servis pour marquer l'essence de ce mystère? C'est une chose ridicule, mais horrible, de vous y voir répondre dans tout votre libelle en cette sorte : M. Arnauld , dites-vous, parle bien de transsubstantiation, mais il entend peut-être une trans- substantiation significative. Il témoigne bien croire la présence réelle; mais qui nous a dit qu'il ne Tentend pas d'une figure vraie et réelle ? Où en sommes-nous, mes Pères ? et qui ne ferez-vous point passer pour calviniste quand il vous plaira, si on vous laisse la li- cence de corrompre les exprespons les plus canoni- ques etles plus saintes par les malicieuses subtilités de vos nouvelles équivoques ? Car qui s'est jamais servi d'autres termes que de ceux-là, et surtout dans de simples discours de piété, où il ne s*agit point de con- troverses ? Et cependant l'amour et le respect qu'ils ont pour ce saint mystère leur en a tellement fait remplir tous leurs écrits, que je vous défie, mes Pères, quelque artificieux que vous soyez , d'y trouver la moindre ombre d'ambiguïté et de convenance* avec les senti- ments de Genève. Tout le monde sait, mes Pères, que l'hérésie de Ge- nève consiste essentiellement, comme vous le rapportez vous-mêmes, à croire que Jésus-Christ n'est point en- fermé dans ce sacrement ; qu'il est impossible qu'il soit en plusieurs lieux ; qu'il n'est vraiment que dans le ciel, et que ce n'est que là où on le doit adorer, et non pas sur l'autel ; que la substance du pain demeure ; que le 1. Tous romplis. 2. Ni la moindre apparence d'ambiguïté, ni la moindre con- venance. SEIZIÈME LETTRE 177 corps de Jésus-Christ n'entre point dans la bouche ni dans la poitrine ; qu'il n'est mangé que par la foi, et qu'ainsi les méchants ne le mangent point ; et que la messe n'est point un sacrifice, mais une abommation. Écoutez donc, mes Pères, de quelle manière Port-Royal est d'intelligence avec Genève dans leurs livres. On^y lit, à votre confusion : Que la chair et le sang de Jésus- Christ sont contenus sous les espèces du pain et du vin, Seconde Lettre de M. Arnauld,p. 259; Que le Saint des saints est présent dans le sanctuaire, et qu'on l'y doit adorer, Ibid,, p. 243 ; Que Jésus-Christ habite dans les pécheurs qui communient, par la présence réelle et véritable de son corps dans leur poitrine, quoique non par la présence de son esprit dans leur cœur, Fréq, Comm., 3° part., c. 16; Que les cendres mortes des corps des saints tirent leur principale dignité de cette semence de vie qui leur reste de V attouchement de la chair immortelle et vivifiante de Jésus-Çhrist, 1" part., c. 40; Que ce n'est par aucune puissance naturelle, mais par la toute-puissance de Dieu, à laquelle rien n'est impossible, que le corps de Jésus-Çhrist est en- fermé sous l'hostie, et sous la moindre partie de chaque hostie, Théolog. fam,, leç. 15; Que la vertu divine est présente pour produire l'effet que les paroles de la con- sécration signifient, Ibid, ; Que Jésus-Christ, qui est ra- baissé et couché sur l'autel, est en même temps élevé dans sa gloire; qu'il est, par lui-même et par sa puissance ordinaire, en divers lieux en même temps, au milieu de l'Église tnomphanie, et au milieu de l'Église militante et voyagère, De la Suspension, rais. 21; Que les espèces sacramentales demeurent suspendues, et subsistent ex- traordinairement sans êtr^e appuyées d'aucun sujet; et que le corps de Jésus-Christ est aussi suspendu sous les espèces ; qu'il ne dépend point d'elles, comme les 178 LETTRES PROVINaALES substances dépendent des accidents, Ibid., 23; Que la substance du pain se change en laissant les accidents immuables, Heures, dans la prose du Saint-Sacrement ; Que Jésus- Christ repose dans r Eucharistie avec la même gloire qu'il a dans le ciel^ Lettres de M. de Saint- Cyran, tom. ï, let. 93; Que son humanité glorieuse ré- side dans les tabernacles de l'Eglise, sous les espèces du pain qui le couvrent visiblement; et que, sachant que nous sommes grossiers y il nous conduit ainsi à Va- doration de sa divinité présente en tous lieux, par celle de son humanité présente en un lieu particulier, Ibid. ; Que nous recevons le corps de Jésus-Christ sur la lan- gue, et qu'il la sanctifie par son divin attouchement, Lettre 32 ; QuHl entre dans la bouche du prêtre. Let- tre 72 ; Que quoique Jésus-Christ se soit rendu acces- sible dans le Saint-Sacrement par un effet de son amour et de sa clémence, il ne laisse pas d'ij conserver son inaccessibilité comme une conditioninséparablede sa nature divine ; parce que, encoi^e que le seul corps et le seul sang y soient * par la vertu des paroles, vi verbo- rum, comme parle V école, cela n'empêche pas que toute sa divinité, aussi bien que toute son humanité, n'y soit par une suite et une conjonction nécessaire. Défense du chapelet du Saint-Sacrement, p. 217; et enfin que V Eucharistie est tout ensemble sacrement et sacrifice, Théol. fam,, leç. 15; et qu'encore que ce sacrifice soit une commémoration de celui de la croix, toutefois il y a cette différence y que celui de la messe n'est offert que pour l'Eglise seule et pour les fidèles qui sont dans sa communion; au lieu que celui de la croix a été of- fert pour tout le monde, comme l'Ecriture parle, Ib,, p. 153. Cela suffit, mes Pères, pour faire voir claire- 1. Y soil. SEIZIÈME LETTRE 179 ment qu il n'y eut peut-être jamais une plus grande im- pudence que la vôtre. Mais je veux encore vous faire prononcer cet arrêt à vous-mêmes contre vous-mêmes. Car que demandez-vous, afin d'ôter toute apparence qu'un homme soit d'intelligence avec Genève? Si Â/. A7mauld, dit votre Père Meynier, p. 83, eût dit qu^en cet adorable mystère il n'y a aucune substance du pain sous les espèces, mais seulement la chair et le sang de Jésus-Çhrist , f eusse avoué qu'il se serait dé- claré entièrement contre Genève, Avouez-le donc, im- posteurs, et faiteS'lui une réparation publique de cette injure publique. Combien de fois Tavez-vous vu dans les passages que je viens de citer ! Mais, de plus, la Théologie familière de M. de Saint-Gyran étant approu- vée par M. Arnauld, elle contient les sentiments de l'un et de Tautre. lisez donc toute la leçon 15, et surtout Tarticle second, et vous y trouverez les paroles que vous demandez, encore plus formellement que vous- même ne les exprimez. Y a-t-il du pain dans Vhostie^ et du vin dans le calice ? Non ; car toute la substance du pain et du vin sont ôtées pour faire place à celle du corps et du sang de Jésus-Çhrist , laquelle y demeure seule couverte des qualités et des espèces du pain et du vin. Eh bien I mes Pères, direz-vous encore que le Port- Royal n'enseigne rien que Genève ne reçoive, et que M. Arnauld n'a rien dit, dans sa seconde Lettre, qui né pût être dit par un ministre de Gharenton? Faites donc parler Mestrezat comme parle M. Arnauld dans cette lettre, p. 237 etsuiv.; faites-lui dire : Que c'est un mensonge infâme de V accuser de nier la transsubstan- tiation ; Qu'il prend pour fondement de ses livres la vérité de la présence réelle du Fils de Dieu, opposée à V hérésie des calvinistes ; Qu'il se tient heurtux d'être i80 LETTRES PROVrNClALES en un lieu où Von adore continuellement le Saint des saints présent dans le sanctuaire ; co qui est beaucoup plus contraire à la créance des calvinistes que la pré- sence réelle même, puisque, comme dit le cardinal de Richelieu dans ses Controverses, p. 536 : Les nouveaux ministres de France s'étant unis avec les luthériens, qui la croient*, ils ont déclaré quHls ne demeurent séparés de VEglisCy touchant ce mystère, qu^à cause de Vado'^ ration que les catholiques rendent à l'Eucharistie. Foi- tes signer à Genève tous les passages que je vous ai rapportés des livres de Port-Royal, et non pas seule- ment les passages, mais les traités entiers touchant ce mystère, comme le Uvre de la Fréquente Communion, TExplication des cérémonies de la messe^ TExercice durant la messe, les Raisons delà suspension du Saint- Sacrement, la Traduction des hymnes dans les Heures de Port-Royal, etc. Et enfin faites établir à Charenton cette institution sainte d'adorer sans cesse Jésus-Christ enferma dans l'Eucharistie, comme on fait à Port- Royal, et ce sera le plus signalé service que vous puissiez rendre à l'Église, puisqu'alors le Port-Royal ne sera pas dHntelliffence avec Genève ^ mais Genève d'intelli- gence avec le Port- Royal et toute l'Église. En vérité, mes Pères, vous ne pouviez plus mal choisir que d'accuser le Port- Royal de ne pas croire l'Eucha- ristie; mais je veux faire voir ce qui vous y a engagés. Vous savez que j'entends un peu votre politique. Vous l'avfez bien suivie en cette rencontre. Si M. de Saint- Cyran* et M. Arnauld n'avaient fait que dire ce qu'on doit croire touchant ce mystère, et non pas ce qu'on doit faire pour s'y préparer, ils auraient été les meil- 1. Qui croient la présence réeUe de Jésus-Cbrist dans l'Eu- charistie. 2. M. Tabbé de S.-Cyrau. SEIZIÈME LETTRE i8i leurs catholiques du monde, et il ne s^ serait point trouvé d'équivoques dans leurs termes de présence réelle et de transsubstantiation. Mais, parce qu'il faut que tous ceux qui combattent vos relâchements soient hérétiques, et dans le point même où ils les combattent, comment M. Arnauld ne le serait-il pas sur TEucha- ristie, après avoir fait un livre exprès contre les profa- nations que vous faites de ce sacrement? Quoi î mes Pères, il aurait dit impunément qu'on ne doit point donner le corps de Jésus-Christ à ceux qui retombent toujours dans les mêmes crimes^ et auxquels on ne voit aucune espérance d^ amendement; et qu'on doit les sé- parer quelque temps de l'autel, pour se purifier par une pénitence sincère, afin de s'en approcher ensuite avec fruit ? Ne souffrez pas . qu'on parle ainsi , mes Pères ; vous n'auriez pas tant de gens dans vos confes- sionnaux. Car votre Père Brisacier dit que, si vous suiviez cette méthode, vous n'appliqueriez le sang de Jésus-Christ sur personne. Il vaut bien mieux pour vous qu'on suive la pratique de votre Société, que votre Père Mascarenhas rapporte dans un livre approuvé par vos docteurs, et même par votre Révérend Père général, qui est : .Que toute sorte de personnes, et même les prêtres, peuvent recevoir le corps de Jésus-Christ le jour même qu'ils se sont souillés par des péchés abo- minables ; quCj bien loin qu'il y ait de l'irrévérence en ces communions, on est louable au contraire d'en user de la sorte; que les confesseurs ne les en doivent point détourner, et qu'ils doivent au contraire conseiller à ceux qui viennent de commettre ces crimes de commu- nier à l'heure même, parce que, encore que l'Eglise l'ait défendu, cette défense est abolie par la pratique uni- verselle de toute la terre. Voilà ce que c'est, mes Pères, d'avoir des Jésuites II. 11 i82 LETTRES PROVINCIALES par toute la tçrre ; voilà la pratique universelle que vous y avez introduite et que vous y voulez maintenir. Il n*iniporte que les tables de Jésus-Christ soient rem- plies d'abominations, pourvu que vos églises soient pleines de monde. Rendez donc ceux qui sW opposent hérétiques sur le. saint Sacrement : il le faut, à quelque prix que ce soit. Mais comment le pourrez-vous faire, après tant de témoignages invincibles qu'ils ont donnés de leur foi? N'avez- vous point de peur que je rapporte les quatre grandes preuves que vous donnez de leur hérésie ? Vous le devriez, mes Pères, et je ne dois point vous en épargner la honte. Examinons donc la pre- mière. M. de Saint'Cyran, dit le PèreMeynier, en consolant un de ses amis sur la mort de sa mère^ tome 1, lettre 14, dit que le plus agréable sacrifice qu'on puisse offrir à Dieu dans ces rencontres est celui de la patience : donc il est calviniste. Cela est bien subtil, mes Pères, et je ne sais si personne en voit la raison. Apprenons-la donc de lui : Parce, dit ce grand controversiste, qu'il ne croit donc pas le sacrifice de la-messe. Car c'est ce* lui'là qui est le plus agréable à Dieu, de tous. Que Ton dise maintenant que les Jésuites ne savent pas raison- ner^ Ils le savent de telle sorte, qu'ils rendront héré- tiques tels discours qu'ils voudront \ et même l'Écriture sainte; car n'est-ce pas une hérésie* de dire, comme fait l'Ecclésiastique : // n'y a rien de pire que d'aimer l'argent, nihil est iniquius quam amare pecuniam; comme si les adultères, les homicides et l'idolâtrie n'étaient pas de plus grands crimes? Et à qui n'arrive- t-il point de dire à toute heure des choses semblables ; 1. Hérétique tout ce qu'ils voudront, et même. 2. Ne serait-ce pas. SEIZIEME LETTRE 183 et que, par exemple, le sacrifice d'jm cœur contrit et humilié est le plus agréable aux yeux 4^ Dieu; parce qu'en ces discours on ne pense qu*à comparer quelques vertus intérieures les unes aux autres, et non pas au sacrifice de la messe, qui est d'un ordre tout difierent et infiniment plus relevé? N*êtes-vous donc pas ridi- cules, mes Pères? et faut-0, pour achever de vous con- fondre, que je vous représente les termes de cette même lettre où M. de Saint-Gyran parle du sacrifice de la messe comme du plus excellent de tous, en disant : Qu'on offre à Dieu tous les jours et en tous lieux le sacrifice du corps de son Fils, qid n'a point trouvé de PLUS EXCELLENT MOYEN que celui'là pour honorer son Père ? Et ensuite : Que Jésus-Christ nous a obligés de prendre en mourant son corps sacrifié , pour rtndit plus agréable à Dieu le sacrifice du nôtrCy et pour se joindre à nous lorsque nous rnourons^ afin de nous for* tifier, en sanctifiant par sa présence le rfeiijîei' sacri-^ fice que nous faisons à Dieu de notre vie et de nott^ corps? Dissimulez tout cela, mes Pères, et ne laissez pas de dire qu'il détournait de communier à la mort, conmie vous faites, page 33, et qu'il ne ci*oyait pas le sacrifice de la messe ; car rien n'est trop hardi pour des calomniateurs de profession. Votre seconde preuve en est un grand témoignage. Pour rendre calviniste feu M. de Saint-Cyran, à qui vous attribuez le livre de Petrus Aurelius^ vous vous servez d'un passage où Aurélius explique, page 89, de quelle manière l'Église se conduit à Tégard des prôlrcs, et même des évêques qu'elle veut déposer ou dégrader. L'Église, dit-il, ne pouvant pas leur ôter la puissance de l'ordre^ parce que le caractère est ineffaçable^ elle fait ce qui est en elle ; elle été de sa mémoire ce carac* tèrCj qu'elle ne peut ôter de l'âme de ceux qui l'ont reçu ; i82 LETTRES PROVINCIALES par toute la tçrre ; voilà la pratique universelle que vous y avez introduite et que vous y voulez maintenir. Il nlmporte que les tables de Jésus-Christ soient rem- plies d'abominations, pourvu que vos églises soient pleines de monde. Rendez donc ceux qui s'y opposent hérétiques sur le. saint Sacrement : il le faut, à quelque prix que ce soit. Mais comment le pourrez-vous faire, après tant de témoignages invincibles qu'ils ont donnés de leur foi? N'avez-vous point de peur que je rapporte les quatre grandes preuves que vous donnez de leur hérésie? Vous le devriez, mes Pères, et je ne dois point vous en épargner la honte. Examinons donc la pre- mière. M. de Saint'Cyran, dit le PèreMeynier, en consolant un de ses amis sur la mort de sa mère^ tome 1, lettre 14, dit que le plus agréable sacrifice qu'on puisse offrir à Dieu dans ces rencontres est celui de la patience : donc il est calviniste. Cela est bien subtil, mes Pères, et je ne sais si personne en voit la raison. Apprenons-la donc de lui : Parce^ dit ce grand controversiste, qu'il ne croit donc pas le sacrifice de la-messe. Car c'est ce* lui^là qui est le plus agréable à Dieu, de tous. Que Ton dise maintenant que les Jésuites ne savent pas raison- neri Ils le savent de telle sorte, qu'ils rendront héré- tiques tels discours qu'ils voudront \ et même l'Écriture sainte; car n'est-ce pas une hérésie* de dire, comme fait l'Ecclésiastique : // n'y a rien de pire que d'aimer l'argent, nihil est iniquius quam amare pecuniam; comme si les adultères, les homicides et l'idolâtrie n'étaient pas de plus grands crimes? Et à qui n'arrive- t-il point de dire à toute heure des choses semblables ; 1. Hérétique tout ce qu'ils voudront, et même. 2. Ne serait-ce pas. SEIZIÈME LËTTKE 183 et que, par exemple, le sacrifice d'un cœur contrit et humilié est le plus agréable aux yeux dfi Dieu ; parce qu'en ces discours on ne pense qu'à comparer quelques vertus intérieures les unes aux autres, et non pas au sacrifice de la messe , qui est d'un ordre tout différent et infiniment plus relevé? N'êtes-vous donc pas ridi- cules, mes Pères? et faut-il, pour achever de vous con- fondre, que je vous représente les termes de cette même lettre où M. de Saint-Gyi»an parle du sacrifice de la messe comme du plus excellent de tous, en disant : Qu^on offre à Dieu tous les jours et en tous lieux le sacrificrs du corps de son Fils, qui n'a point trouvé de PLUS EXCELLENT MOYEN quc cclui-là pour honorer son Père ? Et ensuite : Que Jésus-Christ nous a obligés de prendre en mourant son corps sacrifié^ pour rendre plus agréable à Dieu le sacrifice du nôtre ^ et pour se joindre à nous lorsque nous piourons^ afin de nous for- tifier, en sanctifiant par sa présence le dernier sacri^ fice que nous faisons à Dieu de notre vie et de notre corps? Dissimulez tout cela, mes Pères, et ne laissez pas de dire qu'il détournait de communier à la mort, comme vous faites, page 33, et qu'il ne croyait pas le sacrifice de la messe ; car rien n'est trop hardi pour des calomniateurs de profession. Yotre seconde preuve en est un grand témoignage. Pour rendre calviniste feu M. de Saint-Gyran, à qui vous attribuez le livre de Petrus Aurelius , vous vous servez d'un passage où Aurelius explique, page 89, de quelle manière l'Église se conduit à l'égard des prêtres, et même des évêques qu'elle veut déposer ou dégrader. L'Église f dit-il, "ne pouvant pas leur ôter la puissance de l'ordre, parce que le caractère est ineffaçable, elle fait ce qui est en elle ; elle ôte de sa mémoire ce carac- tère, qu'elle ne peut ôter de l'âme de ceux qui l'ont reçu ; ^ i82 LETTKES PROVINCIALES par toute la tçrre ; voilà la pratique universelle que vous y avez introduite et que vous y voulez maintenir. H nimporte que les tables de Jésus-Christ soient rem- plies d'abominations, pourvu que vos églises soient pleines de monde. Rendez donc ceux qui s'y opposent hérétiques sur le. saint Sacrement : il le faut, à quelque prix que ce soit. Mais comment le pourrez-vous faire, après tant de témoignages invincibles qu'ils ont donnés de leur foi? N'avez- vous point de peur que je rapporte les quatre grandes preuves que vous donnez de leur hérésie? Vous le devriez, mes Pères, et je ne dois point vous en épargner la honte. Examinons donc la pre- mière. M. de Saint'Cyran, dit le PèreMeynier, en consolant un de 8es amis sur la mort de sa mère^ tome 1, lettre 14, dit que le plus agréable sacrifice qu'on puisse offrir à Dieu dans ces rencontres est celui de la patience : donc il est calviniste. Cela est bien subtil, mes Pères, et je ne sais si personne en voit la raison. Apprenons-la donc de lui : Parce, dit ce grand controversiste, qu'il ne croit donc pas le sacrifice de la-messe. Car c'est ce* lui-là qui est le plus agréable à Dieu, de tous. Que Ton dise maintenant que les Jésuites ne savent pas raison- ner* Ils le savent de telle sorte, qu'ils rendront héré- tiques tels discours qu'ils voudront*, et môme l'Écriture sainte; car n'est-ce pas une hérésie* de dire, comme fait l'Ecclésiastique : // n'y a rien de pire que d'aimer l'argent, nihil est iniquius quam amare pecunlam; comme si les adultères, les homicides et l'idolâtrie n'étaient pas de plus grands crimes? Et à qui n'arrive- t-il point de dire à toute heure des choses semblables ; 1. Hérétique tout ce qu'ils voudront, et même. S. Ne serait-ce pas. SEIZIEME LETTRE 183 et que, par exemple, le sacrifice d*im cœur contrit et humilié est le plus agréable aux yeux die Dieu ; parce qu'en ces discours on ne pense qu'à comparer quelques vertus intérieures les unes aux autres, et non pas au sacrifice de la messe , qui est d'un ordre tout différent et infiniment plus relevé? N'êtes-vous donc pas ridi- cules, mes Pères? et faut-il, pour achever de vous con- fondre, que je vous représente les termes de cette même lettre où M. de Saint-Gyran parle du sacrifice de la messe comme du plus excellent de tous, en disant : Qu^on offre à Dieu tous les jours et en tous lieux le sacrifiais du corps de son Fils, qui n'a point trouvé de PLUS EXCELLENT MOYEN que cclui-là pour konorer son Père ? Et ensuite : Que Jésus-Christ nous a obligés de prendre en mourant son corps sacrifié, pour rendre plus agréable à Dieu le sacrifice du nôtre ^ et pour se joindre à nous lorsque nous piourons, afin de nous for- tifier, en sanctifiant par sa présence le dernier sacri* fice que nous faisons à Dieu de notre vie et de notre corps? Dissimulez tout cela, mes Pères, et ne laissez pas de dire qu'il détournait de communier à la mort, comme vous faites, page 33, et qu'il ne croyait pas le sacrifice de la messe ; car rien n'est trop hardi pour des calomniateurs de profession. Votre seconde preuve en est un grand témoignage. Pour rendre calviniste feu M. de Saint-Gyran, à qui vous attribuez le livre de Petrus Aurelius , vous vous servez d'un passage où Aurelius explique, page 89, de quelle manière l'Église se conduit à l'égard des prêtres, et même des évêques qu'elle veut déposer ou dégrader. U Eglise, dit-il^ ne pouvant pa^ leur ôter la puissance de l'ordre^ parce que le caractère est ineffaçable, elle fait ce qui est en elle ; elle été de sa mémoire ce carac- tère, qu'elle ne peut ôter de l'âme de ceux qui l'ont reçu ; 184 LETTRES PROVINQALES elle les considère comme s'ils n'étaient plus prêtres ou évéques : de sorte que, selon le langage ordinaire de V Église, on peut dire qu'ils ne le sont plus, quoiqu'ils le soient toujours quant au caractère : oh indelebilita- tem ckaracteris. Vous voyez, mes Pères, que cet au- teur, approuvé par trois assemblées générales du clergé de France , dit clairement que le caractère de la prê- trise est ineffaçable, et cependant vous lui faites dire tout au contraire, en ce lieu même, que le caractère de la prêtrise n'est pas ineffaçable. Voilà une insigne ca- lomnie, c'est-à-dire, selon vous, un petit péché véniel. Car ce livre vous avait fait tort, ayanl réfuté les héré- sies de vos confrères d'Angleterre touchant Tautorité épiscopale. Mais voici une insigne extravagance et un gros péché mortel contre la raison' : c'est qu'ayant faussement supposé que M. de Saint-Gyran tient que ce caractère est effaçable, vous en concluez qu'il ne croit donc pas la présence réelle de Jésus-Christ dans TEucharistie. N'attendez pas que je vous réponde là-dessus, mes Pères. Si vous n'avez pas* de sens commun, je ne puis pas vous en donner. Tous ceux qui en ont se moque- ront assez de vous, aussi bien que de votre troisième preuve, qui est fondée sur ces paroles de la/Véy. Com,, 3* p., ch. 11 : Que Dieu nous donne dans V Eucha- ristie LA MÊME VIANDE qu'ttux saints dans le ciel, sans qu'il y ait d'autre différence, sinon qu'ici il nous en été la vue et le goût sensible, réservant l'un et Vautre pour le ciel. En vérité, mes Pères, ces paroles expri- ment si naïvement le sens de l'Église , que j'oublie à toute heure par où vous vous y prenez pour en abuser. 1. Ces huit mots ont été supprimés. 2. Si TOUS n'avez point. SEIZIÈME LETTRE 188 Car je n'y vois autre chose, sinon ce que le concile de Trente enseigne, sess. 13, c. 8 : Qu'il n'y a point d'autre différence entre Jésus-Christ dans FEucharistie et Jésus-Christ dans le ciel, sinon qu'il est ici voilé, et non pas là. M. Arnauld ne dit pas qu'il n'y a point d'autre différence en la manière de recevoir Jésus- Christ, mais seulement qu'il n'y en a point d'autre en Jésus-Christ que l'on reçoit. Et cependant vous voulez, contre toute raison, lui faire dire par ce passage qu'on ne mange non plus ici Jésus-Christ de bouche que dans le ciel : d'où vous concluez son hérésie. Vous me faites pitié, mes Pères. Faut-il vous expli- quer cela davantage ? Pourquoi confondez-vous cette nourriture divine avec la manière de la recevoir ? Il n'y a qu'une seule différence, comme je le viens de dire, dans cette nourriture sur la terre et dans le ciel, qui est qu'elle est ici cachée sous des voiles qui nous en ôtent la vue et le goût sensible : mais il y a plusieurs différences dans la manière de la recevoir ici et là, dont la principale est que, comme dit M. Arnauld, 3" part., c. 16, il entre ici dans la bouche et dans la poitrine et des bons et des méchants; ce qui n'est pas dans le ciel. Et si vous ignorez la raison de cette diversité, je vous dirai, mes Pères, que la cause pour laquelle Dieu a établi ces différentes manières de recevoir une même viande, est la différence qui se trouve entre l'état des chrétiens en cette vie et celui des bienheureux dans le ciel. L'état des chrétiens, comme dit le cardinal Du Perron après les Pères, tient le milieu entre l'état des bienheureux et l'état des Juifs. Les bienheureux possè- dent Jésus-Christ réellement, sans figures et sans voiles * : les Juifs n'ont possédé de Jésus-Christ que 1 . Sans figure et sans voile. à f86 LETTRES PROVINCIALES les figures et les voiles, comme étaient ' la manne et Tagneau pascal. Et les chrétiens possèdent Jésus- Christ dans l'Eucharistie véritablement et réellement, mais encore couvert de voiles. Dieu^ dit saint Eucher, s^est fait trois tabernacles : la Synagogue^ qui iCa eu que les ombres sans vérité ; V Église, qui a la vérité et les ombres; et le ciel, où il n^y a point if ombres, mais la seule vérité. Nous sortirions de l'état où nous sommes, qui est Tétat de foi, que saint Paul oppose tant à la Loi qu'à la claire vision , si nous ne possédions que les figures sans Jésus-Christ, parce que c'est le propre de la Loi de n'avoir que l'ombre, et non la substance des choses. Et nous en sortirions encore, si nous le possédions visiblement, parce que la foi, comme dit le même apôtre, n'est point des choses qui se voient. Et ainsi l'Eucharistie est parfaitement proportionnée à notre état de foi, parce qu'elle enferme véritablement Jésus-Christ, mais voilé. De sorte que cet état serait détruit, si Jésus-Christ n'était pas réellement sous les espèces du pain et du vin , comme le prétendent les hérétiques ; et il serait détruit encore, si nous le rece- vions à découvert comme dans le ciel, puisque ce se- rait confondre notre état avfec l'état du judaïsme, ou avec celui de la gloire. Voilà, mes Pères, la raison mystérieuse et divine de ce mystère tout divin ; voilà ce qui nous fait abhorrer les calvinistes, comme nous ré- duisant à la condition des Juifs ; et ce qui nous fait aspirer à la gloire des bienheureux, qui nous donnera la pleine et éternelle jouissance de Jésus-Christ. Par où vous voyez qu'il y a plusieurs différences entre la manière dont il se communique aux chrétiens et aux bienheu- reux, et qu'entre autres on le reçoit ici de bouche, et 1. Comme était. SEIZIÈME LETTRE 187 non dans le ciel ; mais qu'elles dépendent toutes de la seule différence qui est entre Tétat de la foi où nous sommes, et l'état de la claire vision oii ils sont. Et c'est, mes Pères, ce que M. Arnauld a dit si clairement en ces termes : Qu'il faut qu'il n'y ait point d'autre diffé- rence entre la pureté de ceux qui reçoivent Jésus-Christ dans V Eucharistie et celle des bienheureux, qu'autant qu'il y en a entre la foi et la claire vision de Dieu^ de laquelle seule dépend la différente manière dont on le mange dans la terre * et dans le ciel. Vous devriez, mes Pères, avoir révéré dans ces paroles ces saintes îvérités, au lieu de les corrompre pour y trouver une hérésie qui n'y fut jamais, et qui n'y saurait être : qui est qu'on ne mange Jésus-Christ que par la foi, et non par la bouche, comme le disent malicieusement vos Pères Annat et Meynier, qui en font le capital de leur accu- sation. Vous voilà donc bien mal en preuves, mes Pères ; et c'est pourquoi vous avez eu recours à un nouvel artifice, qui a été de falsifier le concile de Trente, afin de faire que M. Arnauld n'y fût pas conforme, tant vous avez de moyens de rendre le monde hérétique. C'est ce que fait Je Père Meynier en 50 endroits de son livre, et 8 et 10 fois en la seule p. 54, où il prétend que, pour s'exprimer en catholique, ce n'est pas assez de dire : Je crois que Jésus-Christ est présent réellement dans l'Eucharistie ; mais qu'il faut dire : Je crois, avec le CONCILE, qu'il y est présent d'une vraie présence lo- cale, ou localement. Et sur cela il cite le concile, sess. 13, can. 3, can. [4, can. 6. Qui ne croirait, en voyant le mot de présence locale cité de trois canons d'un con- cUe universel, qu'il y serait effectivement ? Gela vous a 1. Sur la terre. à Ï88 LETTRES PROVINCIALES pu servir avant ma quinzième Lettre ; mais à présent, mes Pères, on ne s'y prend plus. On va voirie concile, et on trouve que vous êtes des imposteurs; car ces termes de présence locale, localement, localité^ n*y furent ja- mais. Et je vous déclare de plus, mes Pères, qu'ils ne sont dans aucun autre lieu de ce concile, ni dans aucun autre concile précédent, ni dans aucun Père de l'Église. Je vous prie donc sur cela, mes Pères, de dire si vous prétendez rendre suspects de calvinisme tous ceux qui n'ont point usé de ce terme. Si cela est, le concile de Trente en est suspect, et tous les Pères sans exception*. Vous êtes trop équitables pour faire un si grand fracas dans l'Église pour une querelle particulière*. N'avez-vous point d'autre voie pour rendre M. Arnauld hérétique, sans offenser tant de gens qui ne vous ont point fait de mal, et entre autres saint Thomas, quiest*un des plus grands défenseurs de l'Eucharistie, et qui s'est si peu servi de ce terme, qu'il] l'a rejeté au contraire, 3® p., q. 76, a. 5, où il dit : Nullo modo corpus Christi est in hoc sacramento localiter ? Qui étes-vous donc, mes Pères, pour imposer, de votre autorité, de nouveaux termes, dont vous ordonnez de se servir pour bien exprimer sa foi, comme si la profession de foi dressée par les papes, selon l'ordre du concile, où ce terme ne se trouve point, était défectueuse, et laissait une ambiguïté dans la créance des fidèles, que vous seuls eussiez décou- verte ? Quelle témérité de prescrire ces termes aux doc- teurs mêmes! Quelle fausseté de les imposer à des conciles généraux ! Et quelle ignorance de ne savoir pas les difficultés que les saints les plus éclairés ont fait de les recevoir I Rougissez, mes Pères, de vos im- 1 . Et tous lea saints Pères. 2. Phrase supprimée. SEIZIÈME LETTRE 189 postures ignorantes, comme dit l'Écriture aux impos- teurs ignorants comme vous : demendacio ineruditionis tuœ confundere. N'entreprenez donc plus de faire les maîtres ; vous a'avez ni le caractère ni la suffisance pour cela. Mais si vous voulez faire vos propositions plus modestement, on pourra les écouter. Car encore que ce mot de pré- sence locale ait été rejeté par saint Thomas, comme vous avez vu, à cause que le corps de Jésus-Christ n'est pas en l'Eucharistie dans l'étendue ordinaire des corps en leur lieu, néanmoins ce terme a été reçu par quel- ques nouveaux auteurs de controverse, parce qu'ils entendent seulement par là que le corps de Jésus*Ghrist est vraiment sous les espèces, lesquelles étant en un lieu particulier, le corps de Jésus-Christ y est aussi. Et en ce sens M. Arnauld ne fera point de difficulté de l'admettre, puisque M. de Saint-Cyran et lui ont déclaré tant de fois que Jésus-Christ , dans l'Eucharistie , est véritablement en un lieu particulier , et miraculeuse- ment en plusieurs lieux à la fois. Ainsi tous vos raffi- nements tombent par terre , et vous n'avez pu donner la moindre apparence à une accusation qu'il n'eût été permis d'avancer qu'avec des preuves invincibles. Mais à quoi sert , mes Pères , d'opposer leur inno- cence à vos calomnies? Vous ne leur attribuez pas ces erreurs dans la créance qu'ils les soutiennent ,> mais dans la créance qu'ils vous font tort *. C'en est assez, selon votre théologie , pour les calomnier sans crime , et vous pouvez, sans confession ni pénitence , dire la messe en même temps que vous imputez à des prêtres qui la disent tous les jours de croire que c'est une pure idolâtrie : ce qui serait un si horrible sacrilège , que 1. Qu'ils vous nnisent. 11. 190 LETTRES PROVINCIALES vous-mêmes avez fait pendre en effigie votre propre Père Jarrîge, sur ce qu'il avait dit la messe étant d'in- telligence * avec Genève. Je m'étonne donc , non pas de ce que vous leur im- posez avec si peu de scrupule des crimes si grands et si faux, mais de ce que vous leur imposez avec si peu de prudence des crimes si peu vraisemblables. Car vous disposez bien des péchés à votre gré ; mais pen- sez-vous disposer de même de la créance des hommes ? En vérité, mes Pères , s'il fallait que le soupçon de calvinisme tombât sur eux ou vous , je vous trouve- rais en mauvais termes. Leurs discours sont aussi catholiques que les vôtres; mais leur conduite confirme leur foi, et la vôtre la dément. Car si vous croyez aussi bien qu'eux que ce pain est réellement changé au corps ' de Jésus-Christ , pourquoi ne demandez-vous pas comme eux que le cœur de pierre et de glace de ceux à qui vous conseillez d'en approcher* soit sincèrement changé en un cœur de chair et d'amour? Si vous croyez que Jésus-Christ y est dans un état de mort, pour apprendre à ceux qui s*en approchent à mourir au monde , au péché et à eux-mêmes, pourquoi portez- vous à en approcher ceux en qui les vices et les pas- sions criminelles sont encore toutes vivantes ? Et com- ment jugez- vous dignes de manger le pain du ciel ceux qui ne le seraient pas de manger celui de la terre ? grands vénérateurs de ce saint mystère , dont le zèle s'emploie à persécuter ceux qui Thonorent par tant de communions saintes y et à flatter ceux qui le déshonorent par tant de communions sacrilèges I Qu'il est digne de ces défenseurs d'un si pur et si adorable sa- i. Au temps où il était. 2. De s'en approcher. SEIZIÈME LETTRE 191 crifice d'environner Ma table de Jésus-Christ de pécheurs envieillis tout sortant de leurs infamies , et de placer au milieu d'eux un prêtre que son confesseur même envoie de ses impudicités à l'autel, pour y offrir, en la place de Jésus-Christ, cette victime toute sainte au Dieu de sainteté , et la pqrter de ses mains souillées en ces bouches toutes souillées ! Ne sied-il pas bien à ceux qui pratiquent cette conduite par toute la terre, selon des maximes approuvées de leur propre général, d'imputer à l'auteur de \Si Fréquente Communion e.i aux Filles du Saint-Sacrement de ne pas croire le saint Sacrement? Cependant cela ne leur suffit pas encore. Il faut, pour satisfaire leur passion, qu'ils les accusent enfin d'avoir renoncé à Jésus-Christ et à leur baptême. Ce ne sont pas là, mes Pères , des contes en l'air comme les vôtres. Ce sont les funestes emportements par où vous avez comblé la mesure de vos calomnies. Une si insigne fausseté n'eût pas été en des mains dignes de la soutenir , en demeurant en celles de votre bon ami Filleau, par qui vous l'avez fait naître : votre Société se l'est attribuée ouvertement ; et votre Père Meynier vient de soutenir, comme une vérité certaine, que Port-Royal forme une cabale secrète depuis 35 ans, dont M. de Saint-Cyran et M. d'Ipre ont été les chefs, pour rui- ner le mystère de V Incarnation^ faire passer l'Évangile pour une histoire apocryphe, exterminer lareligionchré' tienne, et élever le déisme sur les ruines du christianisme. Est-ce là tout , mes Pères ? serez-vous satisfaits si l'on croit tout cela de ceux que vous haïssez ? Voire animosité serait-elle enfin assouvie, si vous les aviez mis en hor- reur, non seulement à tous ceux qui sont dans l'Église, 1 . De faire enTironner. i 19i LETTRES PaOVLXCIALES par rinielligence avec Genève^ dont vous les accusez, mais encore à tous ceux qui croient en Jésus-Christ, quoique hors FÉglise, par le déisme que vous leur im- putez ? Mais qui ne sera surpris de Faveuglement de votre conduite? Car à qui prétendez-vous persuader \ sur votre seule parole, sans la moindre apparence de preuve et avec toutes les contradictions imaginables , que des évéques et des prêtres qui ne prêchent que la gr&ce de Jésus-Christ, la pureté de FÉvangile et les>obligations du baptême, avaient renoncé* à leur baptême, à TÉvangile et à Jésus-Christ ; qu'ils n'ont travaillé que pour établir cette apostasie, et que le Port-Royal y travaille encore'? Qui le croira, mes Pères? Le croyez-vous vous-mêmes, misérables que vous êtes ? Et à c[uelle extrémité êtes- vous réduits, puisqu'il faut nécessairement ou que vous prouviez cette accusation*, ou que vous passiez pour les plus abandonnés calomniateurs qui furent jamais I Prouvez-le donc, mes Pères. Nommez cet ecclésiastique de mérite, que vous dites avoir assisté à cette assemblée de Bourg-Fontaine en 1621 , et avoir découvert à votre FiUeau le dessein qui y fut pris de détruire la religion chrétienne. Nommez ces six personnes que vous dites y avoir formé cette conspiration. Nommez celui qui est désigné par ces lettres A. A,, que vous dites, p. 15, n'être pas Antoine Amauld, parce qu'il vous a con- vaincus qu'il n'avait alors que neuf ans, mais un autre qui est encore envie, et qui est trop bon ami'' de M, Ar- iiauld pour lui être inconnu. Vous le connaissez donc, 1. Mais & qui prétendez-vous. 2. Ont renoncé. 3. La phrase, qu'ils n*ont travaillé , supprimée» 4. Que vous prouviez qu'ils ne croient pas en Jésus-Christ. 5. Que vous dites être encore en vie, et trop bon ami. SEIZIËME LETTRE 193 mes Pères; et par conséquent, si vous n'êtes vous- mêmes sans religion, vous êtes obligés de déférer cet impie au roi et au parlement, pour le faire punir comme il le mériterait. Il faut parler , mes Pères : il faut le nommer, ou souffrir la confusion de n'être plus regar- dés que comme des menteurs indignes d'être jamais crus. C'est en cette manière que le bon Père Valérien nous a appris qu'il fallait mettre à la gêne et pousser à bout de tels imposteurs. Votre silence là-dessus sera une pleine et entière conviction de cette calomnie diabo- lique. Les plus aveugles de vos amis seront contraints d'avouer que ce ne sera point un effet de votre vertu, mais de votre impuissance ; et d'admirer que vous ayez été si méchants que de l'étendre jusques aux religieuses de Port-Royal ; et de dire , comme vous faites p. 14, que le Chapelet secret du saint Sacrement , composé par l'une d'elles, a été le premier fruit de cette conspiration contre Jésus-Christ ; et dans la p. 95 , qu'on leur a inspiré toutes les détestables maximes de cet écrite qui est, selon vous, une instruction rfe déisme. On a déjà ruiné invinciblement vos impostures sur cet écrit, dans la Défense delà censure de feu M. l'ar- chevêque de Paris contre votre Père Brisacier. Vous n'avez rien à y repartir , et vous ne laissez pas d'en abuser encore d'une manière plus honteuse que jamais pour attribuer à des filles d'une piété connue de tout le monde le comble de l'impiété. Cruels et lâches per- sécuteurs, faut-il donc que les cloîtres les plus retirés ne soient pas des asiles contre vos calomnies I Pendant que ces saintes vierges adorent nuit et jour Jésus-Christ au saint Sacrement, selon leurinstitution^ vousne cessez nuit et jour de publier qu'elles ne croient pas qu'il soit ni dans l'Eucharistie, ni même à la droite de son Père, et vous les retranchez publiquement de l'Église^ pen- m LETTRES PROVINCIALES dant qu'elles prient dans le secret pour vous et pour toute rÉglise. Vous calomniez celles qui n*ont point d'oreilles pour vous ouïr, ni de bouche pour vous ré- pondre. Mais Jésus-Christ, en qui elles sont cachées pour ne paraître qu'un jour avec lui, voUs écoute et répond pour elles. On Tentend aujourd'hui, cette voix sainte et terrible, qui étonne la nature et qui console l'Église. Et je crains, mes Pères,^ que ceux qui endur- cissent leurs cœurs et qui refusent avec opiniâtreté de l'ouïr quand il parle en Dieu, ne soient forcés de l'ouïr avec effroi quand il leur parlera en juge. Car, enfin, mes Pères, quel compte lui pourrez-vous rendre de tant de calomnies, lorsqu'il les examinera, non sur les fantaisies de vos Pères Dicastillus, Gans et Penalossa, mais sur les règles de sa vérité éternelle et sur les saintes ordonnances de son Église, qui, bien loin d'excuser ce crime, l'abhorre tellement, qu'elle l'a puni de même qu'un homicide volontaire ? Car elle a différé aux calomniateurs, aussi bien qu'aux meurtriers, la communion jusques à la mort, par le premier et se- cond concile d'Arles. Le concile de Latran a jugé in- dignes de l'état ecclésiastique ceux qui en ont été con- vaincus, quoiqu'ils s'en fussent corrigés. Les papes ont môme menacé ceux qui auraient calomnié des évoques, des prêtres, ou des diacres, de ne leur point donner la communion à la mort. Et les auteurs d'un écrit diffama- toire, qui ne peuvent prouver ce qu'ils ont avancé, sont condamnés par le pape Adrien à être fouettés, mes Ré- vérends Pères, flagellentur: tant l'Église a toujours été éloignée des erreurs de votre Société, si corrompue qu'elle excuse d'aussi grands crimes que la calomjiie, pour les commettre elle-même avec plus de hberté. Certainement, mes Pères, vous seriez capables de produire parla beaucoup de maux, si Dieu n'avait per- SEIZIÈME LETTRE 195 mis que vous ayez fourni vous-mêmes les moyens de les empêcher et de rendre toutes vos iimpostures sans effet. Car il ne faut que publier cette étrange maxime qui les exempte de crime, pour vous ôter toute créance. La calomnie est inutile, si elle n'est jointe à une grande réputation de sincérité. Un médisant ne peut réussir, s'il n'est en estime d'abhorrer la médisance, comme un crime dont il est incapable. Et ainsi, mes Pères, votre propre principe vous trahit. Vous l'avez établi pour assurer votre conscience. Car vous vouliez mé- dire sans être damnés, et être de ces saints et pieux calomniateurs dont parle saint Athahase. Vous avez donc embrassé, pour vous sauver de l'enfer, cette maxime qui vous en sauve sur la foi de vos docteurs; mais cette maxime même, qui vous garantit, selon eux, des maux que vous craignez en l'autre vie, vous ôte en celle-ci l'utilité que vous en espériez : de sorte qu'en pen- sant éviter le vice de la médisance, vous en avez perdu le fruit : tant le mal est contraire à soi-même, et tant il s'embarrasse et se détruit par sa propre malice. Vous calomnieriez donc plus utilement pour vous en faisant profession de dire avec saint Paul que les simples médisants, maledici, sont indignes de voir Dieu, puisqu'au moins vos médisances en seraient plutôt crues ; quoiqu'à la vérité vous vous condamneriez vous- mêmes; mais en disant, comme vous faites, que la ca- lomnie contre vos ennemis n'est pas un crime, vos mé- disances ne seront point crues, et vous ne laisserez pas de vous damner. Car il est certain, mes Pères, et que vos auteurs graves n'anéantiront pas la justice de Dieu, et que vous ne pouviez donner une preuve plus cer- taine que vous n'êtes pas dans la vérité, qu'en recou- rant* au mensonge. Si la vérité était pour vous, elle combattrait pour vous, elle vaincrait pour vous; et, ^ IW LETTRES PROVINCIALES quelques eiuiouiis que vous eussiez, la Vérité vous en délivrerait^ selon sa promesse. Vous n'avez recours au mensonge que pour soutenir les erreurs dont vous flattez les pécheurs du monde, et pour appuyer les calomnies dont vous opprimez les personnes de piété qui s'y op- posent. La vérité étant contraire à vos fins, il a fallu mettre votre confiance au mensonge , comme dit un prophète. Vous avez dit : Les malheurs qui affligent les hommes ne viendront pas jusques à nous; car nous avons espéré au mensonge y et le mensonge nous proté- ge7'a. Mais que leur répond le prophète ? D'autant , dit-il, que vous avez mis votre espérance en la calomnie et au tumulte, sper astis in calumnia et in tumultu, cette ini^ quité vous sera imputée, et votre ruine sera semblable à celle d'une haute muraille qui tombe d'une chute imprévue j et à celle d'un vaisseau de terre qu'on brise et qu'on écrase en toutes ses parties, par un effort si puissant et si universel, qu'il n'en restera pas un têt où l'on puisse puiser un peu d'eau * ou porter un peu de feu; parce que (comme dit un autre prophète) vous avez affligé le cœur du juste, que je n'ai point affligé moi- même, et vous avez flatté et fortifié la malice des im- pies. Je retirerai donc mon peuple de vos mains , et je ferai connaître que je suis leur Seigneur et le vôtre. Oui, mes Pères, il faut espérer que, si vous ne changez d*esprit, Dieu retirera de vos mains ceux que vou:$ trompez depuis si longtemps, soit en les laissant dans leurs désordres par votre mauvaise conduite, soit en les empoisonnant par vos médisances. Il fera conce - voir auK uns que les fausses règles de vos casuisles ne les mettront point à couvert de sa colère ; et il impri- mera dans l'esprit des autres lajustecrainte de se perdre • i. Avec lequel on puisse. SEIZIÈME LETTRE 197 eu VOUS écoutant, et en donnant créance' à vos impos- tures ; comme vous vous perdez vous-mêmes en les inventant et en les semant dans le monde. Car il ne s\ faut pas tromper : on ne se moque point de Dieu, et on ne viole point impunément le <;omraanderaent qu'il nous a fait dans l'Évangile, de ne point condamner notre prochain sans être bien assuré qu'il est coupable. Et ainsi, quelque profession de piété que fassent ceux qui se rendent faciles à recevoir vos mensonges, et sous quelque prétexte de dévotion qu'ils le fassent, ils doi- vent appréhender d'être exclus du royaume de Dieu pour ce seul crime , d'avoir imputé d'aussi grands crimes que l'hérésie et le schisme à des prêtres catho- liques et à des religieuses *, sans autre preuves que des impostures aussi grossières que les vôtres. Le démon^ dit M. de Genève, est sur la langue de celui qui médit ^ et dans l'oreille de celui qui Vécouie, Et la médisance^ dit saint Bernard, cant. 24', est un poison qui éteint la charité en Vun et en Vautre. De sorte qu'une seule ca- lomnie peut être- mortelle à une infinité d'âmes, puis- qu'elle tue non seulement ceux qui la publient y mais encore tous ceux qui ne la rejettent pas. Mes révérends Pères, mes Lettres n'avaient pas accoutumé de se suivre de si près, ni d'être si étendues. Le peu de temps' que >'ai eu a été cause de l'un et de l'autre. Je n'ai fait celle-ci plus longue que parce que je n'ai pas eu le loisir dnt quelques auteurs de ces derniers temps, et entre autres le cardinal Bellarmin, n'ont pas cru se rendre hérétiques pour avoir soutenu contre tant de papes et de conciles que les écrits d'Honorius sont exempts de Terreur qu'ils avaient déclaré y être, parce, dit-il, que des conciles généraux pouvant errer dans les questions de fait, on peut dire en toute assu- rance que le vi^ concile s'est trompé en ce fait-là ; et que, n'ayant pas bien entendu le sens des lettres d'Honorius, il a mis à tort ce pape au nombre des héré- tiques. Remarquez-donc bien , mon Père , que ce n'est pas être hérétique de dire que le pape Honorius ne l'était pas, encore que plusieurs papes et plusieurs conciles l'eussent déclaré , et même après l'avoir examiné. Je viens donc maintenant à notre question, et je vous per- mets de faire votre cause aussi bonne que vous le pour- rez. Que direz-vous, mon Père, pour rendre vos adver- saires hérétiques? Que le pape Innocent X a déclai^é que l'erreur des cinq propositions est dans Jansénius ? Je vous laisse dire tout cela. Qu'en concluez-vous? Que c^est être hérétique de ne pas reconnaître que l'erreur des cinq propositions est dans Jansénius ? Que vous en semble-t-il, mon Père? N'est-ce donc pas ici une ques- tion de fait, de même nature que les précédentes ? Le pape a déclaré que l'erreur des cinq propositions est dansJansénius,demême que ses prédécesseurs avaient déclaré que l'erreur des nestoriens et des monothélites était dans les écrits de Théodoret et d'Honorius. Sur quoi vos Pères ont écrit qu'ils condamnent bien ces hérésies, mais qu'ils ne demeurent pas d'accord que ces auteurs les aient teques : de même que vos adversaires DIX-SEPTIEME LETTRE «29 disent aujourd'hui qu'ils condamnent bien ces cinq propositions, mais qu*ils ne sont pas d'accord que Jansénius les ait enseignées. En vérité, mon Père, ces cas-là sont bien semblables; et, s'il s'y trouve quelque différence, il est aisé de voir combien elle est à l'avan- tage de la question présente, par la comparaison de plusieurs circonstances particulières, qui sont visibles d'elles-mêmes, et que je ne m'arrête pas à rapporter. D'où vient donc , mon Père, que , dans une même cause, vos Pères sont catholiques et vos adversaires hérétiques? Et par quelle étrange exception les privez- vous d'une liberté que vous donnez à tout le reste des fidèles ? Que direz-vous sur cela, mon Père? Que le pape a confirmé sa Constitution par un bref?3Q vous répon- drai que deux conciles généraux et deux papes ont con- firmé la condamnation des lettres d'Honorius. Mais quelle force prétendez-vous faire sur les paroles de ce bref, par lesquelles le pape déclare qu'il a condamné la doctrine de Jansénius dans ces cinq propositions ? Qu'est-ce que cela ajoute à la Constitution, et que s^en- suit-ilde là? sinon que, comme le vi* concile condamna la doctrine d'Honorius, parce qu'il croyait qu'elle était la môme que celle des monothélites , de même le pape a dit qu'il a condamné la doctrine de Jansénius dans ces cinq propositions, parce qu'ila supposé qu'elle étaitla même que ces cinq propositions. Et comment ne l'eût-il pas cru? Votre Société ne publie autre chose; et vous- même, mon Père, qui avez dit qu'elles y sont mot à mot^ vous étiez à Rome au temps de la censure ; car je vous rencontre partout. Se fût-il défié de la sincérité ou de la suffisance de tant de religieux graves? Et comment n'eût-il pas cru que la doctrine de Jansénius était la même que celle des cinq propositions, dans l'assurance îdO LETTRES PROVINCIALES que vous lui aviez donnée qu*elles étaient mot à mot de cet auteur? Il est donc visible, mon Père, que, s'il se trouve que Jansénius ne les ait pas tenues, il ne faudra pas [dire , comme vos Pères ont fait dans leurs exemples, que le pape s'est trompe en ce point de fait, ce qu'il est toujours fâcheux de publier : maïs il ne faudra que dire que vous avez trompé le pape ; ce qui n'apporte plus de scandale, tant on vous connaît main- tenant; Ainsi , mon Père , toute cette matière est bien éloignée de pouvoir former une hérésie. Mais comme vous voulez en faire une à quelque prix que ce soit , vous avez essayé de détourner la question du point de fait pour la mettre en un point de foi; et c'est ce que vous faites en cette sorte. Le pape, dites-vous, déclare qu'il a condamné la doctrine de Jansénius dans ces cinq propositions ; donc il est de foi que la doctrine de Jansénius touchant ces cinq propositions est hérétique, telle quelle soit. Voilà, mon Père, un point de foi bien étrange, qu'une doctrine est hérétique, telle qu'elle puisse être. Eh quoil si, selon Jansénius, on peut résis- ter à la grâce intérieure, et s'il est faux, selon lui, que Jésus-Christ ne soit mort que pour les seuls prédestinés, cela sera-t-il aussi condamné, parce que c'est sa doc- trine? Sera-t-il vrai dans la Constitution du pape qne Von a la liberté de faire le bien et le mal, et cela sera- t-il faux dans Jansénius? Et par quelle fatalité serat-il si malheureux, que la vérité devienne hérésie dans son hvre? Ne faut-il donc pas confesser qu'il n'est hérétique qu'au cas qu'il soit conforme à ces erreur condamnées ; puisque la Constitution du pape est la règle à laquelle on doit appliquer Jansénius pour juger de ce qu'il est, selon le rapport qu'il y aura : et qu'ainsi on résoudra celte question, savoir si sa doctrine est DlX-SEPTlÉME LETTRE 231 hérétique, par cette autre question de fait, «avoir 5i elle est conforme au sens naturel de ces propositions ; étant impossible qu'elle ne soit hérétique, si elle y est con- forme, et qu eliene soit catholique, si elle y est contraire? Car enfin, puisque, selon le pape et les évêques, les propositions sont condamnées en leur sens propre et naturel, il est impossible qu'elles soient condamnées au sens de Jansénius , sinon au cas que le sens de Jansénius soit le même que le sens propre et naturel de ces propositions, ce qui est un point de fait. La question demeure donc toujours dans ce point de lait, sans qu'on puisse en aucune sorte l'en tirer pour la mettre dans le droit. Et ainsi on n'en peut faire une matière d'hérésie ; mais vous en pourriez bien faire un prétexte de persécution , s'il n'y avait sujet d'espérer qu'il ne se trouvera point de personnes qui entrent as- sez dans vos intérêts poursuivre un procédé si injuste, et qui veuillent contraindre de signer, comme vous le souhaitez, que Von condamne ces propositions au sens de Jansénius, sans expliquer ce que c'est que ce sens de Jansénius. Peu de gens sont disposés à signer une confession de foi en blanc. Or ce serait en signer une *, que vous remphriez ensuite de tout ce qu'il vous plai- rait; puisqu'il vous serait libre d'interpréter à votre gré ce que c'est que ce sens de Jansénius qu'on n'aurait pas expliqué. Qu'on l'explique donc auparavant; autre- ment vous nous feriez encore ici un pouvoir prochain, abstrahendo ab omni sensu. Vous savez que cela ne réussit pas dans le monde. On y hait l'ambiguïté , et surtout en matière de foi , où il est bien juste d'enten- dre pour le moins ce que c'est que l'on condamne. Et comment se pourrait-il faire que des docteurs,qui sont 1. En signer une en blanc. À S8t LETTRES PROVINGIilLLES persuadés que Jansénius n'a point d'autre sens que ce- lui de la grâce efficace, consentissent à déclarer qu'ils condamnent sa doctrine sans l'expliquer ; puisque dans la créance qu'ils en ont, et dont on ne lesretirepoint, ce ne serait autre chose que condamner la grâce efficace, qu'on ne peut condamner sans crime ? Ne serait-ce donc pas une étrange tyrannie de les mettre dans cette malheureuse nécessité, ou de se rendre coupables de- vant Dieu, s'ils signaient cette condamnation contre leur conscience, ou d'être traités d'hérétiques, s'ils re- fusaient de le faire ? Mais tout cela se conduit avec mvstère. Toutes vos démarches sont politiques. Il faut que j'explique pour- quoi vous n'expHquez pas ce sens de Jansénius. Je n'écris que pour découvrir vos desseins , et pour les rendre inutiles en les découvrant. Je dois donc apprendre à ceux qui lignèrent que votre principal intérêt dans cette dispute étant de relever la grâce suffisante de votre Molina, vous ne le pouvez faire sans ruiner la grâce efficace, qui y est tout opposée. Mais comme vous la voyez ' aujourd'hui autorisée à Rome et parmi tous les savants de l'Église, ne la pouvant combattre en elle- même, vous vous êtes avisés de l'attaquer sans qu'on s'en aperçoive, sous le nom de la doctrine de Jansénius. Ainsi il a fallu que vous ayez recherché de faire con- damner Jansénius sans l'expliquer, et que, pour y réussir, vous ayez fait entendre que sa doctrine n'est point celle de la grâce efficace, afin qu'on croie pou- voir condamner l'une sans l'autre. De là vient que vous essayez aujourd'hui de le persuader à ceux qui n'ont aucune connaissance de cet auteur. Et c'est ce que vous faites encore vous-même, [mon Père, dans vos « 1. Comme vous voyez ceUe-ci. «^ DIX-SEPTIEME LETTRE 233 Cavilli, p. 23 , par ce fin raisonnement : Le pape a condamné la doctrine de Jansénius;or le pape n'a pas condamné la doctrine de la grâce efficace ; donc la doctrine \de la grâce efficace est différente de celle de Jansénius. Si cette preuve était concluante, on montrerait de même qu'Honorius, et tous ceux qui le soutiennent, sont hérétiques, en cette sorte : Le vi'' concile a con- damné la doctrine d'Honorius ; or le concile n'a pas condamné la doctrine de l'Église : donc la doctrine d'Honorius est différente de celle de l'Église. Donc tous ceux qui la défendent sont hérétiques. Il est visi- ble que cela ne conclut rien, puisque le pape n'a con- damné que la doctrine des cinq Propositions , qu'on lui a fait entendre être celle de Jansénuis. Mais il n'importe; car vous ne voulez pas vous servir longtemps de ce raisonnement. Il durera assez , tout faible qu'il est, pour le besoin que vous en avez. Il ne vous est nécessaire que pour faire que ceux qui ne veu- lent pas condamner la grâce efficace condamnent Jan sénius sans scrupule. Quand cela sera fait, oh oubliera bientôt votre argument, et les signatures demeurant en témoignage éternel de la condamnation de Jansénius, vous prendrez l'occasion pour attaquer directement * la grâce efficace par cet autre raisonnement bien plus so- lide, que vous en formerez * en son temps : La doctrine de Jansénius j direz-vous, a été condamnée par les sous- criptions universelles de toute l'Eglise; or, cette doc- trine est manifestement celle de la grâce efficace ; et vous prouverez cela bien facilement : donc la doctrine de la grâce efficace est condamnée par raveu même de ses défenseurs. Voilà pourquoi vous proposez de signer 1. D'attaquer directement. 2. Que TOUS formerez. 234 LETTRES PROVINCIALES cette condamnation d'une doctrine sans l'expliquer. Voilà Tavanlage que vous prétendez tirer de ces sous- criptions. Mais si vos adversaires y résistent, vous ten- dez un autre piège à leur refus. Car, ayant joint adroi- tement la question de fqi à celle de fait , sans vouloir permottro qu'ils l'en séparent, ni qu'ils signent l'une sans l'autre, comme ils ne pourront souscrire les deux ensemble, vous irez publier partout qu'ils ont refusé les deux ensemble. Et ainsi, quoiqu'ils ne refusent en efiet que de reconnaître que Jansénius ait tenu ces propo- sitions qu'ils condamnent, ce qui ne peut faire d'hérésie, vous direz hardiment qu'ils ont refusé de condamner les propositions en elles-mêmes , et que c'est là leur hérésie. Voilà le fruil que vous tirerez de leur refus, qui ne vous sera pas moins utile que celui que vous tirerez de leur consentement. De sorte que si on exige ces si- gnatures, ils tomberont toujours dans vos embûches, soit qu'ils signent ou qu'ils ne signent pas, et vous au- rez votre compte de part ou d'autre : tant vous avez eu d'adresse à mettre les choses en état de vous être toujours avantageuses, quelque pente qu'elles puissent prencfre ! Que je vous connais bien, mon Père I et que j'ai de regret de voir que Dieu vous abondonne, jusqu'à vous faire réussir si heureusement dans une conduite si malheureuse ! Votre bonheur est digne de compassion, et ne peut être envié que par ceux qui ignorent quel est le véritable bonheur. C'est être charitable que de traverser celui que vous recherchez en toute cette con- duite, puisque vous ne l'appuyez que sur le mensonge, et que vous ne tendez qu'à faire croire l'une de ces deux faussetés : ou que i'ÉgUse a condamné la grâce effi- cace, ou que ceux qui la défendent soutiennent les cinq erreurs condamnées. Il faut donc apprendre à tout le monde, et que la grâce efficace n'est pas condam- DIX-SEPTIÈME LETTRE 23S née, par votre propre aveu, et que personne ne soutient ces erreurs ; afin qu'on sache que ceux qui refuseraient de signer ce que vous voudriez qu'on exigeât d'eux ne le refusent qu'à cause de la question de fait ; et qu'étant prêts à signer celle detoi, ils ne sauraientêtre hérétiques par ce refus, puisqu'enfin il est bien de foi que ces pro- positions sont hérétiques, mais qu'il ne sera jamais de foi qu'elles soient de Janséniys. Ils sont sans erreur, cela suffit. Peut-être interprètent-ils Jansénius trop fa- vorablement ; mais peut-être ne l'interprétez-vous pas assez favorablement. Je n'entre pas là-dedans. Je sais au moins que, selon vos maximes, vous croyez pouvoir sans crime publier qu'il est hérétique , contre votre propre connaissance, au lieu que , selon les leurs , ils ne pourraient sans crime dire qu'il est catholique, s'ils n'en étaient persuadés. Ils sont donc plus sincères que vous, mon Père ; ils ont plus examiné Jansénius que vous ; ils ne sont pas moins intelligents que vous ; ils ne sont donc pas moins croyables que vous. Mais, quoi qu'il en soit de ce point de fait, ils sont certaine- ment catholiques, puisqu'il n'est pas nécessaire pour l'être de dire qu'un autre ne l'est pas; et que, sans charger personne d'erreur, c'est assez de s'en déchar- ger soi-même. Mon révéï^end Pc'rCf si vous avez peine à lire cette Lettre ^ pour n'être pas en assez heau caractère, ne vous en prenez qu'à vous- même. On ne me donne pas de privilèges comme à vous. Vous en avez pour combattre jusqu'aux miracles; je n'en ai pas pour me défendre. On court sans cesse les imprimeries. Vous ne me conseilleriez pas vous-même de vous écrire davantage dans cette difficulté. Car c'est un trop grand embarras d'être réduit à l'impression d'Osnabruk. REMiRQTJES SUR LA DIX-SEPTIÈME PROVINCIALE P. 211. — Du 23 janvier 1657, — On verra plus loin que cette Lettre, quoique |datée du 23 janvier, n*a réel- lement paru que le d9 février. — Tant d'écrits en peu de temps, — Voici ceux que je connais de ces écrits : Response à la Lettre i5(par le P. Nouet), laquelle no parut, comme la dernière page en témoigne, qu'après la publication de la Lettre l6. Response d'un théologien aux propositions extraites 4 des Lpttres des Jansénistes par quelques curez de Rouen^ présentée à messeigneurs les évesques de rassemblée du clergé. Cette réponse a été comprise dans le recueil des Responses aux Lettres Provinciales (p. 41 i ), et d'après la manière dont elle y est placée, elle paraît être aussi du P. Nouet. Sur cet incident, voir l'In- troduction, page XVII. Le Rabat-joie des Jansénistes ^ ou observations néces- saires sur ce qu'on dit être arnvé à Port-Royal, au sujet de la Sainte Épine, par un docteur de l'Église ci- tholique. Ce livre est du P. Annat, quoiqu'il no l'ait pas signé. Voir mes Remarquessur la Lettre 46, page 206. La Ronne Foy des Jansénistes dans la citation des autheurs, reconnue dans les Lettres que le secrétaire de Port-Royal a fait courir depuis Pasques, par le P. Fran- çois Annat, de la Compagnie de Jésus, écrit de 50 pages in-4°, de décembre 4656. 11 se trouve dans un re- cueil de la bibliothèque de la Sorbonne. T. H. j' 1. Response à la plainte des Jansénistes de ce qu'on les DIX-SEPTIEME LETTRE 237 appelle hérétiques, par le P. François Ânnat^de la Com- pagnie de Jésus, Elle se trouve dans le recueil des Responses aux Lettres Provinciales^ page 430. Response à la seizième Lettre, (p. 463 du même re- cueil). Elle est aussi du P. Anuat. P. 211. — Dans ce livre que vous venez de publier. — La Bonne Foy des Jansénistes, P. 212. — Que je vous y vas répondre. — Que je vais vous répondre là-dessus. — Quand m'a-t-on vu à Charenion. — Voir les Remar- ques, page 203. — Quelle Constitution de pape. — Ce mot n'est pas très employé en général, mais il Test assez souvent en parlant de la constitution ou de la bulle Untge- nitus de Clément XI, en 1713. Ici Pascal pense évi- demment à la bulle d'Innocent X, contre lés cinq propositions. Un peu plus loin, il l'appelle simple- ment a la Constitution ». P. 213. — Quand f ai dit par exemple dans la quatorzième. — Voir page 124. P. 214. — On a lien délogé des gens de Sorbfmne, — On avait retranché de la Sorbonne une soixantaine de doc- teurs qui avaient refusé de souscrire à la censure prononcée contre Arnauld. Les docteurs logeaient donc dans les bâtiments de la célèbre école. — Vous pouvez bien préparer des violences. — En les obligeant, sous peine de perdre leurs bénéfices ou leurs emplois, de signer un formulaire qui condam- nait Jansénius. Voir les Mémoires du F. Rapin^ L 2, page 463. — Et vous me parlez de la mort du Père Mester. — Le P. Mester ou Meyster était un prêtre flamand, d'une congrégation de missionnaires , dont la mort avait fait grand brait en I64«S.Le P. Rapin (Mémoires, t. I, p. 223) raconte qne « s'étant laissé gâter l'esprit par les maximes de la ntuvelle doctrine sur la prédes- tination > (c'est-à-dire par les idées jansémstei^Jy il à S38 LETTKES PROVINCIALES se tua d'un coup de couteau, et mourut en proférant « des blasphèmes exécrables contre Jésus-Christ ». P. 215. — Le livre de la sainte Virginité. — C'est un livre de saint Augustin, traduit par le P. Seguenot,mais à la traduction étaient jointes des notes qui furent at- tribuées à Saint-Gyran. Voir Sainte-Beuve, Port- Royal, livre II, b9 VI. P. 217. — A Saint-Louis. — L'église des jésuites, aujour- d'hui Saint- Paul-Saint-Louis, rue Saint- Antoine. — A une de vos petites bergères, — On habillait sans doute les enfants en bergers et en bergères, pour représenter les bergers à qui un ange annonça la la naissance du Christ. Luc, II, 8. — Qui en a été interdit. — Qui, pour cela, a été interdit. Voir Lettre 1 5, page 146. — Quand vous commençâtes à les accuser » — Ces propo* sitions, formulées par le docteur Cornet, comme contenant l'essence du jansénisme, furent déférées par lui à la Sorbonne le 1" juillet 1649. Cette dénon^ dation n'aboutit pas alors ; mais deux ans après les propositions furent déférées au pape, et condamnées par une bulle d'innocent X, en 1653. — Car M. de Sainte-Beuve . — Jacques de Sainte-Beuve j né en 1613, mort en 1677. — Professeur du roi en Sorbonne, — Il affecte de lui donnerce titre, parce qu'on venait de le lui ôter cette année môme , à la suite de la condamnation d'Ar- nauld en Sorbonne, pour avoir refusé de souscrire à cette condamnation. Mémoires du P. Rapin ^ t. 2j page 417. ^- Celui de la Grâce victorieuse. — Paris, 16oli — Ce livre , donné comme une œuvré anonyme et col- lective , se composait en • réalité des leçons laites sur la grâce par le docteur Sainte-BeuvOj dans sa chaire. Voir les Mémoires du P. Rapin, t. 1, page 93, et les Responses aux Lettres Provinciales, page 436. •^ Ces paroles de saiht Prosper. -— In prxfatione respon- DlX-SEPTIÈiME LETTRE . 239 sionis ad capitula objectionum Vincentianarum (Ni- cole). P. 218. — Quils ont exprimé par leur écrit. — Le texte dit : « par leur dénonciation diabolique. » Le reste du passage a été fort abrégé dans Pascal. — Dans votre Response à quelques demandes. — Cet écrit du P. Annat est antérieur à la fameuse seconde Lettre d'Arnauld, où il est cité. P. 219. — Lit saint Grégoire ^ pape, — Regest, lib, V, Ép, /5 (Nicole). C'est-à-dire dans XeRegistrum ou recueil do ses Lettres. — Purgare^ sed facere. — ^ Ép. 16. — Dans vos Camlliy page 39, — Le titre complet est : Cavilli Jansenianorum contra latamin ipsosa Sede apos- tolica sententiam, etc. « Chicanes des Jansénistes contre la sentence portée sur eux par le Siège apos- . tolique. » Cet écrit est de 1654. Il a été reproduit dans le recueil intitulé : Francisci Annati Soc, J, opuscuia theologica ad Gratiam spectantia, in très di- gesta tomos^ Paris, 1666, au tome 3. P. 220. — Sans que vous l'ayez jamais pu faire. — Voir l'In- troduction, page Lix. P. 221. — Qui fut entre saint Basile et saint Athanase. — Voir Basile, Lettre 9, à Maxime, et Athanase, de Dio* nysiOy n®4. P. 222. — Je vous en dis de même. — A quoi se rapporte cet en? C'est comme s'il disait : Je vous dis sur cela la môme chose ; je vous dis la même chose de la ques- tion qui est entre nous, et qui est la même question. — 3'ai ces avis entre mes mains. — Nicole les a placés à la fin de sa traduction latine des Provinciales, page 571 de la première édition, 1658* P. 223. — Et tout le monde s'est rendu à son jugement, — Expression un peu cavalière, qui semble faire dé' pendre l'autorité du jugement du pape de ce que tout le monde s'y est rendu. -r- Ne verbum quidem. — Ces mots ne sont pas dans 240 .LETiTRES PROVINCULES le texte d'Ânnat tel que le donne Nicole. Voici ce texte, que Pascal a rendu d'ailleurs fidèlement quant à la pensée : Nam cum dicturi essent de quinque propositionibuSj effusa est in commendationem sancti Augustini et gratix 'perse ipsam efficacisoratio, de qui- bus nulla erat controversia, et post longa quatuor circa horarumfastidia, compertum est nondum cœpisse dicere de tribus capellis. Ces trois derniers mots sont une expression proverbiale, prise d'une épigramme de Martial, VI, 19. P. 224. — Mais qui en cela n'est pas infaillible. — Il recon- naît donc qu'elle l'est en matière de foi ; mais il entend parler de l'autorité d'un concile général, et non de l'autorité du pape. Pour celle-ci , Pascal ne l'a jamais crue infaillible, quoiqu'il acceptât la con- damnation des cinq propositions. Voir les Pensées, t. 2, page i22 de mon édition. De même ce qu'il accorde, qu'il peut y avoir témérité (voir la pre- mière Provinciale) à ne pas accepter la décision de l'Église sur un point de fait, ne se rapporte aussi qu'à la décision d'un concile général. P. 226. — Et même à la tête d'un concile, — Bellarmin com- mence par dire « même dans l'Assemblée de ses conseillers i, et cum suo cœtu consiliariorum; mais Pascal a supprimé cette hypothèse, qui ne lui impo- sait pas. Bellarmin est un jésuite , tout dévoué à l'autorité pontificale. Nicole donne ce renvoi : De summo pontif.j lib. IV, cap. 11 et 2. — Et le cardinal Baronius. — Adann. 681, n<* 39. — M. V archevêque de Toulouse. — M. de Marca, au- teur d'un livre intitulé : Concordia imperii et sacerdotii, 1641. La citation est sans doute prise de ce livre. — Parce que, comme dit Tertullien. — Pascal, je crois, rend plutôt ici la pensée de Tertullien que son texte : Fides in régula posita est {Deprœscr., 14). — Cest ainsi que le iv« et le v« concile. — Ceux de Chalcédoino (451) et de Constantinople (553). Ces 0IX-SE(*T1EHE LETTRE Ui deax conciles parurent se contredire sur ce qu'on appelle les trois chapitres, c'est-à-dire trois écrits, de trois auteurs différents, Théodore de Mopsucstc, Ibas d'Edesse et Théodoret de CjTrha. Ces écrits avaient été tenus pour orthodoxes par le iv^ concile, tandis que trois chapitres furent condamnés par le V*, comme favorables à Thérésio de Nestorius, qui consistait à reconnaître deux personnes en Jésus- Christ; llÉglise n'en reconnaît qu'une {Catéchisme du diocèse, l^* partie, leçon viii). P. 225. — Une proposition de certains moines de Scythie* — Cette proposition était celle-ci : « C'est une per- sonne de la Trinité qui a été crucifiée. » Cela se passe en 520. Ce que Pascal appelle un bon sens est que le Fils a été crucifié comme homme, mais non comme Dieu. P. 226. — Au jour du jugement. — Nicole ajoute qu'ils de- vaient être réconciliés t par le Christ », pei* Chrislwn liberandis. — Que deviendrait votre Père Halloix? — Pierre Hal- loixjjésuite liégeois, né en 1 572, mort en 1 654 : Origines (sic) defensuSy sive Oriyinis Adamantii (sic) presby' teri, amaloris Jesu, vita , virtutes , documenta , etiam vcritalis super ejus vita, doctrina, statu f annexa disquisitio, 1648, in-fol. Le livre fut mis à V Index, P. 227. — Pic de la Mirande et Genelrard, — On dit plus souvent « de la Mirandole ». Gilbert Gcncbrurd, , bénédictin, puis archevêque d'Aix, né en 1537, mort en 1597, adonné une édition d'Origénc. — Les écrits de Théodoret contre saint Cyrille, — Ou plutôt l'écrit : c'est cet écrit qui constitue un dcB trois chapitres. — Et cependant le Père Sirrnond, — JacquoH. Voir \cn Remarques, page 26. lia donné une édition de Théo- doret. — Par celui du pape Honorim, — Pape de OÏO à 638. n. i4 Ui LETTRES PROVINCIALES P. 227. — L'hérésie des monothélites, — C'est-à-dire ceux qui n'admettaient dans le Christ qu'une seule volonté. L'Église, reconnaissant dans le Christ deux natures, divine et humaine (Catéchisme du diocèse^ ibidem), lui reconnaît aussi deux volontés. — Dans le vi* concile général. — A Constantino- pie, 681. — Par deux autres conciles généraux. — Les vu* et VIII* , de Nicée en 787, et de Constantinople en 870. — Par le pape Léon U. — [Léon II fut pape de 682 à 684; Adrien II, de 867 à 872. P. 220. — Qui sont visibles d'elles-mêmes. — Il veut dire sans doute le crédit des jésuites et leur influence. — Mais quelle force prétendez'vous faire? — On com- prend qu'on ait corrigé cette phrase, qui ne s'entend pas bien. — A confirmé sa constitution par un bref. — C'est sans doute de ce bref que le P. Rapin entend parler, p . 227 du tome 2 de ses Mémoires. Un bref [n'a pas mçins d'autorité qu'une bulle ; il a seulement moins de solennité ; la différence est dans la forme. Voir Littré. — Vous étiez à Home, — Voir Sainte-Beuve, Port- Royalf livre III, n® vi. P. 230. — Ce qu'il est toujours fâcheux de publier. — Assez pauvre ménagement; car quelqu'un qui est trompé est toujours quelqu'un qui se trompe. P. 231. — Abstrahendo ab omni sensu. — Voir lapi'cmière Lettre, 1. 1, p. 14. P. 235. — Pour combattre jusqu'aux miracles. — Allusion au Rabat'joie des jansénistes; voir page 236. — Mon révérend Père. — Cette note se rapportait à une première édition où cette longue Lettre ne for- mait que huit pages en très petit caractère. Elle fut réimprimée in-quarto en douze pages , mais on ne DIX-SEPTIÈME LETTRE 243 voulut pas perdre la note , et on la conserva en la faisant précéder de cet avis : « Et dans la copie imprimée à Osnabruck, est on ce lieu ce qui suit : » Depuis on a substitué : « A la fin de cette Lettre, dans la première édition, se trouvent ces mois : » C'est que le P. Annat, dans sa réponse à la dix- septième Lettre , s'était moqué de cette prétendue impression d'Osnabruck {Responses aux Lettres pro- vinciales, p. H07) : « Mon cher lecteur, la dix-sep- tième Lettre du secrétaire de Port-Royal vient d'ar- river. Il a fallu tout ce temps-là pour la faire venir d'Osnabruck, où il indique qu'elle a été im- primée , les Jansénistes ne l'ayant pas voulu faire imprimer à Paris, tant ils sont obéissants à la police et aux ordonnances des magistrats. » — Il faut en- tendre la police dos magistrats , et non la police absolument, comme nous disons aujourd'hui. Et à la fin , parlant du secrétaire de Port-Royal : « S'il lui prend envie de répliquer quelque chose, qu'il n'envoie plus ses écrits aux presses d'Osna- bruck. C'est se donner de la peine pour plaisir [nous dirions plutôt, par plaisir]. Amsterdam, Leyden et Genève sont plus à sa commodité, et dans tous ces lieux il ne trouvera pas seulement la permission d'imprimer ses ouvrages ; on lui en donnera môme l'approbation. » C'est pour répondre à l'affectation qu'avait eue Pascal de désigner pour lieu d'im- pression une ville dont le souverain , à cette date , était un évêque catholique , en principe du moins, car son autorité n'y était pas bien établie. — La réponse du P. Annat est extrêmement courte, parce qu'il a trouvé le sujet trop embarrassant. Nicole n'a pas fait de Notes sur cette Lettre , par politique apparemment et pour ne pas compromettre davan- tage les jansénistes avec le pape. DIX-HDITIÈME LETTRE AD RÉVÉREND P. ANNAT JÉSUITE Sur la copie imprimée à Cologne le 24 mare 1657 Mon Révérend Père, Il y a longtemps que vous travaillez à trouver quel- que erreur dans vos adversaires ; mais je m'assure que vous avouerez à la lin qu'il n'y a peut-être rien de si difficile que de rendre hérétiques ceux qui ne le sont pas, et qui ne fuient rien tant que de Têtre. J'ai fait voir, dans ma dernière Lettre, combien vous leur aviez im- puté d'hérésies Tune après l'autre, manque d'en trouver une que vous ayez pu longtemps maintenir ; de sorte qu'il ne vous était plus resté que de les en accuser, sur ce qu'ils refusaient de condamner le sens de Jansénius, que vous vouliez qu'ils condamnassent sans qu'on l'ex- pliquât. C'était bien manquer d'hérésies à leur reprocher, que d'en être réduits là : car qui a jamais ouï parler d'une hérésie que l'on ne puisse exprimer? Aussi on vous a facilement répondu, en vous représentant que, si Jansénius n'a point d'errerurs, il n'est pas juste de le condamner; et que, s'il en a, vous deviez les déclarer, 14. 246 LETTRES PROVINCIALES afin que Ton sût au moins ce que c'est que Ton con- damne. Vous ne Taviez néanmoins jamais voulu faire ; mais vous aviez essayé de fortifier votre prétention par des décrets qui ne faisaient rien pour vous, car on n'y explique* en aucune sorte le sens de Jansénius, qu'on dit avoir été condamné dans ces cinq propï)sitions. Or ce n'était pas là le moyen de terminer vos disputes. Si vous conveniez de part et d'autre du véritable sens de Jansénius, et que vous ne fussiez plus en différend que de savoir si ce sens est hérétique ou non, alors les ju- gements qui déclaraient que ce sens est hérétique tou- cheraient ce qui est* véritablement en question. Mais la grande dispute étant de savoir quel est ce sens de Jan- sénius, les uns disant qu'ils n'y voient que le sens de saint Augustin et de saint Thomas ; et les aulres, qu'ils y en voient un qui est hérétique, et qu'ils n'expriment point; il est clair qu'une Constitution qui ne dit pas un mot touchant ce différend, et qui ne fait que condamner en général le sens de Jansénius sans s'exphquer, ne décide rien de ce qui est en dispute. C'est pourquoi l'on vous a dit cent fois que votre dif- férend n'étant que sur ce fait, vous ne le finiriez jamais qu'en déclarant ce que vous entendez par le sens de Jansénius. Mais comme vous vous étiez toujours opi- niâtre à le refuser, je vous ai enfin poussé dans ma dernière Lettre, où j'ai fait entendre que ce n'est pas sans mystère que vous aviez entrepris défaire condamner ce sens sans l'expliquer, etque votre dessein était de faire retomber un jour celte condamnation indéterminée sur la doctrinedela grâce efficace, enmontrantquecen'estautrè chose que celle de Jansénius, ce qui ne vous serait pas 1. Puisqu'on n'y explique. 2. Ce qui serait. DIX-HUITIÈME LETTRE 247 difficile. Cela vous a mis dans la nécessité de répondre. Car, si vous vous fussiez encore obstiné après cela à ne point expliquer ce sens, il eût paru aux moins éclairés que vous n'en vouliez en effet qu'à la grâce efficace ; ce qui eût été la dernière confusion pour vous , dans la vénération qu'a l'Église pour une doctrine si sainte. ,Vous avez donc été obligé de vous déclarer; et c'est ce que vous venez de faire en répondant à ma Lettre, où je vous avais représenté : Que si Jansénius avait, sur ces cinq propositions, quelque autre sens que celui de la grâce efficace, il n'avait point de défenseurs ; mais que, sHl n^avait point d'autre sais que celui de la grâce efficace, iln^avait point d'erreurs. Vous n'avez pu désa- vouer cela, mon Père ; mais vous y faites une distinc- tion en cette sorte, p. 21 : Il ne suffit pas, dites-vous, pour justifier Jansénius, de dire qu'il ne tient que la grâce efficace, parce qu'on la peut tenir en deux ma- nières : l'une hérétique, selon Calvin, qui consiste à dire que la volonté mue par la grâce n'a pas le pouvoir d'y résister; Vautra orthodoxe, selon les Thomistes et les Sorbonistes, qui est fondée sur des principes établis par les conciles, qui est que la g7'âce, efficace par elle-même, gouverne la volonté de telle sorte qu'on a toujours le pouvoir d'ij résister. On vous accorde tout cela, mon Père, et vous finis- siez en disant: Que Jansénius seraH catholique, s'il dé- fendait la grâce efficace srlon les Thomistes ; mais qu'il est hérétique, parce qu'il rist contraire aux Thomistes et conforme à Calvin, qui nie le pouvoir de résister à la grâce. Je n'examine pas ici, mon Père, ce point de fait : savoir si Jansénius est en effet conforme à Calvin. Il me suffit que vous le prétendiez, et que vous nous fassiez savoir aujourd'hui que, par le sens de Jansénius, vous n'avez entendu autre chose que celui de Calvin. i48 LETTRES PROVINCULES N'était-ce donc que cela, mon Père, que vous vouliez dire? N'était-ce que Terreur de Calvin que vous vou- liez faire condamner sous le nom du sens de Jansénius? Que ne le déclariez-vous plus tôt? vous vous fussiez épargné bien de la peine. Car, sans bulles ni brefs, tout le monde eût condamné cette erreur avec vous. Que cet éclaircissement était nécessaire ! et qu'il lève de difficultés ! Nous ne savions, mon Père, quelle erreur les papes et les évêques avaient voulu condamner sous le nom du sens de Janséniu^. Toute l'Église en était dans une peine extrême, et personne ne nous le voulait expliquer. Vous le faites maintenant, mon Père, vous que tout votre parti considère comme le chef et le pre- mier moteur de tous ses conseils, et qui savez le secret de toute cette conduite. Vous nous l'avez donc dit, que ce sens de Jansénius n'est autre chose que le sens de Cal- vin condamné par le concile. Voilà bien des doutes ré- solus. Nous savons maintenant que l'erreur qu'ils ont eu dessein de condamner sous ces termes du sens de Jansénius n'est autre chose que le sens de Calvin, et qu'ainsi nous demeurons dans l'obéissance à leurs dé- crets, en condamnant avec eux ce sens de Calvin qu'ils ont voulu condamner. Nous ne sommes plus étonnés de voir que les papes et quelques évêques aient été si zélés contre le sens de Jansénius. Comment ne l'auraient-ils pas été, mon Père, ayant créance en ceux qui disent publiquement que ce sens est le même que celui de Calvin ? Je vous déclare donc, mon Père, que vous n'avez plus rien à reprendre en vos adversaires^ parce qu'ils détes- tent assurément ce que vous détestez. Je suis seulement étonné de voir que vous l'ignorez, et que vous ayez si peu de connaissance de leurs sentiments sur ce sujet, qu'ils ont tant de fois déclarés dans leurs ouvrages. Je DIX-HUITIÈME LETTRE 249 m'assure que si vous en étiez mieux informé , vous auriez du regret de ne vous être pas instruit avec un esprit de paix d'une doctrine si pure et si chrétienne, que la passion vous fait combattre sans la connaître. Vous verriez , mon Père, que non seulement ils tien- nent qu'on résiste effectivement à ces grâces faibles, qu'on appelle excitantes, ou inefficaces, en n'exécutant pas le bien qu'elles nous inspirent, mais qu'ils sont encore aussi fermes à soutenir contre Calvin le pouvoir que la volonté a de résister même à la grâce efficace et victorieuse, qu'à défendre contre Molina le pouvoir de cette grâce sur la volonté, aussi jaloux de l'une de ces vérités que de l'autre. Ils ne savent que trop que l'homme, par sa propre nature, a toujours le pouvoir de pécher et de résister à la grâce, et que, depuis sa corruption, il porte un fonds malheureux de concupiscence, qui lui augmente infiniment ce pouvoir ; mais que néanmoins, quand il plaît à Dieu de le toucher par sa miséricorde, il lui fait faire ce qu'il veut et en la manière qu'il le veut, sans que cette infaillibilité de l'opération de Dieu dé- truise en aucune sorte la liberté naturelle de l'homme, parles secrètes et admirables manières dont Dieu opère ce changement, que saint Augustin a si excellemment expliquées, et qui dissipent toutes les contradictions imaginaires que les ennemis de la grâce efficace se figu- rent entre le pouvoir souverain de la grâce sur le libre arbitre, et la puissance qu'a le libre arbitre de résister à la grâce. Car, selon ce grand saint, que les papes et l'Église ont donné pour règle en celte matière. Dieu change le cœur de l'homme par une douceur céleste qu'il y répand, qui , surmontant la délectation de la chair, fait que l'homme, sentant d'un côté sa mortalité et son néant, et découvrant de l'autre la grandeur et l'éternité de Dieu, conçoit du dégoût pour les délices du péché à iW LETTRES PROVINCIALES qui le séparent du bien incorruptible ; et trouvant sa plus grande joie dans le Dieu qui le charme, il s'y porte infailliblement de lui-même, par un mouvement tout libre, tout volontaire, tout amoureux ; de sorte que ce lui serait une peine et un supplice de s'en séparer. Ce n'est pas qu'il ne puisse toujours s'en éloigner, et qu'il ne s'en éloignât effectivement s'il le voulait; mais com- ment le voudrait-il, puisque la volonté ne se porte jamais qu'à ce qui lui plaît le plus, et que rien ne lui plaît tant alors que ce bien unique, qui comprend en soi tous les autres biens ? Quod enim amplius nos delectat, secun- dura id operemur necesse est, comme dit saint Au- gustin. C'est ainsi que Dieu dispose de la volonté libre de l'homme sans .lui imposer de nécessité ; et que le libre arbitre, qui peut toujours résister à la grâce, mais qui ne le veut pas toujours, se porte aussi librement qu'in- failliblement à Dieu, lorsqu'il veut l'attirer par la dou- ceur de ses inspirations efficaces. Ce sont là, mon Père, les divins principes de saint Augustin et de saint Thomas, selon lesquels il est véri- table que nous pouvons résister à,la grâce, contre l'opi- nion de Calvin; et que néanmoins, comme dit le pape Clément VIII, dans son écrit adressé à la congrégation de Auxiliis : Dieu forme en nous le mouvement de riotre volonté, et dispose efficacement de notre cœur, par V empire que sa majesté suprême a sur les volontés des hommes aussi bien que sur le reste des créatures qui sont sous le ciel^ selon saint Augustin. C'est encore selon ces principes que nous agissons de nous-mêmes : ce qui fait que nous avons des mérites qui sont véritablement nôtres, contre l'erreur de Calvin ; . et que néanmoins Dieu étant le premier principe de nos actions, et faisant en nous ce qui lui est agréable ^ DIX-HUITIÈME LETTRE 251 comme dit saint Paul, nos mérites sont des dons de Dieu, comme dit le concile de Trente. C'est par là qu'est détruite cette impiété de Luther, condamnée par le même concile : Que nous ne coopé- rons en aucune sorte à notre salut ^ non plus que des choses inanimées; et c'est par-là qu'est encore détruite l'impiété de l'école de Molina, qui ne veut pas recon- naître que c'est la force de la grâce même qui fait que ,nous coopérons avec elle dans l'œuvre de notre salut; par où il ruine ce principe' de foi établi par saint Paul : Que c^est Dieu qui forme en nous et la volonté et l^aC" tien. Et c'est enfin par ce moyen que s'accordent tous ces passages de l'Écriture, qui semblent les plus opposés : Convertissez-vous à Dieu. Seigneur, convertissez-nous à vous, — Rejetez vos iniquités hors de vous. C'est Dieu qui ôte les iniquités de son peuple. — Faites des œuvres dignes de pénitence. Seigneur, vous avez fait en nous toutes nos œuvres. — Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau. Je vous donnerai un esprit nou- veau, et je créerai en vous un cœur nouveau, etc. L'unique moyen d'accorder ces contrariétés appa- rentes, qui attribuent nos bonnes actions tantôt à Dieu> et tantôt à nous, est de reconnaître que, cQmme dit saint Augustin, nos actions sont nôtres, à cause du libre arbitre qui les produit ; et qù^ elles sont aussi de Dieu, à cause de sa grâce qui fait que notre libre arbitre les produit*. Et que, comme il dit ailleurs. Dieu nous fait faire ce qu'il lui plaît, en nous faisant vouloir ce que nous pourrions ne vouloir pas : a Deo factum est ut vellent quod et nolle potuissent*. 1. Queuotre arbitre. 2. Quod nolle. 2oi LETTRES PROVINGULES Ainsi, mon Père, vos adversaires sont parfaitement d*accord avec les nouveaux thomistes mômes ; puisque les thomistes tiennent comme eux, et le pouvoir de ré- sister à la grâce, et Tinfaillibilité de l'effet de la grâce, qu'ils font profession de soutenir si hautement, selon cette maxime capitale de leur doctrine, qu'Alvarez, Tun des plus considérables d'entre eux, répète si souvent dans son livre, et qu'il exprime, disp. 72, n. 4, en ces termes: Quand la grâce effica'^e meut le libre arbitre;, il consent infailliblement; parce que V effet de la gr^àce est de faille qu encore quil puisse ne pas consentir, il consente néanmoins en effet : dont il donne pour raison celle-ci de saint Thomas, son maître : Que la volonté de Dieu ne peut manquer d*être accomplie ; et qu'ainsi, quand il veut qu'un homme consente à la grâce, il con- sent infailliblement et même nécessairement, non pas d'une nécessite absolue^ mais d'une nécessité d'infailli- bilité. En quoi la grâce ne blesse pas le pouvoir qu on a de résister si on le veut ; puisqu'elle fait seulement qu'on ne veut pas y résister, comme. votre Pore Pélau le reconnaît en ces termes, t. 1, p. 602: La grâce de Jésus-Christ fait qu'on persévère infailliblement dans la]piété, quoique non par nécessité. Car on \peut n'y pas consentir si on le veut, comme dit le concile; mais cette même grâce fait que l'on ne le veut pas. C'est là, mon Père, la doctrine constante de saint Au- gustin, de saint Prosper, des Pères qui les ont suivis, des conciles, de saint Thomas, et de tous les Thomistes en général. C'est aussi celle de vos adversaires, quoique vous ne l'ayez pas punsô; et c'est enfin celle que vous venez d'approuver vous-même en ces termes : La doc- trine de la grâce efficace, qui reconnaît qu'on a le pouvoir d'y résister, est orthodoxe, appuyée sur les conciles, et soutenue parles Thomistes et lesSorbonistes. DIX-HUITIEME LETTRE 253 Dites la vérité, mon Père : si vous eussiez su que vos adversaires tiennent effectivement celte doctrine, peut- être que l'intérêt de votre Compagnie vous eût empêché dV donner cette approbation publique ; mais vous étant imaginé qu'ils y étaient opposés, ce même intérêt de votre Compagnie vous a porté à autoriser des sen- timents que vous croyiez contraires aux leurs ; et par cette méprise, voulant ruiner leurs principes, vous les avez vous-même parfaitement établis. De sorte qu'on voit aujourd'hui, par une espèce de prodige, les défen- seurs de la grâce efficace justifiés par les défenseurs de Molina : tant la conduite de Dieu est admirable pour faire concourir toutes choses à la gloire de sa Vérité! Que tout le monde apprenne donc, par votre propre déclaration, que cette vérité delà grâce efficace, néces- saire à toutes les actions de piété, qui est si chère à l'Église, et qui est le prix du sang de son Sauveur, est si constamment catholique, qu'il n'y a pas un catho- lique , jusques aux Jésuites mêmes , qui ne la recon- naisse pour orthodoxe. Et Ton saura en même temps, par votre propre confession, qu'il n'y a pas le moindre soupçon d'erreur dans ceux que vous en avez tant ac- cusés ; car quand vous leur en imputiez de cachées sans les vouloir découvrir, il leur était aussi difficile de s'en défendre qu'il vous était facile de les en accuser de cette sorte ; mais maintenant que vous venez de déclarer que cette erreur qui vous oblige à les combattre est celle de Calvin, que vous pensiez qu'ils soutinssent, il n'y a personne qui ne voie clairem^^ \ qu'ils sont exempts de toute erreur, puisqu'ils sont si contraires à la seule que vous leur imposez, et qu'ils protestent, par leurs discours, par leurs livres, et par tout ce qu'ils peuvent produire pour témoigner leurs sentiments, qu'ils con- damnent cette hérésie de tout leur cœur, et de la même u. 15 254 LETTRES PROVINCIALES manière que font les Thomistes, que vous reconnaissez sans difficulté pour catholiques, et qui n'ont jamais été suspects de ne le pas être. Que direz-vous donc maintenant contre eux, mon Père? Qu'encore qu'ils ne suivent pas le sens de Calvin, ils sont néanmoins hérétiques , parce qu'ils ne veulent pas reconnaître que le sens de Jansénius est le même que celui de Calvin I Oseriez^vous dire que ce soit là une matière d'hérésie ? Et n'est-ce pas une pure ques- tion de fait qui n'en peut former ? C'en serait bien une de dire qu'on n'a pas le pouvoir de résister à la grâce efficace ; mais en est-ce une de douter si Jansénius le soutient ? Est-ce une vérité révélée ? Est-ce un article de foi qu'il faille croire sur peine de damnation? Et n'est-ce pas malgré vous un point de fait , pour lequel il serait ridicule de prétendre qu'il y eût des hérétiques dans l'ÉgHse ? Ne leur donnez donc plus ce nom , mon Père , mais quelque autre qui soit proportionné à la nature de votre différend. Dites que ce sont des ignorants et des stu- pides, et qu'ils entendent mal Jansénius ; ce seront des reproches assortis à votre dispute : mais de les appe- ler hérétiques, cela n'y a nul rapport. Et comme c'est la seule injure dont je les veux défendre, je ne me met- trai pas beaucoup en peine de montrer qu'ils entendent bien Jansénius. Tout ce que je vous en dirai est qu'il me semble, mon Père, qu'en le jugeant par vos propres règles, il est difficile qu'il ne passe pour catholique : car voici ce que vous établissez pour l'examiner. Pour savoir]^ dites-vous, si Jansénius est à couvert, il faut savoir s*il défend la grâce efficace à la manière de Calvin^ qui nie qu^on ait le pouvoir d^y résister ; car alors il serait hérétique : ou à la manière des Tho- mistes, qui Vadmettent ; car alors il serait catholique. DIX-HUITIÈME LETTRE 2êtô Voyez donc, mon Père, s'il tient qu'on a le pouvoir de résister, quand il dit, dans des traités entiers, et entre autres au to. 3, 1. 8 , c. 20 : Qu'on a toujours le pou- voir de résister à la grâce, selon ie concile ; que le LIBRE ARBITRE PEUT TOUJOURS AGIR ET N*AGIR PAS, vou- loir et ne vouloir pas, consentir et ne consentir pas, faire le bien et le mal; et que rhomme en cette vie a toujours ces deux libertés, que vous appelez de con- trariété et de contradiction. Voyez de même s'il n'est pas contraire à Terreur de Calvin, telle que vous-même la représentez, lui qui montre, daps'tout le chap. 21, que l'Eglise a condamné cet hérétique^ qui soutient que la grâce efficace n^agit pas sur le libre arbitre en la manière qu'on Va cru si longtemps dans VÊglise^ en sorte qu'il soit ensuite au pouvoir du libre arbitre de consentir ou de ne consentir pas : au lieu quCy selon saint Augustin et le concile, on a toujours le pouvoir de ne consentir pas, si on le veut ; et que, selon saint Prosper) Dieu donne à ses élus mêmes la volonté de persévérer en sorte qu'il ne leur ôte pas la puissance de vouloir le contraire. Et enfin jugez s'il n'est pas d'accord avec les Thomistes , lorsqu'il déclare, c. 4, que tout ce que les Thomistes ont écrit pour accorder l'efficacité de la grâce avec le pouvoir d'y résister est si conformée son sens, qu'on n'a qu'à voir leurs livres pour y apprendre ses sentiments : quod ipsi dixeruntj dictumputa. Voilà comme il parle sur tous ces chefs, et c'est sur quoi je m'imagine qu'il croit le pouvoir de résister à la grâce , qu'il est contraire à Calvin , et conforme aux Thomistes, parce qu'il le dit, et qu'ainsi il est catholique selon vous. Que si vous avez quelque voie pour con- naître le sens d'un auteur autrement que par ses expres- sions, et que, sans rapporter aucun de ses passages, 256 LETTRES PROVINCIALES VOUS vouliez soutenir, contre toutes ses paroles, qu'il nie le pouvoir de résister, et qu'il est pour Calvin contre les Thomistes, n'ayez pas peur, mon Père, que je vous accuse d'hérésie pour cela : je dirai seulement qu'il semble que vous entendez mal Jansénius ; mais nous n'en serons pas moins enfants de la même Église. D'oi vient donc, mon Père, que vous agissez dans ce différend d'une manière si passionnée, et que vous traitez comme vos plus cruels ennemis et comme les plus dangereux hérétiques ceux, que vous ne pouvez accuser d'aucune erreur, ni d'autre chose, sinon qu'ils n'entendent pas Jansénius comme.vous? Car de quoi disputez-vous, sinon du sens de cet auteur? Vous vou- lez qu'ils le condamnent , mais ils vous demandent ce que vous entendez par là. Vous dites que vous enten- dez l'erreur de Calvin; ils répondent qu'ils la condam- nent : et ainsi , si vous n'en voulez pas aux syllabes, mais à la chose qu'elles signifient, vous devez être satisfaits \ S'ils refusent de dire qu'ils condaipnent le sens de Jansénius , c'est parce qu'ils croient que c'est celui de saint Thomas. Et ainsi ce mot est bien équi- voque entre vous : dans votre bouche il sigpifie le sens de Calvin ; dans la leur, c'est le sens de saint Thomas ; de sorte que ces différentes idées que vous avez d'un même terme causant toutes vos divisions, si j'étais maître de vos disputes , je vous interdirais le mot de Jansénius de part et d'autre. Et ainsi, en n'exprimant que ce que vous entendez par là, on verrait que vous ne demaadez autre chose que la condamnation du sens de Calvin, à quoi ils consentent; et qu'ils ne demandent autre chose que la défense du sens de saint Augustin et de saint Thomas, en quoi vous êtes tous d'accord. 1. Satisfait. DIX-HUITIÈMK LETTRE 237 Je vous déclare donc, mon Père, que, pour moi, je les tiendrai toujours pour catholiques, soit qu'ils con- damnent Jansénius, s'ils y trouvent des erreurs, soit qu'ils ne le condamnent point, quand ils n'y trouvent que ce que vous-même déclarez être catholique, et que je leur parlerai comme saint Hiérôme * à Jean, évêque de Jérusalem, accusé de tenir 8 propositions d'Ori- gèoe. Ou condamnez Origène, disait ce saint, si vous reconnaissez quHl a tenu ces erreurs ; ou bien niez qu'il les ait tenues : aut nega hoc dixisse ewn qui arguitur ; aut , si locutus est talia , eum damna qui dixerit. Voilà, mon Père, comment agissent ceux qui n'en veulent qu'aux erreurs , et non pas aux personnes ; au lieu que vous, qui en voulez aux personnes plus qu'aux erreurs, vous trouvez que ce n'est rien de condamner les erreurs, si on ne condamne les personnes à qui vous les voulez imputer. Que votre procédé est violent, mon Père, mais qu'il est peu capable de réussir ! Je vous l'ai dit ailleurs, et je vous le redis encore, la violence et la vérité ne peu- vent rien" l'une sur l'autre. Jamais vos accusations ne furent plus outrageuses, et jamais l'innocence de vos adversaires ne fut plus connue ; jamais la grâce effi- cace ne fut plus artificieusement attaquée, et jamais nous ne l'avons vue si aflTermie. Vous employez vos derniers efforts pour faire croire que vos disputes sont sur des points de foi, et jamais ou ne connut mieux que toute votre dispute n'est que sur un point de fait. En- fin vous remuez toutes choses pour faire croire que ce point de fait est véritable, et jamais on ne fut plus dis- posé à en douter. Et la raison en est facile. C'est, mon 1. Saint Jérôme. â 2S8 LETTRES PROVINCIALES Père, que vous ne prenez pas les voies naturelles pour faire croire un point de fait, qui sont de convaincre les sens, et de montrer dans un livre les mots que Ton dit y être. Mais vous allez chercher des moyens si éloignés de cette simplicité, que cela frappe nécessairement les plus stupides. Que ne preniez- vous la même voie que j'ai tenue dans mes Lettres pour découvrir tant de mauvaises maximes de vos auteurs, qui est de citer fidèlement les lieux d'où elles sont tirées? C'est ainsi qu'ont fait les curés de Paris; et celane manque jamais de persuader le monde. Mais qu'auriez-vous dit, et qu'aurait-on pensé , lorsqu'ils vous reprochèrent , par exemple, cette proposition du Père L'Amy : Qu'un reli- gieux peut tuer celui qui menace de publier des calom- nies contre lui ou contre sa communauté, quand il ne s'en peut dé fendre autrement, s'ils n'avaient point cité le lieu où elle est en propres termes; que, quelque de- mande qu'on leur en eût faite, ils se fussent toujours obstinés à le refuser; et qu'au lieu de cela, ils eussent été à Rome obtenir une bulle qui ordonnât à tout le monde de le reconnaître ? N'aurait-on pas jugé sans doute qu'ils auraient surpris le pape, et qu'ils n'auraient eu recours à ce moyen extraordinaire que manque des moyens naturels que les vérités de fait mettent en mains à tous ceux qui les soutiennent? Aussi ils n'ont fait que marquer que le Père L'Amy enseigne cette doctrine au tome 5, disp. 36, n. 118, p. 544, de V édition de Douai; et ainsi tous ceux qui l'ont voulu voir l'ont trou- vée, et personne n'en a pu douter. Voilà une manière bien facile et bien prompte de vider les questions de fait Qùl'on a raison. D'où vient donc, mon Père, que vous n'en usez pas delà sorte? Vous avez dit, dans vos Cavilli, que les cinq propositions sont dans Jansénius mot à mot, tou^ DIX-HUITIEME LETTRE X59 tesj en propres termes^ totidem verbis \ On vous a dit que non. Qu'y avait-il à faire là-dessus , sinon ou de citer la page, si vous les aviez vues en effet, ou de con- fesser que vous vous étiez trompé ? Mais vous ne faites ni Tun ni l'autre ; et, au lieu de cela, voyant bien que tous les endroits de Jansénius que vous alléguez quel- quefois pour éblouir le monde ne sont point les pro- positions condamnées^ individuelles et singulières, que vous vous étiez engagé de faire voir dans son livre, vous nous présentez des Constitutions qui déclarent qu'elles en sont extraites , sans marquer le lieu. Je sais, mon Père, le respect que les chrétiens doi- vent au Saint-Siège^ et vos adversaires témoignent assez d'être très résolus à ne s'en départir jamais. Mais ne vous imaginez pas que ce fût en manquer que de repré- senter au pape, avec toute la soumission que des en- fants doivent à leur père^ et les membres à leur chef, qu'on peut l'avoir surpris en ce point de fait : qu'il ne l'a point f^it examiner depuis son pontificat, et que son prédécesseur Innocent X avait fait seulement examiner si les propositions étaient hérétiques, mais non pas si elles étaient de Jansénius. Ce qui a fait dire au com- missaire du saint Office, l'un des principaux examina- teurs, qu'elles ne pouvaient être -censurées au sens d^ aucun auteur : non sunt qualificabiles in sensu pro- ferentis ; parce qu'elles leur avaient été présentées pour être examinées en elles-mêmes^ et sans considérer de quel auteur elles pouvaient être : in abstracto, et ut prœscindunt ab omni proferente, comme il se voit dans leurs suffrages nouvellement imprimés ; que plus de soixante docteurs, et un grand nombre d'autres per- sonnes habiles et pieuses, ont lu ce livre exactement 4 . lisdem verbis. 260 LETTRES PROVINCIALES sans les y avoir jamais vues, et qu'ils y en ont trouvé de contraires ; que ceux qui ont donné celte impression au pape pourraient bien avoir abusé de la créance qu'il a en eux, étant intéressés, comme ils le sont, à décrier cet auteur, qui a convaincu Molina déplus de 50 erreurs ; que ce qui rend la chose plus croyable est qu'ils ont cette maxime, Tune des plus autorisées de leur théolo- gie, qu'ils peuvent calomnier sans crime ceux dont ils se croient injustement attaqués]; et qu'ainsi, leur témoi- gnage étant si suspect, et le témoignage des autres étant si considérable, on a quelque sujet de supplier Sa Sainteté, avec toute l'humilité possible, de faire examiner ce fait en présence des docteurs de l'un et de l'autre parti, afln d'en pouvoir former une décision solennelle et régulière. Qu'on assemble des juges habiles, disait saint Basile sur un semblable sujet, Ép. 75 ; que chacun y soit libre; qu'on examine mes écrits; qu'on voie s'ilyades erreurs contre la foi; qu^on lise les objections et les réponses, afin que ce soit un jugement rendu avec connaissance de cause et dans les formes^ et non pas une diffamation sans examen. Ne prétendez pas, mon Père , de faire passer pour peu soumis au Saint-Siège ceux qui en useraient de la sorte. Les papes sont bien éloignés de traiter les chré- tiens avec cet empire que Ton voudrait exercer sous leur nom. L'Église, dit le pape saint Grégoire, in Job, lib. 8, c. 1, qui a été formée dans l'école d' humilité, ne commande pas avec autorité, mais persuade par raison ce qu'elle enseigne à ses enfants qu'elle croit engagés dans quelque erreur : recta quœ errantibus dicit, non quasi exauctoritate prœcipity sed ex ratione persuadet. Et, bien loin de tenir à déshonneur de réformer un ju- gement où on les aurait surpris, ils en font gloire au contraire, comme le témoigne saint Bernard, Ép. 180. DIX-HUITIËMË LETTRE 261 Le siège apostolique, dit-il, a cela de recommandable, qu'il ne se pique pas d'honneur, et se porte volontiers à révoquer ce qu'on en a tiré par surprise : aussi est-il bien juste que personne ne profite de l'injustice, et principalement devant le Saint-Siège, Voilà, mon Père, les vrais sentiments qu'il faut inspirer aux papes; puisque tous les théologiens demeurent d'accord qu'ils peuvent être surpris, et que cette qualité suprême est si éloignée de leç en garantir, qu'elle les y expose au contraire davantage, à cause du grand nombre desoins qui les partagent. C'est ce que djt le même saint Gré- goire à des personnes qui s'étonnaient de ce qu'un autre pape s'était laissé tromper. Pourquoi admirez-voits, dit-il, 1. IjJDial.*, que nous soyons trompés^ nous qui sommes des hommes ? N'avez-vous pas vu que David, ce roi qui avait V esprit de prophétie, ayant donné créance aux impostures de Siba , rendit un jugement injuste contre le fils de Jonathas ? Qui trouvera donc étrange que des imposteurs nous surprennent quelque- fois, nous qui ne sommes point prophètes ? La foule des affaires nous accable ; et notre esprit, qui, étant partagé en tant de choses^ s'applique moins à chacune en particulier, en est plus aisément trompé en une. En vérité, mon Père, je crois que les papes savent mieux que vous s'ils peuvent être surpris ou non. Ils nous déclarent eux-mêmes que les papes et quelesplus grands rois sont plus exposés à être trompés que les personnes qui ont moins d'occupations importantes. Il les en faut croire. Et il est bien aisé de s'imaginer par quelle voie on arrive à les surprendre. Saint Bernard en fait la descriptioiï dans la lettre qu'il écrivit à Innocent II, en cette sorte : Ce n'est pas une chose étonnante ni nou- 1. Lib. 1, c. 4, Dial, 262 LETTRES PROYINaALES velle, que Vesprit de l'homme puisse tromper et être trompé. Des religieux sont venus à vous dans un esprit de mensonge et d'illusîon. Ils vous ont parlé contre un évêque qu'ils haïssent^ et dont la vie a été exem- plaire. Ces personnes mordent comme des chiens y et veulent faire passer le bien pour le mal. Cependant, très -saint Père, vous vous mettez en colère contre votre fils. Pourquoi avez^vous donné un sujet de joie à ses adversaires ? Ne croyez pas à tout esprit, mais éprou- vez si les esprits sont de Dieu. J'espère que, quand vous aurez connu la vérité, tout ce qui a été fondé sur un faux rapport sera dissipé. Je prie Vesprit de vétdté de vous donner la gi^âce de séparer la lumière des té* nèbres, et de réprouver le mal pour favoriser le bien. Vous voyez donc, mon Père, que le degré éminent où sont les papes ne les exempte pas de surprise, et qu'il ne fait autre chose que rendre leurs surprises plus dan- gereuses et plus importantes. C'est ce que saint Ber- nard représente au pape Eugène, de Consid., lib. 2, c. ult. : Il y a un autre défaut si général, que je n'ai vu personne des grands du monde qui l'évite. C'est , saint Père, la trop grande crédulité, d'où naisse7it tant de désordres. Car c'est de laque viennent les persécutions violentes contre les innocents, les préjugés injustes contre les absents, et les colères terribles pour des choses de néant, pro nihilo. Voilà, saint Père, un mal p/niversel; duquel si vous êtes exempt, je dirai que vous êtes le seul qui ayez cet avantage entre tous vos con- frères. Je m'imagine, mon Père, que cela commence à vous persuader que les papes sont exposés à être surpris. Mais, pour vous le montrer parfaitement, je vous ferai seulement ressouvenir des exemples que vous-même rapportez dans votre livre, de papes et d'empereurs que DIX-HUITIÈME LETTRE 263 des hérétiques ont surpris effectivement. Car vous (iite*s qu'Apollinaire surprit le pape Damase , de même que Céiestius surprit Zozime. Vous dites encore qu'un nommé Athanase trompa l'empereur Héraclius , et le porta à persécuter les catholiques ; et qu'enfin Sergius obtint d'Honorius ce décret qui fut brûlé au 6« concile, en faisant, dites-vous, le bon valet auprès de ce pape. Il est donc constant par vous-même que ceux , mon Père, qui en usent ainsi auprès des rois et des papes les engagent quelquefois artificieusemeut à persécuter la vérité delà foi \ en pensant persécuter des hérésies. Et delà vient que les papes, quin'ontrien tanten horreur que ces surprises, ont fait d'une lettre d'Alexandre III une loi ecclésiastique, insérée dans le droit canonique, pour permettre de suspendre l'exécution de leurs bulles et de leurs décrets, quand on croit qu'ils ont été trompés. Si quelquefois (dit ce pape à l'archevêque de Ravenne) nous envoyons à votre fraternité des décrets qui choquent vos sentiments, ne vous en inquiétez pas. Car ou vous les exécuterez avec révérence, ou vous nous manderez la raison que vous croijez avoir de ne le pas faire ; parce que nous trouverons bon que vous rC exé- cutiez pas un décret qxjHon aurait tiré de nous par sur- prise et par artifice. C'est ainsi qu'agissent les papes qui ne cherchent qu'à éclaircir les différends des chré- tiens, et non pas à suivre la passion de ceux qui veu- lent y jeter le trouble. Ils n'usent pas de domination, comme disent saint Pierre et saint Paul après Jésus- Christ ; mais Tesprit qui paraît en toute leur conduite est celui de paix et de vérité. Ce qui fait qu'ils mettent ordinairement dans leurs lettres cette clause , qui est sous-entendue en toutes : Si ita est, si preces veritate 1. A persécuter ceux qui défendent la vérité de la foi. 261 LETTRES PROVINCIALES nitantur : si la chose est comme on nous la fait entendre, si les faits sont véritables. D'où il se voit que, puisque les papes ne donnent de force à leurs bulles qu'à me- sure qu'elles sont appuyées sur des faits véritables, ce ne sont pas les bulles seules qui prouvent la vérité des faits ; mais qu'au contraiie, selon les canonistes mêmes, c'est la vérité des faits qui rend les bulles recevables. D'où apprendrons-nous donc la vérité des faits? Ce sera des yeux, mon Père , qui en sont les légitimes juges ; comme la raison l'est des choses naturelles et intelligibles, et la foi des choses surnaturelles et révé- lées. Car, puisque vous m'y obligez, mon Père, je vous dirai que, selon les sentiments de deux des plus grands docteurs de l'Église , saint Augustin et saint Thomas , ces trois principes de nos connaissances, les sens, la raison et la foi, ont chacun leurs objets séparés, et leur certitude dans cette étendue. Et comme Dieu a voulu se servir de l'entremise des sens pour donner entrée à la foi, fides ex auditUy tant s'en faut que la foi détruise la certitude des sens, que ce serait au contraire dé- truire la foi, que de vouloir révoquer en doute le rap- port fidèle des sens. C'est pourquoi saint Thomas re- marque expressément que Dieu a voulu que les acci- dents sensibles subsistassent dans l'Eucharistie , afin que les sens , qui ne jugent que de ces accidents, ne fussent pas trompés : ut sensiLs a deceptione reddan- tur immunes. Concluons donc de là que, quelque proposition qu'on nous présente à examiner, il en faut d'abord recon- naître la nature, pour voir auquel de ces trois principes nous devons nous en rapporter. S'il s'agit d'une chose surnaturelle, nous n'en jugerons ni par les sens, ni par la raison, mais par l'Écriture et par les décisions de l'Église. S'il s'agit d'une proposition non révélée, et DIX-HDITIËME LETTRE 265 proportionnée à la raison naturelle, elle en sera le propre juge ; et s'il s'agit enfin d'un point de fait, nous en croirons les sens, auxquels il appartient naturelle- ment d'en connaître. Cette règle est si générale, que, selon saint Augus- tin et saint Thomas, quand TÉcriture même nous pré- sente quelque passage dont le premier sens littéral se trouve contraire à ce que les sens ou la raison recon- naissent avec certitude, il ne faut pas entreprendre de les désavouer en cette rencontre, pour les soumettre à Tau- lorité de ce sens apparent de TÉcriture ; mais il faut interpréter l'Écriture, et y chercher un autre sens, qui s'accorde avec cette vérité sensible : parce que, la pa- role de Dieu étant infaillible dans les faits mêmes, et le rapport des sens et de la raison agissant dans leur éten- due étant certain aussi, il faut que ces deux vérités s'accordent ; et comme l'Écriture se peut interpréter en différentes manières, au lieu que le rapport des sens est unique, on doit, en ces matières, prendre pour la véritable interprétation de l'Écriture celle qui convient au rapport fidèle des sens. // faut^ dit saint Thomas, !•' p., q. 68, a. 1, observer deux choses, selon saint Augustin : Vune^ que l'Ecriture a toujours un sens véritable; Vautre, que, comme elle peut recevoir plu- sieurs sens^ quand on en trouve un que la raison con-^ vainc certainement de fausseté^ Une faut pas s'obstiner à dire que c'en soit le sens naturel, mais en chercher un autre qui s'y accorde. C'est ce qu'il explique par l'exemple du passage de la Genèse où il est écrit que Dieu créa deux grands luminaires, le soleil et la lune, et aussi les étoiles ; par où rÉcrilure semble ' dire que la lune est plus grande que toutes les étoiles : mais parce qu'il est constant, par des démonstrations indubitables, que cela est 5MM LETTRES PROVINCIALES faux, on ne doit pas, dit ce saint, s'opiniâtrer à dé- fendre ce sens littéral ; mais il faut en chercher un autre conforme à cette vérité de fait; comme en disant que le mot de grand luminaire ne marque que la gran-^ deur de la lumière de la lune à notre égard, et non pas la grandeur de son corps en lui-même. Que si l'on voulait en user autrement, ce ne serait pas rendre l'Écriture vénérable; mais ce serait, au contraire, l'exposer au mépris des infidèles , joarcc , comme dit saint Augustin, que, quand ils auraient connu que nous croyons dans l'Ecriture des choses qu'ils savent parfaitement être fausses *, ils se riraient de notre ' crédulité dans les autres choses qui sont plus cachées, comme la résurrection des morts et la vie éternelle. Et ainsi, ajoute saint Thomas, ce serait leur rendre notre religion méprisable^ et même leur enfermer Ven- trée. Et ce serait aussi, mon Père, le moyen d'en fermer l'entrée aux hérétiques, et de leur rendre Tautorité du pape méprisable, que de refuser de tenir pour catho- liques ceux qui ne croiraient pas que des paroles sont dans un livre où elles ne se trouvent point, parce qu'un • pape l'aurait déclaré par surprise. Car ce n'est que l'examen d'un livre qui peut faire savoir que des pa- roles y sont. Les choses de fait ne se prouvent que par les sens. Si ce que vous soutenez est véritable, montrez-le ; sinon, ne sollicitez personne pour le faire croire ; ce serait inutilement. Toutes les puissances du monde ne peuvent par autorité persuader un point de fait, non plus que le changer ; car il n'y arien qui puisse faire que ce qui est ne soit pas. C'est en vain , par exemple , que des reUgieux de 1. Certainement être fausses. DIX-HUITIÈME LETTRE Î67 Ratisbonne obtinrent du pape saint Léon IX un décret solennel, par lequel il déclara que. le corps de saint Denis, premier évêque de Paris, qu'on tient communé- ment être TAréopagite, avait été enlevé de France et porté dans Téglise de leur monastère. Cela n'empêche pas que le corps de ce saint n'ait toujours été et ne soit encore dans la célèbre abbaye qui porte son nom, dans laquelle vous auriez peine à faire recevoir cette bulle, quoique ce pape y témoigne avoir examiné la chose avQc toute la diligence possible, diligentissime, et avec le conseil de plusieurs évêques et prélats : de sorte qu'il oblige étroitement tous les Français, dis- tricte prœcipientesy de reconnaître et de confesser quHls n'ont plus ces saintes reliques. Et néanmoins les Français, qui savaient la fausseté de ce fait par leurs propres yeux, et qui, ayant ouvert la châsse, y trouvè- rent toutes ces reliques entières , comme le témoignent les historiens de ce temps-là, crurent alors, comme on Fa toujours cru depuis, le contraire de ce que ce saint pape leur avait enjoint de croire, sachant bien que même les saints, et les prophètes sont sujets à être sur- pris. Ce fut aussi en vain que vous obtîntes contre Galilée ce décret de Rome qui condamnait son opinion touchant le mouvement de la terre. Ce ne sera pas cela qui prou- vera qu'elle demeure en repos ; et, si l'on avait des ob- servations constantes qui prouvassent que c'est elle qui tourne, tous les hommes ensemble ne l'empêcheraient pas de tourner, et ne s'empêcheraient pas de tourner aussi avec elle. Ne vous imaginez pas de même que les lettres du pape Zacharie pour l'excommunication de saint Virgile, sur ce qu'il tenait qu'il y avait des anti- podes, aient anéanti ce nouveau monde; et qu'encore qu'il eût déclaré que cette opinion était une erreur bien ses LETTRES PROYINGIALES dangereuse, le roi d'Espagne ne se soit pas bien trouvé d*en avoir plutôt cru Christophe Colomb, qui en venait, que le jugement de ce pape, qui n'y avait pas été ; et que rÉglise n'en ait pas reçu un grand avantage, puisque cela a procuré la connaissance de TÉvangile à tant de peuples qui fussent péris dans leur infidélité. Vous voyez donc, mon Père, quelle est la nature des choses de fait, et par quel principe on en doit juger : d'où il est aisé de conclure, sur notre sujet, que si les cinq propositions ne sont point de Jansénius^ il est impossible qu'elles en aient été extraites ; et que le seul moyen d'en bien juger et d'en persuader le monde, est d'examiner ce livre en une conférence réglée, comme on vous le demande depuis si longtemps. Jusque-là, vous n'avez aucun droit d'appeler vos ad- versaires opiniâtres : car ils seront sans blâme sur ce point de fait , comme ils sont sans erreurs ' sur les points de foi; catholiques sur le droit, raisonnables sur le fait, et innocents en l'un et en l'autre. Qui ne s'étonnera donc, mon Père, en voyant d'un cdté une justification si pleine , de voir de l'autre des accusations si violentes? Qui penserait qu'il n'est ques- tion entre vous que d'un fait de nulle importance, qu'on veut faire croire sans le montrer? Et qui oserait s'ima- giner qu'on fil par toute l'Église tant de bruit pour rien, pro nihilo, mon Père, comme le dit saint Bernard? Mais c'est cela même qui est le principal artifice de votre conduite, de faire croire qu'il y va de tout en une affaire qui n'est de rien ; et de donner à entendre aux personnes puissantes qui vous écoutent qu'il s'agit dans vos disputes des erreurs les plus pernicieuses de Cal- vin, et des principes les plus importants de la foi; i. Sans erreur. DIX-HUITIËME LETTRE 269 afin que, dans cette persuasion, ils emploient tout leur zèle et toute leur autorité contre ceux que vous com- battez, comme si le salut de la religion catholique en dépendait : au lieu que, s'ils venaient à connaître qu'il n'est question que de ce petit point de fait, ils n'en seraient nullement touchés, et ils auraient au contraire bien du regret d'avoir fait tant d'efforts pour suivre vos passions particulières en une affaire qui n'est d'au- cune conséquence pour l'Église. Car enfin , pour prendre les choses au pis , quand même il serait véritable que Jansénius aurait tenu ces propositions, quel malheur arriverait-il de ce que quel- ques personnes en douteraient, pourvu qu'ils les détes- tent, comme ils le font publiquement? N'est-ce pas assez qu'elles soient. condamnées par tout le monde sans exception, au sens même où vous avez expliqué que vous voulez qu'on les condamne? En seraient- elles plus censurées, quand on dirait que Jansénius les a tenues? A quoi servirait donc d'exiger celte recon- naissance, sinon à décrier un docteur et un évêque qui est mort dans la communion de l'Église? Je ne vois pas que ce soit là un si grand bien, qu'il faille l'acheter par tant de troubles. Quel intérêt y a l'État, le pape, les évêques , les docteurs et toute l'Église? Cela ne les touche en aucune sorte, mon Père ; et il n'y a que votre seule Société qui recevrait véritablement quelque plai- sir de cette diffamation d'un auteur qui vous a fait quelque tort. Cependant tout se remue, parce que vous faites entendre que tout est menacé. C'est la cause secrète qui donne le branle à tous ces grands mouve- ments, qui cesseraient aussitôt qu'on aurait su le véri- table état de vos disputes. Et c'est pourquoi, comme le repos de l'Église dépend de cet éclaircissement, il était d'une extrême importance de le donner; afin que. i70 LETTRES PROVINCIALES tous VOS déguisements étant découverts, il paraisse à tout le monde que vos accusations sont sans fondement, vos adversaires sans erreur, et TÉglise sans hérésie. Voilà, mon Père, le bien que j'ai eu pour objet de procurer, qui me semble si considérable pour toute la religion, que j'ai de la peine à comprendre comment ceux à qui vous donnez tant de sujet de parler [peuvent demeurer dans le silence. Quand les injures que vous leur faites ne les toucheraient pas, celles que l'Église souffre devraient, ce me semble, les porter à s'en plain- dre : outre que je doute que des ecclésiastiques puissent abandonner leur réputation à la calomnie, surtout en matière de foi. Cependant ils vous laissent dire tout ce qu'il vous plaît; de sorte que, sans l'occasion que vous m'en avez donnée par hasard, peut-être que rien ne se serait opposé aux impressions scandaleuses que vous semez de tous côtés. Ainsi leur patience m'étonnei et d'autant plus qu'elle ne peut m'être suspecte ni de timidité, ni d'impuissance, sachant bien qu'ils ne man- quent ni de raisons pour leur juslification, ni de zèle pour la vérité. Je les vois néanmoins si religieux à se taire, que je crains qu'il n'y ait en cela de l'excès. Pour moi, mon Père, je ne crois pas le pouvoir faire. Lais- sez l'Église en paix, et je vous y laisserai de bon cœur. Mais, pendant que vous ne travaillerez qu'à y entrete- nir le trouble, ne doutez pas qu'il ne se trouve des en- fants de la paix qui se croiront obligés d'employer tous leurs efforts pour y conserver la tranquillité. f ¦ REMARQUES SUR LA DIX-HUITIÈME PROVINCIALE P. 245. — Sur la copie imprimée à Cologne, — C'est aussi la date de Cologne que porte le recueil des Provinciales de 1657, les éditions de cette môme année, la tra- duction Igitine de Nicole , et l'édition de \ 6o9. — A trouver quelque erreur. — Au sens théologîque c'est-à-dire quelque hérésie. P. 246. — Par des décrets qui ne faisaient rien ^pour ro«5. — La bulle et le bref d'Innocent X et la bulle d'Alexandre VII. — De terminer vos disputes. — Pascal, en disant vos disputes, affecte de se placer en dehors du combat comme un simple spectateur. P. 249. — Ce grand saint que les papes et l'Église ont donn^ pour régie en cette matière. — C'est ce qu'on trouvera développé dans Bossuet, Défense de la tradition et des saints Pérès ^ particulièrement au livre V, chapi- tres 14 à i%. (Œuvres complètes y t. 2, pages 201-204.) — Dieu change le cœur de Ihomme. — Pascal expose ici la doctrine de ce que les théologiens appellent la Délectation victorieuse. Voir Bossuet , Traité du libre arbitre, chapitre l.(GEuvres complètes., 1836, t. 10, page 122.) Doctrine déduite de quelques paroles de saint Augustin plutôt que développée véritable- ment par lui. Cette thèse raffinée, et en apparence bizarre, qui met ensemble nécessité et liberté, a été adoptée par des philosophes, pour des raisons purement philo- sophiques, et en dehors du dogme théologique de la gr&oe. Tout récemment elle a été très fortement 272 LETTRES PROVINCIALES présentée dans le livre de M. Jacques Denis, De la Philosophie cTOrigène, i884 (librairie Thorin), page 5i6, où il soutient que la liberté consiste dans autre chose que la faculté de choisir entre le bien et le mai. c Essentiellement, en e£Pet, la créature raisonnable ne veut que le bien... Que si donc la volonté se porte au mal, c'est qu'elle ne voit le bien qu'obscurément et qu'elle n'en est pas touchée. Dès qu'elle le voit clairement, dès qu'elle le sent, elle est inclinée insensiblement et déterminée à s'y unir... Si la li- berté était anéantie parla suppression de son indif- férence et de son équilibre entre le bien et le mal, il s'ensuivrait que plus on se perfectionne et on avance dans la vertu, moins on serait libre. Car les bonnes habitudes réduisent d'autant le champ de l'indifférence ou la possibilité de choisir le mal, etc.» Je ne discuterai pas ces propositions, effrayé des obscurités qui enveloppent toute analyse de ce qu'on appelle la liberté. Je dirai seulement que ces obs- curités n'excusent pas l'odieux de la grâce augus- tinienne. Le philosophe en effet, de quelque façon qu'il s'embarrasse dans ces profondeurs métaphy- siques, ne condamne personne , tandis qu'Augustin damne ceux qui n'ont pas la grâce, en môme temps qu'il tient que d'obtenir cette grâce ne dépend en aucune manière de leurs mérites. P. 250. — Quod enim amplius, — Expos, in Epist. ad Gala- tas, n® 49. Voir aussi , dans le livre De correctione et gratiay les paroles suivantes, à la un du chapitre 8 : delectabilem perpetuitatem et inseparabilem fortitudi- nem, commentées par Bossuet. {(Euvres complètes^ t. 2, page 5.) — A la congrégation de Auxiliis, — Voir les Remarques sur la seconde Lettre, t. i, page 36. Gela se trouvait aux articles 5 et 6. La traduction de Pascal est abré- gée. P. 251. — Comme dit saint Paul, — Hebr,, xiii, 2i . DIX-HUITIÈME LETTRE 373 F. 251. — Comme dit le concile de Trente. — Session vi, can. i6. — Par le même concile. — Session vi, can. 9. — Etabli par saint Paul, — Phil.y ii, i3. Dans ce parallèle entre Luther et Molina, Pascal oublie vo- Ipntairement que Luther a été condamné expressé- ment par l'Église et que Molina ne l'a pas été ; mais Bossuet parle presque comme lui, ainsi qu'on l'a vu dans l'Introduction , page lvi. Qui semblent les plus opposés. — Voici les endroits où se trouvent les textes que Pascal met en antithèse deux à deux : Osée, XXX, i, et Jér., xxxi, i8. Ézéch, xviii, 31, et Ps., lxxxiv, 3. Matth.y III, 8, et Isaie, xxvi, i2. Ézéch., xviii, 31, et Ézéch., xxxvi^ 26. — Et que , comme il dit ailleurs, — Nicole donne le texte ainsi : Quod a Deo fiât ut velint homines quod et nolle potuissent ; mais il n'indique pas, et je ne puis indiquer où se trouve ce texte. P. 252. — Qu^Alvarezj Vun des plus considérables. — Diego Alvarez, Espagnol, dominicain, puis archevêque de Trani, mort en 1635, avait représenté les domini- cains, après Lemos, dans les congrégations de Auxiliis. Il a laissé : Didaci Alvarez de auxiliis di- vinsB gratiœ et humani arbitrii viribus et libertate, ac légitima ejus cum efficacia eorumdem auxUiorum con- corditty in-foL Rom., 1610, Lyon, 1620. — De saint Thomas son maître. — Nicole ajoute ce renvoi : 1, 2, quœst. 112, art. 3, in corp.y et celui-ci : 2, 2, quœst. 24, art. Il, in corp. — Comme votre PèrePetau. — Théolog. dogm., 1. ix. c.7. P. 257. — Comme saint Hiérôme à Jean. — Epitre à Pam- machius, page 330, au t. 2 de l'édition des Lettres de saint Jérôme par Qrégoire et Ck)lombat. — Je vous Vai dit ailleurs. — A la fin de la douzième Lettre* 274 LETTRES PROVINCIALES P. 258. — C'est ainsi qu^ont fait les curés de Pai'is. — Voir rintroduction, page xvi. — Cette proposition du ?• VAmy, — Lettre 7, t. {, page 156. — Au tome 5, disp. S6, n® 448. — Voir Tarticle vu de VExtrait de quelques-unes des plus dangereuses propo- sitions de la morale de plusieurs nouveatus casuistes^ fidèlement tirées de leurs ouvrages, extrait dressé par les curés de Paris. On le trouve dans le recueil T. H. y if de la bibliothèque de la Sorbonne. P. 259. — Totidem verbis. — La variante, iisdem verbis, contient sans doute exactement l'expression du P. Annat. — Sinon, ou de citer la page, — Cela était si facile à faire pour la première proposition, que si le P. Annat ne Ta pas fait, c'est apparemment parce que cela môme aurait montré qu'il ne pouvait pas le faire aussi aisément pour les autres. Du reste, dans un écrit postérieur aux CavilUy la Hesponse à la plainte que font, les jansénistes, que Pascal lui-môme va alléguer tout à l'heure, le P. Annat avait cité les passages de Jansénius où l'on retrouve, quant, au fond au moins, les cinq propositions. — Bans leurs suffrages nouvellement imprimés, — Voir Lettre 17, page 222. Ce texte est à la page 583 de la traduction latine de Nicole {!'*» édition). On y lit prœscendit et non prœscindunt. Les derniers mots semblent signifier : « de manière qu'on la sépare , ou, que le pape la sépare, de celui , quel qu'il soit, qui la profère. » P. 260. — De plus de cinquante erreurs, — Il s'agit toujours d'erreurs contre la foi. — Disait saint Basile y ép, 75» — Cette épître porte le chiffre 200 dans l'édition des Bénédictins. Voir à la fin du n° 4. P. 261. — Bans la lettre quHl écrivit à Innocent If, — La tra- duction de Pascal, fidèle au fond, n'est nullement DIX-HUITIÈME LETTRE 275 littérale dans la forme. Les mots : « ne croyez pas tout esprit » sont de TÉvangile, Jean, iv, 1. P. 262. — Repf*ésente au pape Eugène, — La traduction est encore très libre. — Que vous-même rapportez dans votre livre. — La Response à la plainte que font les jansénistes y etc., dans les Responses aux Lettres provinciales, p. 435, 436. Parmi les exemples donnés par le P. Annat, il y en a un qui se rapporte précisément aux disputes sur la grâce et que Pascal a supprimé, comme s'il en craignait Tapplication. « Saint Augustin nous apprend que Pélagius trompa le concile de Palestine et obtint des évoques l'approbation de sa doctrine, sur le faux semblant de souscrire sincèrement aux propositions qui lui furent présentées. Saint Augustin nous assure encore que lui-môme faillit à être surpris par les deux lettres qu'il reçut de Pélagius et de Gélestin, et qu'il fut sur le point de leur toucher la main, pour dire qu'ils étaient d'accord. » P. 263. — Comme disent saint Vierre et saint Paul, — I Pierre. V, 3 ; I Cor. i, 24 (et Marc, x, 43). P; 264. — Saint Augustin et saint Thomas.— Voir plus loin. — Fides ex auditu, — Rom,, x, 17. P. 266. — Et non pas la grandeur de son corps. — C'est dommage que l'Église n'ait pas appliqué , dans l'affaire de Galilée , cette méthode accommodante. Elle a Uni par le faire, mais un peu tard. — Comme dit saint Augustin, — De Genesi ad litt.j l. 19. (Nicole.) P. 267. — Du pape saint Léon IX un décret solennel. — Daté du 7 octobre 1032 ; mais on s'accorde aujourdiaui à reconnaître que cet acte est apocryphe. Voir les Regesta pontificum romanorum de JafTé , édition de Leipzig, 1883, p. 543. — Pour t excommunication de saint Virgile, — Voir la lettre de ce pape à saint Boniface. {Œuvres de saint Boniface , Lettre 140.) Cela se passa en 748. à 276 LETTRES PROVINCIALES P. 268. —Ou'»/ rCest question entre vous, — C'est la môme tactique que j'ai signalée au commencement de la Lettre, à roccasion de ces mots : « de terminer vos disputes. » — Comme le dit saint Beimard, — Voir page 262. Nicole n'a pas fait de Notes sur cette Lettre ; il a remplacé les Notes par un dialogue sur ce mystère de la grâce développé page 249, qui consiste à éta- blir, d'une part, que nous sommes libres de ne pas vouloir, et en môme temps, d'autre part, que nous voulons nécessairement. Cette Lettre est un plaidoyer très fort et très habile; on pourrait cependant objecter bien des choses à la thèse de la distinction du droit et du fait ; mais ce n'est pas mon affaire de discuter là dessus, ni pour, ni contre Pascal. Je m'en tiens dans ces Re- marques aux éclaircissements purement historiques. Je me bornerai à rappeler que la thèse contraire à celle des jansénistes a été soutenue dans la célèbre Lettre de Bossuet aux religieuses de Port- Royal, i665. Quant à ce qu'on a dit, que Pascal lui-même avait fini par abandonner la distinction du fait et du droit, et par soutenir que, môme en droit, le pape avait mal jugé, c'est une allégation qui ne doit être acceptée qu'avec réserve. Pascal penchait, je l'avoue vers cette rébellion ouverte ; mais il n'a jamais osé s'y abandonner. Ni ses difficultés sur le formulaire {(Euvres de Pascal 1819, t. 3, p. 607), ni certains fragments très vifs des Pensées (xxiv, 66 et 67, p. i 17 et 118, au toine 2 de mon édition) ne vont jusque-là. Il reproche aux deux papes d'avoir consenti, par fai- blesse pour les jésuites, à paraître condamner la vérité, tout en admettant qu'ils n'ont expressément condamné que l'hérésie. Il est donc demeuré fidèle à la thèse de Port-RoyaL DIX-HUITIEME LETTRE 277 En terminant cette étude sur les Provinciales, je dirai encore que je crois avoir été juste envers les casuistes, mais que d'autres juges, et parmi eux des critiques d'une grande autorité, leur ont été plus favorables. Si je ne puis prendre sur moi d'adopter leurs conclusions, je crois devoir du moins y ren- voyer mes lecteurs. Ils trouveront la cause des ca- suistes plaidée tout à fait supérieurement dans un article de M. Brunetière sur la casuistique {Revue des Deux-Mondes du 1®^ janvier 1885), écrit à l'oc- casion du livre de M. R. Thamin : Étude sur la ca- suistique stoïcienne. n. 16 à FRAGMENT d'une 19' PROVINCIALE' Mon Révérend Père, Si je vous ai donné quelque déplaisir par mes autres Lettres , en manifestant Tinnôcence de ceux qu'il vous importait de noircir, je vous donnerai de la joie par ceUe-ci, en vous y faisant paraître la douleur dont vous les avez remplis. Consolez-vous, mon Père; ceux que vous haïssez sont affligés , et si messieurs les évoques exécutent dans leurs diocèses les conseils que vous leur donnez, de contraindre à jurer et à signer qu'on croit une chose de fait, qu'il n'est pas véritable qu'on croie, et qu'on n'est pas obligé de croire , vous réduirez vos adversaires dans la dernière tristesse , de voir l'Église en cet état. Je les ai vus, mon Père, et je vous avoue que j'en ai eu une satisfaction extrême ; je les ai vus , non pas dans une générosité philosophique , ou dans cette fermeté irrespectueuse qui fait suivre impérieuse- ment ce qu'on croit être de son devoir; non aussi dans cette lâcheté molle et timide qui empêche , ou de voir 1. Cette page, qui devait former le commencement d*une dix-neuvième Lettre, adressée encore au P. Annat, a été pnbUée par Bossut, dans son édition des Œuvres de Pascal de 1779. â80 LETTRES PROYINGIALES la vérité, ou de la suivre ; mais dans une piété douce et solide , pleine de défiance d'eux-mêmes , de respect pour les puissances de l'Église, d'amour pour la paix, de tendresse et de zèle pour la vérité , de désir de la connaître et de la défendre , de crainte pour leur infir- mité, de regret d'être mis dans ces épreuves, et d'espé- rance néanmoins que Dieu daignera les y soutenir par sa lumière et par sa force, et que la grâce de Jésus- Christ, qu'ils soutiennent et pour laquelle ils souffrent, sera elle-même leur lumière et leur force. J'ai vu enfin en eux le caractère de la piété chrétienne, qui fait paraître une force... Je les ai trouvés environnés de personnes de leur connaissance, qui étaient venues sur ce sujet pour les porter à ce qu'ils croient le meilleur dans 'l'état pré- sent des choses. J'ai ouï les conseils qu'on leur a donnés; j'ai remarqué la manière dont ils les ont reçus et les réponses qu'ils y ont faites: en vérité, mon Père, si vous y aviez été présent, je crois que vous avoueriez vous-même qu'il n'y a rien en tout leur procédé qui ne soit infiniment éloigné de l'air de révolte et d'hérésie, comme tout le monde pourra connaître par les tempé- raments qu'ils ont apportés et que vous allez voir ici, pour conserver tout ensemble ces deux choses qui leur sont infiniment chères , la paix et la vérité. Car après qu'on leur a représenté en général les peines qu'ils vont s'attirer par leur refus , si on leur présente cette nouvelle Constitution à signer, et le scan- dale qui en pourra naître dans l'Église, ils ont fait re- marquer... L'assemblée du clergé de 16S7, après avoir reçu, le 17 mars, la bulle du pape Alexandre VII, avait dressé un formulaire qu'elle invitait les évêques à faire signer aux DIX-NEUVIÈME LETTRE 28i ecclésiastiques de leurs diocèses. En voici le texte (d'a- près les Mémoires du P. Rapin, t. 2, p. 463) : « Je me soumets sincèrement à la Constitution du pape Innocent X, du 31 mai 1653, selon le véritable sens qui a été déterminé par la Constitution de notre saint Père le pape Alexandre VII, du i6 octobre i656. Je reconnais que je suis obligé en conscience d'obéir à ces Constitutions > et je condamne de cœur et de bouche la doctrine des cinq propositions de Cornélius Jansénius, contenues dans son livre intitulé Augustinus, que ces deux papes et les- évôques ont condamnées , laquelle doctrine n'est point celle de saint Augustin, que Jansénius a mal expliquée selon le vrai sens de ce docteur. » ^ C'est à cette occasion que Pascal commença d'écrire cette nouvelle Lettre. S'il ne donna pas suite à ce projet, c'est que la décision de l'assemblée rencontra une telle opposition, môme chez un grand nombre d'évêques, qu'elle ne put être mise à exécution. Le gouvernement crut devoir prendre auparavant de nouvelles mesures. On se proposa de faire enregistrer par le Parlement la bulle du pape, pour lui donner en France force de loi. Le roi signa à cet effet une lettre au Parlement, datée du 4 mai i657. C'est à la suite de cette démonstration que fut écrite une Lettre qui a été imprimée depuis à la suite des Provinciales, mais qui n'est pas de Pascal. C'est Le Maistre qui s'en chargea, parce qu'il ne s'agissait plus de théologie, mais de droit, et de persuader le Parlement. La bulle du pape n'en fut pas moins enregistrée, dans un lit de justice, le 19 décembre 1657 ; mais la question d'un formulaire traîna longtemps encore, et jusqu'après la mort do Pascal. Je n'ai pas à la suivre plus loin dans cette note. Voir les Mémoires du P. Rapin. \6 à FRAGMENTS SE RAPPORTANT AUX PROVINCIALES On sait que Louis Perîer, un des neveux de Pascal, qui est mort en 1713, avait déposé, à la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés, un volume au sujet duquel il s'est exprimé de la manière suivante : « Je soussigné.;, certifie que le présent volume... est composé de petits papiers écrits d'un côté, ou de feuilles volantes , qui ont été trouvées , après la mort de M. Pas- cal, mon oncle, parmi ses papiers, et sont les originaux du livre des Pensées de M. Pascal ^... et sont écrits de sa main, hors quelques-uns qu'il a dictés aux personnes qui se sont trouvées auprès de lui, lequel volume j'ai déposé dans la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés , pour y être conservé avec les autres manuscrits que l'on y garde... » C'est ce volume ou ce cahier, qu'on appelle assez im- proprement le manuscrit autographe de Pascal , placé maintenant à la Bibliothèque nationale à Paris^ qui a été véritablement découvert par Victor Cousin en 484î2, et d'après lequel M. Faugère a donné, en 1844, son édi- tion des Pensées, fragments et lettres de Biaise Pascal, 2 vol. in-octavo, qu'on peut regarder comme une édition prin- ceps, puisque c'est la première où on lise le véritable texte de Pascal. Quand Louis Perier dit que ces papiers sont les origi- 1. Voir à ce sujet la préface de la première édition des Pensées^ au tome 1 de mon édition, pages liv, lv. 284 FRAGMENTS naux de ce qu'on a appelé les Pensées de Pascal , cela est vrai généralement; mais ils contiennent aussi, quoiqu'on beaucoup moins grand nombre, des notes prises pour la composition des Provinciales, qui n'avaient pas été dé- truites ; je dis pour les Provinciales, ou pour des écrits postérieurs, mais se rattachant également à la polémique de Pascal et de Port-Royal contre les jésuites. M. Faugère , dans son tome 1, a mis à part une cin- quantaine de pages sous ce titre : Femées et notes relatives aux jésuites, aux jansénistes ou aux Provinciales, Et dans cette division, il a fait deux subdivisions, savoir : Pensées sur les jésuites et les jansénistes ^ p. 265-291, ei Pensées et fiotes pour les Provinciales , ipi, 292-314. Quelques-uns des fragments de la première série ont été recueillis dans des éditions des Pensées et se retrouvent dans la mienne ^ ; le reste n'a été reproduit nulle part. Je ne donnerai pas ici tous c^s fragments inédits, parce que beaucoup ne sont que des notes informes et vérita- blement illisibles , dont on ne pourrait rien tirer, ou , si on en tirait quelque chose, ce ne serait qu'à l'aide de recherches dont on pourrait craindre qu'elles ne valus- sent pas le temps et la peine qu'elles coûteraient^. Les curieux intrépides pourront toujours se reporter à l'édi- tion de M. Faugère, qui a tout donné, et qu'il faut remer- cier de l'avoir fait. Le texte de ces Fragments est pris le plus souvent dans les autographes de Pascal, quelque- fois dans des manuscrits tels que ceux du P. Guerrier, 1. La plupart sont rassemblés dans mon article XXIII, qui répond à l'article XXVII de l'édition de Port-Royal , intitulé : Pensées sur les miracles; ils ont été suggérés par le miracle de la Sainte -Épine. 2. En voici un échantillon (p. 207) : « 230. Extrême péché est de le défendre. Etidere. — 240. 23. L'heure des méchants. — Doctrina vera noscitur vir, — 66. Labor mendadi, — Fausse piété, double péché. » En voici un autre (p. 297) :« 452. Rois nourriciers. — 4, Hais à cause de leur mérite. — Appel, univers. 159. Décret de Sor- bonne. — Lei rois, 241 », etc., etc. SE RAPPORTANT AUX PROVINCIALES 285 où on a copié des autographes aujourd'hui perdus. J*ai vérifié scrupuleusement ceux qui se trouvent dans le cahier autographe ; je les ai laissés dans l'ordre où M. Faugère les avait donnés. Je n'y ai presque pas mis de notes, parce que les Provinciales mêmes leur servent en général de commentaire. > FRAGMENTS* 442. — Us ne peuvent avoir la perpétuité et ils cher- chent Tuniversalité , et pour cela ils font toute rÉglise corrompue , afin qu'ils soient saints. 440. — Peut-ce être autre chose que la complaisance du monde qui vous fasse trouver les choses probables? Nous ferez-vous accroire que ce soit la vérité, et que, si la mode du duel n'était point, vous trouveriez probable qu'on se peut battre, en regardant la chose en elle-même? 90. — S'ils ne renoncent à la probabilité, leurs bonnes maximes sont aussi peu saintes que les mé- chantes , car elles sont fondées sur l'autorité humaine, et ainsi, si elles sont plus justes, elles seront plus raisonnables , mais non pas plus saintes. Elles tiennent de la lige sauvage sur quoi elles sont entées. — Si ce que je dis ne sert à vous éclaircir, il ser- vira au peuple. — Si ceux-là se taisent, les pierres parleront *. 85. — Toutes les fois que les Jésuites surprendront le pape , on rendra toute la chrétienté parjure. Le pape est très aisé à être surpris, à cause de ses affaires et de la créance qu'il a aux Jésuites, 1. Le chiffre placé devant un fragment indique la page du cahier autographe où ce Fragment se trouve. Un 6 signifie qu'il est tiré du recueil .du P. Guerrier. 2. Luc, XIX, 40, 288 LETTRES PROVINCIALES et les Jésuites sont très capables de surprendre, à cause de la calomnie. 435. — Probabilité, L'ardeur des saints à chercher le vrai était inutile, si le probable est sûr. La peur des saints , qui avaient toujours suivi le plus sûr. Sainte Thérèse , ayant toujours suivi son con- fesseur. — Probable. Qu'on voie si on recherche sincè- rement Dieu, parla comparaison des choses qu'on affectionne. Il est probable que cette viande ne m'empoi- sonnera pas. Il est probable que je ne perdrai pas mon procès en ne sollicitant pas. Quand il serait vrai que les auteurs graves et les raisons suffiraient, je dis qu'ils ne sont ni graves ni raisonnables. Quoi! un mari peut profiter de sa femme selon Molina I La raison qu'il en donne est-elle raisonnable? et la contraire de Lessius l'est-èlle encore? 100. — Probab, Ils ont plaisamment expliqué la sûreté, car après avoir établi que toutes les voies sont sûres , ils n'ont plus appelé sûr ce qui mène au ciel sans danger de n'y pas arriver par là , mais ce qui y mène sans danger de sortir de cette voie. 423. — Probabilité. Chacun peut mettre , nul ne peut ôter. 427. — Ceux qui aiment l'Église se plaignent de voir corrompre les mœurs , mais au moins les lois subsistent. Mais ceux-ci corrompent les lois : le modèle est gâtée FRAGMENTS 289 344. -^ Gomme s'il y avait deux enfers , l'un pour les péchés contre la charité, Tautre contre la justice ! 437. — Casuistes. Une aumône considérable , une pé- nitence raisonnable : encore qu'on ne puisse assigner le juste , on voit bien ce qui ne Test pas. Les casuistes sont plaisants, de croire pou- voir interpréter cela comme ils font. Gens qui s'accoutument à mal parler et à mal penser. Leur grand nombre, loin de marquer leur per- fection, marque le contraire. L'humilité d'un seul fait l'orgueil de plu- sieurs. 267. — Ils laissent agir la concupiscence et retiennent le scrupule, au lieu qu'il faudrait faire au con- traire. 469. — Généraux. Une leur suffit pas d'introduire dans nos temples de telles mœurs, templis inducere moixs. Non seulement ils veulent être soufferts dans l'Église, mais comme s'ils étaient devenus les plus forts, ils en veulent chasser ceux qui n'en sont pas. Mohatra : ce n'est pas être théo- logien de s'en étonner. Qui eût dit à vos géné- raux qu'ils donneraient ces mœurs à l'Église universelle , et appelleraient guerre le refus de ces désordres: tôt et tanta mala pacem*"! 437. — Il y a contradiction; car, d'un côté, ils disent qu'il faut suivre la tradition, et n'oseraient dé- savouer cela ; et, de l'autre, ils diront ce qu'il leur plaira, on croira toujours ce premier, puis- i . Je n'ai pas trouvé ce passage à la page 469 du cahier au- tographe où renvoie M. Faugère. Je ne puis rendre compte des deux citations latines. II. 17 N 290 LETTRES PROVINCIALES qu*aussi bien ce serait leur être contraire que de ne le pas croire. 97. — Le serviteur ne sait ce que le maître fait*, car le maître lui dit seulement Faction, et non la fin, et c'est pourquoi il s'y attache servilement, et pèche souvent contre la fin. Mais Jésus-Christ nous a dit la fin. Et vous détruisez cette fin. (}. — 1^ probabilité est peu sans les moyens cor- rompus, et les moyens ne sont rien sans la pro- babilité. — Il y a du plaisir de pouvoir bien faire et de savoir bien faire, scire et posse, La grâce et la proba- bilité le donnent, car on peut rendre compte à Dieu en assurance sur leurs auteurs. — Annat. Il fait le disciple sans ignorance, et le maître sans présomption*. 6. — Les Jésuites. Les Jésuites ont voulu joindre Dieu au monde, et n'ont gagné que le mépris de Dieu et du monde. Car du côté de la conscience, cela est évident, et du côté du monde, ils ne sont pas de bons cabalistes'. Ils ont du pouvoir, je l'ai dit souvent, mais c'est-à-dire à l'égard des autres religieux. Ils auront le crédit de faire bâtir une chapelle et d'avoir une station du ju- bilé, non de pouvoir faire avoir desévêchés, des gouvernements de places. C'est un sot poste dans le monde que celui de moines, qu'ils tiennent par leur aveu même (P. Brisacier, Bé- nédictins). Cependant. .. vous ployez sous les plus puissants que vous, et vous opprimez de tout 1. Jean, xv, IT». 2. // fait, c'est-à-dire il suppose. 3. C'est-à-dire cabaleurs ; mais le mot ne se trouve en ce sens ni dans r Académie ni dans Littré. FRAGMENTS 291 votre petit crédit ceux qui ont moins d'intrigue que vous dans le monde. G. — En corrompant les évêques et la Sorbonno, s'ils n'ont pas eu l'avantage de rendre leur jugement juste , ils ont eu celui de rendre leurs juges injustes. Et ainsi quand ils en seront con- damnés à l'avenir, ils diront ad hominem qu'ils sont injustes, et ainsi réfuteront leur jugement. Mais cela ne sert arien. Car comme ils ne peuvent pas conclure que les Jansénistes sont bien con- damnés, par celte seule raison qu'ils sont condamnés, de même ils ne pourront conclure alors qu'ils seront mal condamnés eux-mêmes, parce qu'ils le seront par des juges corruptibles. Car leur condamnation sera juste , non parce qu'elle sera donnée par des juges toujours justes, mais par des juges justes en cela, ce qui se montrera par les autres preuves. G. — Il faut faire connaître aux hérétiques qui se prévalent de la doctrine des Jésuites que ce n'est pas celle de l'Église... La doctrine de l'Église... Nos divisions ne nous séparent pas d'autel. 6. — Si en différant nous condamnions, vous auriez raison. L'uniformité sans diversité, inutile aux autres; la diversité sans uniformité, ruineuse pour nous. L'un nuisible au dehors, l'autre iiu dedans. G. — Les casuistcs soumettent la décision à la raison corrompue, et le choix des décisions à la vo- lonté corrompue, afin que tout ce qu'il y a de corrompu dans la nature de l'homme ait part ii sa conduite. G. — Toute la société entière de leurs casuistcs ne 392 LETTRES PROVINCIALES peut assurer la volonté dans Terreur, et c'est pourquoi il est important de choisir de bons guides. Ainsi ils seront doublement coupables, et pour avoir suivi des voies qu'ils ne devaient pas suivre, et pour avoir ouï des docteurs qu'ils ne devaient pas ouïr. 447. — Ceux qui ont écrit cela en latin parlent en fran- çais. Le mal ayant été fait de les mettre en fran- çais, il fallait faire le bien de les condamner. — Il y a une seule hérésie qu'on explique diffé- remment dans l'école et dans le monde. G. — Ce sont les effets des péchés des peuples et des Jésuites : les grands ont souhaité d'être flattés ; les Jésuilesont souhaité d'être aimés des grands. Ils ont tous été dignes d'être abandonnés à l'esprit du mensonge, les uns pour tromper, les autres pour être trompée. Ils ont été avares, ambitieux, voluptueux : Coacervabunt sibi ma- gistros \ 415. — Il est bon qu'ils fassent des injustices, de peur qu'il ne paraisse que les Molinistes ont agi avec justice. Et ainsi il ne les faut pas épargner ; ils sont dignes d'en commettre. — Il faut ouïr les deux parties ; c'est de quoi j'ai eu soin . Quand on n'a ouï qu'une partie, on est toujours de ce côté-là, mais l'adverse fait changer ; au lieu qu'ici le Jésuite confirme. — Non ce qu'ils font, mais ce qu ils disent. — Ce n'est que contre moi que l'on crie ; je le veux bien; je sais îi qui en rendre compte. 1. II, Tim,, IV, 3. FRAGMENTS 293 415. — On dirige sa vue en haut, mais on l'appuie sur le sable, et la terre fondra et on tombera en regardant le ciel. — Jésus-Christ a été pierre de scandale. — Condamnable, condamné*. — Politique. Nous avons trouvé deux obstacles au dessein de soulager les hommes. L'un des lois intérieures de l'Évangile, Taulre des lois extérieures de l'État et de la religion. Les uns *, nous en sommes maîtres; les autres, voici comme nous avons fait. 153. -- ... Qu'on les a traités aussi humainement qu'il était possible de le faire, pour se tenir dans le milieu entre l'amour de la vérité et le devoir de la charité. Que la piété ne consiste pas h ne s'élever jamais contre ses frères ; il serait bien facile... etc. C'est une fausse piété de conserver la paix au préjudice de la vérité. C'est aussi un faux zèle de conserver la vérité en blessant la charité. Aussi ils ne s'en sont pas plaints. — Leur vanité tend à s'??lever de leurs erreurs. — Conformes aux païens par leurs fautes, et aux martyrs par leurs supplices '. G. — Jésus-Christ n'a jamais condamné sans ouïr. A Judas : Amice, ad quidvenisli? A celui qui n'avait pas la robe nuptiale, de même *. G. — Mais il est impossible que Dieu soit jamais la fin, s'il n'est le principe. 1. Comme s*il disait : Cela fait deux. 2. Les wis se rapporte sans doute aux obstacles, pourvu que par deux obstacles on entende des obstacles de deux sortes. 3. Voir rintroduction, p. xix. 4. Matth,f XXII, 12, et xxvi, 50. i9i LETTRES PROVINCIALES 416. — Après tant de marques de piété, ils ont encore la persécution, qui est la meilleure des marques de la piété. 109 — Si saint Augustin venait aujourd'hui , et qu'il fftt aussi peu autorisé que ses défenseurs , il ne ferait rien. Dieu conduit bien son Église, do ravoir envoyé devant avec autorisé. 201. — La vérité est si obscurcie en ce temps et le mensonge si établi, qu'à moins d'aimer la vérité, on ne saurait la connaître. 447. — Il est impossible que ceux qui aiment Dieu de tout leur cœur méconnaissent l'Église , tant elle est évidente. Il est impossible que ceux qui n'aiment pas Dieu soient convaincus de l'Église. 439. — Les cinq propositions étaient équivoques ; elles ne le sont plus. 402. — Sera bien condamné qui le sera par Esco- bar. 423. — Vous ne m'accusez jamais de fausseté sur Escobar, parce qu'iFest connu. 409. — Il est indifférent au cœur de l'homme de croire 3 ou 4 personnes en la Trinité, mais non pas... etc. Et de là vient qu'ils s'échauffent pour soutenir l'un, et non pas l'autre. Il est bon de faire Tun, mais il ne faut pas lais- ser l'autre. Le même Dieu qui nous a dit... etc. Et ainsi qui ne croit que l'un, et non pas l'autre , ne le croit pas pgrce que Dieu la dit , mais parce que la convoitise ne le dénie pas , et qu'il est bien aise d'y consentir et donner ainsi sans peine un.témoignage de sa conscience que lui*... Mais c'est un témoignage faux. 1. On qui fui ; Ifi texte ppI rl-outenx. FRAGMENTS 2«5 343. — La folle idée que vous avez de rimporlance de votre compagnie vous fait établir ces horribles voies. Il est bien visible que c'est ce qui vous a fait suivi*e celle de la calomnie, puisque vous blâmez en moi comme horribles les mêmes impostures que vous excusez en vous, parce que vous me regardez comme un particulier, et vous comme Imago, — Est-ce donner courage à vos entants de les condamner quand ils servent TÉglise*? — C'est un artifice du diable de divertir ailleurs les armes dont ces gens-là combattaient les hérésies. 409. — Lettre ,des établissements violents des Jésuites partout. Aveuglement surnaturel. Cette morale, qui a en tête un Dieu crucifié l Voilà ceux qu'ils ont fait vœu d'obéir tanquam Çhristo. La déca- dence des Jésuites. — C'est une cause étrange qu'il n'y a pas moyen de leur donner l'idée de la religion. — Pour la foule des casuistes , tant s'en faut que ce soit un sujet d'accusation contre l'Église, que c'est, au contraire, un sujet de gémissement de l'Église. — Et afin que nous ne soyons pas suspects , comme les Juifs, qui portent les livres, qui ne sont point suspects, aux Gentils', ils nous portent leurs constitutions. 93. — Nous-mêmes n'avons pu avoir de maximes gé- nérales. Si vous voyez nos constitutions, à peine nous connaîtrez- vous. Elles nous font mendiants, 1. Owj quand ils sauvpîit. 2. Pfiiséps, XIV, •. IM LETTRES PROVINCIALES ete\il('!sdes cours, et cependant... elc. Maisce n'est pas les enfreindre, car-la gloire de Dieu est partout... Il y a diverses voies pour y arriver : saint Ignace a pris les unes, et maintenant d'autres. Il était mcilîeur pour le commence- ment de proposer la pauvreté et la retraite. Il a été meilleiu- ensuite de prendre le reste. Car cela eût effrayé, de commencer par le haut; cela est contre nature. Ce n'est pas que la règle générale ne soit qu'il faut s'en tenir aux insti- tuts, car on en abuserait. On en trouverait peu comme nous, qui sachions nous élever sans vanité. 79. — Un bout de capuchon arme 23,000 moines. 279. — Avez-vous l'idée qu'il faut de notre Société? L'Église a subsisté si longtemps sans ces ques- tions ! Les autres en font, mais ce n'est pas de même. — Quelle comparaison croyez-vous qu'il y ait ¦ entre 20,000 séparés et 2o6,000,(»00 joints* qui périraient l'un pour l'autre, un corps immortel î Nous nous soutenons jusques à périr. L'Amy. Nous poussons nos ennemis. M. Puys. Tout dépend delà probabilité. Le monde veut naturellement une religion, mais douce. Il me prend envie de vous le montrer par une étrange supposition. Je dirai donc... Quand Dieu ne nous soutiendrait pas par une protection particulière pour le bien de l'Église, 1. Quand il compte SDO miUioD» ),n, 146,163. Arîiat (le P.), I, 63; II, 18, 26, 187, 290 ; — lÎTre qu'il Tient de publier , U, 21 1 ; — ses Caoilli, U, 219, 239 ; — élait & Rome lors de la censure, 229. AmTE CHRIST (I'), I, 49. Apouimairr, évéque de Laodicie, à la fin du iii« siècle, U, 263. Voir Théodoret, Hist. ecclés.. Y, 3 et 10. Amlooistb (votre), II, 159, 169, 197. Après avoir : i Après aToir apaisé le bon Père, dent j'avais un peu troublé le discours ... il le reprit, » I, 141. Nous Toulons aujourd'hui qu'on dise : « Après que j'eus apaisé ... il le reprit », ou bien : « Apiôs avoir apaisél.. je le déterminai à le reprendre, s AOVATITA, 11,215. Arcbsvéqdb (feu M. 1') de Taris, II , 4i', 53, 146. Aristotb, par le p. Bauny, I, 7i. Arivs, I«49;n, 221. Ablbs (le premier et le second concile d'), I, 314, 353; II, 19;. Arnaitu)(M.), 1, 1, 45 ; — l'acte de M. Ar- nauld, 1, 53 (cf. 14) ; — c'est sa personne qui est hérétique, I, 51 ; —la seconde Lettre, 1 , 4G ; — ses Apologies, 1 , 47, 56 ; — son second Apologétit|ue, 1 , 52 ; — calomnies contre lui, II , 174 ; — son livre de la Fréquente Communion, (1) ht* Jaiiobins l'éiaient établis i Abbcville en 16SI (Louandre, Histoire d'AbbeviUe^ 18U. t U, p. MS\ (2) Nicole renvoie ici à e. 5, fixtr, de Reseriptis» Extra e«t une expression par laquelle on désignait autrefob, dans le Droit canonque, les Déerérales de Giégoire IX, parce qu'elles étaient en dehors du Decretum de Gratien. De B^s- criptis est le troisième du livre I*"*. 306 TABLE ALPHABÉTIQUE 181 (cf. 180);— iropnutjon abiorde oontre lui (et contre son frère), II, l92,iEl8. Amamiks: définition do ce met, 1, 116. AfTBOLOOB (Y.), est un moyen faux, I, 184. Athavàsk (saint), phrase de lui citée, II, 195; — opposé à saint Basile, 221 ; — hérétique nommé Athanase, 263. Atioces, I, 40, 56. ATTaiTioM (P), est suffisante. II, 12. AuoirsTai (saint) : le pins g^nd des Pores, 1 , 32 ; — est la règle dans les matiôros de la grAce, II , 249, S71. ~ S^il venait aujourd'hui .., 294. —Cité : I, 4, 47, 72; —n, 33, 36. 39, 40, 41, 47, 63, 110, 112, 125, 217, 223, 249, 261, 265, 266. ADoufTiHs (les), n, 223 ; cf. 1 , 15. Auii6sB, 1. 116; n, 58. AvMLios (Pctrus), II, 183. AuTBUE DBS PaoTixaALBs (P) ; traits per- sonnels semés dans ces Lettres ; —91, il a peine à supporter le jeûne ; — 92, il ne peut souffrir le vin ; —II, 11, son indt- gnatbn ; — 18, idem ; — 174, idem ; — 39, sa sincérité ; — 40, sa discrétion ; — 173, n'est pas de Port-Royal ; — 213, son indépendance ; — 221, n'est pas docteur . (et 1,169) ;— 270, défie ses adversaires ; — 299 : « Je ne mérite pas de défendre la religion, mais... » Auxiliit (la congrégation de), 1} 3G; n,249. Ataeicb , pour exprimer l'amour de l'ar- gent dans tous les sens, I, 68. ATBaTistBMXKTs (les) aux jansénistes, n,73. AzoR,I, 151 (cf. 110), 154, 211. BA60T (le P.), Il, 46, 54. BAiD,n, 116,130. BAU»BLLB(le P.), I, 152,164. BARQrBaocTiBBs (les), I, 176 ; II, 70. Baboxius (le cardinal) , n, 224. Il est mort en 1607. Barbt (le P. Paul de), I, 195, 214. Bas : Tout bat, manière d'entendre cette expression, I, 218. Basile (saint), II, 121, 221, 200. BATiaBHT : le bâtiment des païens, II, 299. Bauby (le P.), 1 , 63, 77 ; — passage de lui reproduit infidèlement , 73, 80 ; — citations de lui , 93, 94, 120, 121, 125 , 129, 172-3 sur l'usure, 177 le brû- leur de grange, 208, 208 la virgi- nité, 211; U, 3, 7, 8-9 l'abaolution, 10 , 11 les lieux de débauche ; cf. 151. BÉCAX, 1,151, 156, 164. Bbllarmix (le cardinal), II, 224, 228, 240. BéNÉDicTixs (les), II, 156, 166, 197, 291; B£NéFiciBas(les), 1, 123. Bebcèbes : c vos petites bergères »y II , 217, 238. Bbrxabd (saint) , le dernier des Pères , I , 32;— cité, n, 197, 261,262. BiUB (le P. Erade), II, 68, 79. Bikbt (le P.), I, 198, 214; II , 42. Blaxc (une confession de foi en), II , 23 1 . BoRiiOMXB, au sens de vieux, I, 27> 35. BocBG'FoxTAixB (la prétendue assemblée de). Il, 192. BocBSB (la) ansti malmenée que la vie, I, 170. Bribacieb (le P.), U, 44, 52, 146, 15i, 155,159,193. Bbctalbs (questions) sur les rapports ootre hommes et femmes, I, 207. BoLLB contra clericos ..«(la), I, 118, 131, — contra soUiciiantegf ibid, Cabaustes, II , 290. Cabx : les thèses de Caôn, 1 , 1G3-4 ; II , 65, 68, 89; —le vmu de Caën, II, 45, 53. Caixtax, n, 57, 6U2. Caloxxib : les jésuites n'en ont pas l'idée qu'on s'imagine, II, 142, 294, 298; -> ils se la rendent inutile , 195. Calyix : son erreur sur la grâce. Il , 247 , 250. Capoxi (le cardinal), 1 , 89. Cafcchom (iw bout de). Il , 296. Cabahibi, 1, 121, 135, 157 ; U, 144. Gaaviial (le) de Lyon, H, 148, 164. Cabbsbbs : il me fit d'abord mille eares5»es, I,9L TABLE ALPUABËTIQUK iw: asAn^cr Si. TS. CiM—rij n. iifi,aiL CAsncs Paiai «,1-1*:, IMv no. . ITÎ. Ckaaaa^l^€X,9:z—l faar4 «a ¦ùtes, I, fOO, iU : — aBflBi t4a ¦MJ iaesma aerrkseâeti ¦¦g rif irir i«« ««1 I,*S; — « ks e» MiOes SMf ipl» a«u>,n, CAcna (le P.), fl, 9, 23, IM. Csaedii-n,!, », 17. Céubrss, pth— de Félegias on Pelage, n,963. Ceuot (leP.l, 1,99, 112: — passage étnage de loi . I, iià ; — autre, 1, 18o. Cbxscbe de la Sorbonae contre Amauld, 1,3,», 45, 31 ;n, 297-8. Cucis-Cnja (I^dole), I, 88. CMâ»FAg»s : rotr Picardie. Cjufblbt (dérotioB dn), 1, 197 ; — le cha- pelet da Saint-Sacremeiit, H , 178, 2U2. CauxaroB : « Quand m^-t-on vu à Cha- ranton ? a H, 212; cf. 179. CiABnÉ (la}, ctet-à-dirs Pamonr de Dieu, I, 65, 90, 197 ; — Paateor tx>j a point manqaé , II , 41 ; — charité , dans le sens d'amoor dn prochain , 1 , 141 : — opposé à justice, II , 61, 289. CHAaTBTÉ (la) : doctrines des casoistes sur ce an jet, I, 207. Chèbb (bonne), c est un des plus grands plaisirs de la vie », 1 , 204. CiiEYJU. : permission de tuer pour le vol d'un cheval, n, 115. Chimb (la) : conduite qu'y tiennent les jé- suites, 1 , 88. Chiromaxcb (la), II, 4. CmiéTiEif : a Tous ces gens-là étaient-ils chréUens ? » 1 , 100. CHBO:fOLOCisTB ! ff Yous n'êtes pas bon chronologlste », 1, 145. Chrysostoxb (Jean le), I, 47 ; II, 3S, 100 CicéBON, II, 112,129. Circonstàkces , qu'on n'est pas obligé de confesser, II, 3, 4. Citations : pourquoi elles manquaient dans la Lettre 5 , I, 115 ; — Pascal n'a pas voulu en faire sur les choses oi)scènes, 207. CiÉxSRT Tm , papo de 1591 à 1005 > t» tl» 31; n, 250. ClebgiS : « Le clergé , la nobletM «I 1«« rleR.Ëta^» 1,123. CUBaOMT (le oollège de), ooU^g« d«m jé- suites à Paris, apptlé députa |>ar »u\> mêmes collège Louis • le > Q rAiid i Mi 5,15. CouwB (Christopho), II, 208. CoxéMB dos Jésuite», 1 , 59, ft8« CoaiTOLva, II, 13, 21. CoHrLAisAKUs d'un autour )MUr n^ «ii^ vragos, est chose permise, 1 . 2(>2. CoKcnnscsNCB ( la ) et le lorupult* » U % 28». CoNFBssBCRs (pormiuiou d*MVuii' dnu»), Il , 3. — Les juges de« ooii(es!i»ui*« o| It^n confesseurs des juges, t, lUi, CoMFRssiQN (nd.moiMtemnito (lt« U), Il , t oi 2. CoxiMCK, I, 210,222. CoMNAissAXCR : t Troîs prinrtpt»N i)*^ \\m connaissanoes, les sens, U mUuii p\ U foi», 11,204. CoBscteifciRnasMRKT : « Poignarder vouN , wun ISM'I» t ceux que vous hnïssfv snnl «fillifi^fi u« II, 279. COMSTITOTIOM : pi>étOudU(^R OOhSttttatoUH tlu Saint-S«orom(>nt , U , IMA;-* U oonH titution, pour dire ooIId trinn(i(«t>ht N sur les cinq propuiUionSi 11 , il«l| ^«17. CoMSOLTBVRi (los) d'IniuM^riii N , U, V'.*^. 2.19, 250. CoMTRiTiox (la) n^ostpas ué(«eHi«tre, II, \i\ — est plutôt un olMtanlt*, 15, CoMVBNiR : sons pArtioulier de oo moi , I , 91, 106. CoRDELiERs, I, 12, 15;— Ion ("otxlolliMS dos lies Philippluoi, I, 80, CORDUBA, II, 57, 75. Corps : c un corps do réprauvé^ »i H , un corps immortel U, 215; — « 29G. Corrompu : o la raison corrompue et la volonté corrompuo », II , 201 . Ckasset (le P.), II, 146, 10.1. 217. CaiïANofERs, fruitrés, I, 170. à 308 TABLE ALPHABÉTIQUE Caoïx (U), AU-dMiU8 dot leltros qni figurent le nom do J^soi, II , 44. CciAf, n, 113. Cvwii (an) qno toiu n'«imes pas , II , 88 ; ~lat cor4« da Parin, U , 858, 274. CYinxB (saint), II, 33« 227. Damasi (le pape laint) , de 366 à 384, n, 863. Damibl, II , 33. Dawoo (le P.) : voir Anjcn. DAaMSTAT (le landgrave de) : voir Besse- Rheinfeid. Dataxtaob qoi, n , 85, 105. OiciMiB (le« trouièmes), II, 61, Deuter., XXTI, 12. Dimu meortrière (nnc). II, 114. Dbuvim, 11,43. DéMoa (le), U, 63, 124, 126. —Voir diable. DsMY% (le oorpe de laint), II, 267. — Saint Denis d'Alexandrie, II, 881. Dis BoiB (le P.), à Rouen, II , 94. Dbsghidu dans les moyens hamains, n, 112. DénsTABiJBs : voir atroces. DéTASTATiox (nous Paurons en), I, 40. DÉTOTioii aisée (la) , 1 , 190. D:abu (le), 1 , 184 ; U , 1 19, 125, 295, 299. — Voyea démon, DuKA, I, 96, 111. — Ciutions de loi, 96« 99,100, 101, 116, 118, 119, i46;U, 13> 14, 117, 298. DiCASTILUS, 11,143,161. DiBV : « que Dieu ne donne pas la vertu a, 1 , 68; — Dieu impuissant pour faire le mal et tout-puissant pour faire le bien, n,iii. Dias : die, pour dise, I, 130 (of. 39 et 41); — les premières paroles que Dieu a dit , pour a dites, II, 31. DiEBCTBOR : c ce famoux directeur qui se fit riche en un moment de neuf cent milleUvres», H, 172, 200. DisTiHovo, 1, 10, 64; U, 66. DiTsasiré et uniformité, II, 291. Docnvn : « Encore que Je ne sois pas doc- teur, non plus qno vous, mon Père », Q,22i. DocTRiRE (la), oppo&ie à U morale, I, 7tî Doigts (en me serrant lett), 1 , 73, DoMBsTiQUEs (les), pour les valets, va- riante, 1 , 170. DoMWCAuis, I, 8, 17, 24. DnAoo«(le), n,124, 137. DocATs : permission de tuer pour six du- cats, I, 155; ir, 115. DvEL : permission de se battre en duel, I , 146; II, 117; ~ pont iHre remplacé avantageusement par l'assassinat,!, 148. — Édits contre le duel , 1 , 147 ; II , 1 26; — la mode du duel , II , 287. De UouLiM, II , 55 , 75. Du Pxanox (le cardinal), U, 185, 204. DirPR«(M.),n, 68,80. E. A. A. B. P..., etc., I, 55, 60. Eeee qui toHit,,., application de ces paroles an P. Bauny , 1 , 63. Ecclésiast:qubs (juges), ne peuvent a«i»ter aux jugements criminels, 1 , 157 ; — « ni prêtres ni eodésiastiquee a, 1 , 169. ÉcLAiacia : c Je souhaitais d'être éclairci », 1,61,102. ÉcuTiE : c Je pense qu'à la fin j'éclate- rai, »1, 170 ; — « jo fus sur le point d'é- clater de rire », 1 , 178. ÉcaiTCEB (1') : comment il faut l'interpréter d'aprdii les sens, II , 865. Eco : on peut tuer pour un écu, I, 155 ; U,116. Éqlisi (1*), son horreur du sang, I, 156; U , 1 10, 124 ; — changements dans sn discipline, II, 180; — l'ancienne Église est seule la règle, U, 301. ÉLiB, 11,33. EuBRAssu : a et m'ombrassant »,I,9, 18. Enchahtés (mots), qui ont le pouvoir do rompre un charme, I, 174. EKonoiT (en son), II, 88, 103. EnLDHiHcaEs (les) n'ont fait tort, II, 297, cf .1, 59. ExiUYBE : m j'essaierai de vous ennuyer le moins qu'il se peut », II, 5C. Ehsuitb, o'est-à-dire par suite, I, 75, 139. Ebtib (P) : oelle du bien temporel n'est que vénielle, 1,203. EpilotfUM summarum (1*), I, 1:5. Équivoqobs (permission d'employer dss mots), I, 205. TABLE ALPHABÉTIQUE 309 E«>EU> , «u sens d'l:4résJoy II j S35, 245 EscoB&K, I, 91,1UC; II, 294, 330 ;~ comment on a peine à avoir ion livrOy I , 118; — éditions diverses de ce livre, 187 — sa grande théologie morale, ibid., aux Tariantps, et II, 72, 92: — aonvent réimprimé, II, 46; — on lai a envoyé les Provinciales, II, 72; — sa petite théologie morale citée , soit sons le nom d'Escobar, soit sous celui des Vingt- Quatre (voyez ce mot) : I, 84, 97, 116, 117, 118, 124, 128, 145, l47, 150, 151, 152, 155. 156, 170, 171, 172, 174, 176, 177, 178, 180, 181, 182, 18J, 202, 204, 203, 207, 209, 210, 211 ; II, 3, 4, 5, 10, 14, 16,65, 70, 71,72, 89, 116, 126. État : les trois états, la Loi, la foi, la claire vision, II, 186. Été : «r a été longtemps à... », II, 120, 133. ÉT052CBH , dans an sens très fort, propre- ment frapper comme un coup de ton- nerre, I, 39, 212, —an contraire, I, 142. Étude, au masculin, 1 , 46, 56. EccHAEisTiB {[% II, 174, 264. Voir tran- 8td>gtantiation. EcoiHR (le pape) : Eugène III , pape en 1145, U, 262. ExmFUB (bon d'), 1,1. Facvité de Paris (la), 1,1. FAGiriiDEz, I, 175, 190; II, 4, 14. FAïas : c Quelle force prétendez -vous faire sur les paroles de ce bref ? » II , 229 ; — « des décrets qui ne faisaient rien pour vons », II, 246. Femmes : femmes perdues (les), I, 180; II , 1 1 ; — doivent se pnyer plus les unes que les autres 1, 182; — doctrine des casnistes sur la parure des femmes, I, 209: — permis ion de voler leurs maris, 210. Fshétub : permission an valet de tenir Péchelle quand son maître entre dans une maison par la fenêtre, I, 128. FBKnBTé irrespectueuse (une), II , 2t9. Fièteb : « s'il y a longtemps quMI a la fièvre », II, 3. FiucTios. I, 93, 97, 107, 126, loi, 154, 182, 206; U, 6, 8,91. Fillbav, II, 191, 205. Filles de l'impératrice (le:i}, II, 145 ; — les filles du Saint-Sacrement, l75. Fm : Paction et la fin, U, 200. Flahaut (le P.), I, 131, 103. Flamobb (nos Pères de), II, 2. Fkahçais (les), II, 207. Framce (les évéques de), II, 300. Furent (la loi), U, 113, 129. Fut avec moi (qui), pour qui vint avec moi,I, 61; — j'y fus, 1,91. Gages : permission aux valets de prendre de quoi suppléer à leurs gsgCH, I, 129. GAins infâmes , 1, 180. Galilée: le décret contre lui («n 1633), n,267. Gaks (le P.), II, 143, 162, 194. Gahassb (le P.), I, 202, 216; U, 44. Gabdbb, pour sauver, II, 116, 130. Gehebbard, II, 227, 241. GÉxéKkvx des Jésuites, U, 100, 215, 289, 297. Genève : Port-Royal accusé dMtre d'intel- ligence avec Genève, II, 174, 176; — M. de Genève, 197. Gbxtiuhoxiies (casuistique à l'usage dos), I, 141. GiEzi , II, 69. Gloieb, au sens théologiqne, II, 186. GftACE (la question do la), I, 4, 12, 33 ; — grâce efficace, I, 4, 10; U, 22J; — règne malgré les jésniles , II, 257 ; — grâce suffisante, I, 21 ; — grâce victo- rieuse, I, 32, 37 ; — le livre de la grâce victorieuge deJésua'Chriatf II, 217 , 238 ; — la grâce actuelle, I, 61 ; la doctrine des Jésuites sur la grâce tient à leur morale, I, 90 ; — « quo la grâce... sera elle-même leur lumière et leur force », II, 280 ; — contrariétés appa- rentes de l'Écriture sur la grâce , II , 251. Grahados, -I, 4, 14,21. Gbave (un docteur), I, 95, 97, 120. Geaviha, dominicain, I, 89, 104. GaBooiRE DB Naziarzb (saint), II, 36 ; — aiu TABLE ALPHABÉTiUUK Grégoire de Njiso (saint), II, 121; — «aint Grégoire, pape (de 590 à 604), U, 62, 219, 239. 260, 261 ;— Grégoire XIY, pape en 1690, 1,115. Gobt-Apbms (an pienx), 1, 148. Habit : permission donnée an religieux de quitter son liabit, I, 116. Haluei (M.), I, 63, 77, 120. iUixotx Ile P.), U« 226,241. Hsnui m, 1, 199 ; — Henri lY, ibid. UBxaiQOKz, 1,150, 103. HÉKACUUS (l'emperear), (auteur des mono- théUtes, U, 263. HÉBBAI7 (le P.), I, 151, 163; n, 93, 118. Hiaésis : c il n^y a point, en effet, d'hé- résie dans l'Église , * U, 224, cf. 292. HÉaBTiQUB : en quel sens Tauteur est un grand hérétique, II, IGU ; — il s'atta- che i établir qu'il ne l'est pas, 211. IlBssB-RiusiiirELO (le prince Ernest de) , II, 156; aux Variantes. HBUEBOsBHBifT .' c jttsqu'à TOUS faire réussir si houreusemont dans une con- duite si malheureuse , » II, 234. HinÉaAACB : c l'Église étaat proprement dans le corps de la hiérarchie, » II, 301, HiiaoMB (saint), 1, 100 ; U, 33, 257. HiLDBBnT,évdqae du Mans (lOff?- 1123), U,121. HiLàiHB (saint), U, 39,40. Homicide : horreur qu'on en doit conce- voir, II, 127. Voir tuer. HomiÉTB homme, pour galant homme, I, W. Honoaivs (le pape), do 625 à 638 ; H, 227. HoRHisDAs (le pape), de 514 i 523; II, 226. HoaaiBLBs : voir atroces. Cf. I, 49. HUGDBS DB SA»T-yiCTOa, II, 32, 49. IIuMiUTÉ : c rbumilité d'un seul fait l'or- gueil do plusieurs, I U , 289. HuaTADO (Gaspar), 1, 14G, 161, 210, 211 ; n,14. HuRTODO (Pierre) de Mendoza, I, 145, loi, 161. HuRTADO (Thomas), 1 , 89, 104. UypocRAs(l'), 1,92, 1U7. Idolb, au masculin, I, 201, 215. IftHAGB (saint), n, 100, 296. Il, pour cela, II , d5. Imago, I, 85 (Variantes), 103; U, 2, 9, 295. biPMEa : c qu'on aurait en effet impo&é au P. Bauny, » II, 151, 16C;— même seas, 188, 100. Impostoubs, reprochées par les jésuites & l'autour, U, 56, 295 ; — « rougisses de vos impostures ignorantes, » 189. iMPDDiciTé : a un prêtre que son confesseur même envoie de ses impudicitcs à l'au- tel i,U, 191. fndecore vivat (nej, I, 176; H, 71, Ikdbs (les) : conduite qu'y tiennent les jésuites, I, 88. Ibjusticb : c il est bon qu'ils fassent des injustices, » H , 292. Ikxocext. Innocent II, pape en 1130, II, 261. — Innocent X, de 1644 à 1655, U, 228, 259 (cf. 1, 2, « le feu pape »). Insultbr contre, I , Si). Irtextion (la direction d'), I, 142 (com- parer 123 et 129). Iktisiblb : a vous vous sentez frappés par une main invisible, qui rend vos égare- ments visibles à toute la terre, » II, 213. Iprb (M. d') : voir Janséoius. Irébéb (saint), II, 33. lulÉGULABITé, II , 124. IsAAC, évéque do Langre8,II, 121 (à la fin du a^ siècle). Jacobiiis, I, 9, 15. Jansékistes, I, 4, 4G; — si les jésuites peuvent tuer les jansénistes, 1 , 157 ; — ne sont pas hérétiques. H, 216. JAxséivius , 1 , 2 ; II , 219 ; — calomnie contre lui. H, l7i, 199; — pourquoi les jésuites veulent faire condamner « le sens de Jansénius », II , 232 ; — prétend être d'accord avec les thomistes, II, 255; — c un docteur et un évoque qui est mort dans la communion de l'Église », U, 209. JARaiGB(le P.), U, 190,205. Jban, évéque de Jérusalem, H, 257. »- Jean U (le pape), II , 225 ; mais il y a là une faute, et il faut lire Jean I**". TABLE ALPHABÉTIQUE 311 aosALEM mybtiiïue (la), II , 12o. JESUITES (les), 1 , 21 , 38 ; — « il n'est rien tel que les jé^iiiites», I, 61; — leur éloge par eax-mdmes, 1, 85 ; — le premier jésaite, I, 61; — le second jésuite , I, 91, 105 ; — a il est bonhomme », 182; — ne dit jamais rien de lui-même, 195 ; — no peuvent rien imprimer sans Paveu de leurs supérieurs, 1 , 87, 198 ; II, 215; — le règlement de leurs mœurs, 1, 122; — aveuglemeot de leur amour-propre , n , l45 ; — il 7 en a « par tonte la terre », II , 181-2 ; — a il n'y a pas un catholique, jusques aux jésuites mêmes », n, S53; — « toutes les fois que les jésuites surprendront le pape », II, 287; — portrait des jésuites, II , 29U ; — a la décadence des jésuites », II, 295; — comparés aux Juifs, ibid,; — a le jéjiiitc confirme », 292. Jésus-CHSisT : « celui pour qui Jé:ius-- Christ est mort », H, 124, 213, 216-7, 221;— ilaraUié,U,33. Jeune (le), I, 91, 93. JoiHT : « 2000000000 joints >, U, 296. Jour (dernier) : au dernier jour, les ca- suistes se condamneront les uns les autres, II, 101. Judas n'a pas été condamné sans être en- tendu, U, 293. Juges (facilités pour les), I, 1*0, 183 ; — opposés aux casuistes , 1 , 172 ; -— faux égards pour les juges, II , 95 ; —le jjige des juges , ibid,; — il en faut »ept pour condamner i mort, II, 123 ; — doivent , être à jeun, ibid. Juirs (les), U, 295, 302. Juste (le premier), II , 127, 132. Justice (les formes de la), II, 122. KcuM-rucuv, 1 , 88. Lâcher le pied, 1 , 70. L'Amy (le P.), I, 156, 166; II, 14, 94, 114,121,258,296. Latir : ff ceux qui ont écrit cela en latin parlent * en français », II , 292 ; cf. 299. Latrar (le concile de), de 1215, II, 194. Laymar, 1 , 97, 1 1 1 , I i7, 156 ; II , 1 17. LECoraT(leP.),I, 151,163. LbMoire(M.),I,8, 17, 40, 64. Le Motre (le P.), 1, 199, 209, 215; -ses Peintures morales , 200 ; — son ode k Delphine, II, 42-3. LioR (saint), pape, premier du nom, de 440 à 461 , U , 225 , — Léon II (le pape), H , 227, 242. — Uon IX (saint), U , 267, 275. Lèse-majesté au premier chef (crimes de), U, 122. Le8s:u8, 1, 145, 163;— cité, I, 145, 151, 152, 153, 156, 175, 178, 179, 181, 183; n, 72, 84-9, 99, 113-5, 118, 288; — renvoi & des textes non cités, II 119. Lettre circulaire des janséulstes (pré- tendue), II, 155. Lettre d'un ministre à M. Amauld (pré- tendue), U , 155. LiBERTiRs, c'est-à-dire incrédules, I, 67. Liste : la liate de Diana, I, lOO. Locale (la présence), U , 187, 189. Loi (la), faisait des prévaricateurs, I, 122. 135. LoRo : « je n'ai fait celle-ci si longue que parce que je n'ai pas eu le loisir de la faire plus courte, » II, 197. Louis XIII, 1,199. LouvAiR (la Faculté de), H, 114; — thèses des jésuites de Louvain, II, 142. Luoo(le P.), 1,98, 111. Luther : son erreur sur la grâce, II, 251. Maître : a n'entreprenez donc plus de faire les maîtres, » II, 189 cf. 33. Mal (le) : le faire pour le mal même , I , 143. Maroer : Amauld n'a pas dit qu'on ne mange Jésus-Christ qne par la foi , et non par la bouche, II, 185, 187, 204. Marquehert : a ce manquement do li- berté », I, 53. Mabkchale (Madame la) de,... I, 75. Marquise (Madame la) de..., I, 75. Marri, 1,39, 41, 102. Maityr : a conformes aux païens par leur« fautes et aux martyrs par leurs sup- plices, » II, 293. Mascarerhas, II, 181, 203. ai2 TABLE ALPHABÉTIUUE Uédmaxccs : on pcat taer pour des médi- sanoe*! I, 152; II, 03; — restriction i ce mjet, 1, 153. Mentirii impudentisèime , II, 159 (cf. 138), 168. MinoPB (exemple de) dans Aristotd, I, 74, 81. Hkssb : pormiision do vendre deux fois one messe, I, 124 ; — permission de la dire en péché mortel, 1 , 1 25 ; — faci- lités pour l'entendre, I, 210; — les quatre quarts de messe, 21 1 ; — Genève la regarde comme une alwminalion, 11, 177. MsssiBvas les évéqnes, I, 2, 15; II 279 ; — messieurs de l'Académie. 1, 12 ; — messieurs nos maîtres, 1 , 49, MB8TBa(le P.), n, 214, 237. Mkstusat, U, 179,202. MBTHiBa (le P.), U, 155, 166, 174, 187, 191. M1L11A10 (le P.), II, 69. NisÉaABLB : « le croyes-vous vous-mêmes, miM^rables que vous êtes 7 a II , 192. MnuRS : les mœurs et les lois (dans rÉglUe), n,288. BfoHATBA (le contrat), I, 174; II, 289. MoiHBs mendiants, 1, 2 ; — opiner du bonnet comme un moine en Sorbonne, 1 , 25 ; — plus aisés à trouver que des raisons , I , 51 ; — « c'est un sot poste... que celui de moines », II, 291. MouBA, 1 , 31, 92 ; — « la gloire de notre Société, 1 , 155 ; — mis en pendant avec Luther, II , 251 ; — convaincu par Jan- sénitts de plus de !S0 erreurs , II , 260 ; — Molina cité, I, 149, 155, 171, 179, 181, 183; —n, 115, 116, 232, 249, 28^. MoLiBisTB, I, 5, 17 ; n, 2<^. MoKDB (dire des njurcs au), II, 71 MoMTPBLUBB (l'évéqoe de), I(, 222; il s'appelait Bosquet. MbBTBOUAB (M. de), 1, 130. MoBT : permission de demander à Dieu la mort de quelqu'un, I, 145-4$: MystAbb (silence quT est un), 1 , 53 ; — le mystère d'iniquité, I, 175 ; II, 20. Natabbb (docteur de), 1,4, 1(i ; — le ca- suiste Navarre (Martin- A spilcucta dit), I, 95,111,148, 163; n, 84, 117.— Pierre Navarre, antre casuiste, I, 151, 164. Nb : c afin qu'il n'arrîve point... qae ceux que vous rendez innocents dans la théorie ne soient fouettés et pendus dans la pra- tique, a 1 , 132. Nbvtbes (les), à la Sorbonne, I, 50 (cf. 3). NlCODÈBE, U,33. NicoLAÏ(Ie P.), I, 8) NoÉ, n,iio. NoBBBB (le plus grand), dans le sens oà nous disons aujourd'hui, la majorité, I, 7. OBiissAHCB : dispense de l'obéissance mo- nastique, 1 , 127. OccAflioxs prochaines (les), I, 93 ; II, 10. Omniapro temporel nihil pro veritate, U, 60. Obbiub: « où il 7 a une oreille, > I, 63-4. Obioèkb : sa condamnation , II , 226 ; •« combattu dans saint Jérôme, II, 257. OBLiAXS(l'évéqued'), U, 146, 163. ' OsKABBOK (l'impression d'), H, 235. OUBLIBR à, 1, 187. pAttAxisHB (les fausses maximes du), n, 110. Papb : «je veux vivre et mourir... dans la communion avec le pape... hors de laquelle je suis très persuadé qu'il n*j a point de salut, • II, 213 ; — le pape hait et craint les savants qui ne lui sont pas soumis par vœu », II, 3i>0. Pababolb des trois médecins, I, 30. Pabbssb (définition étrange de la), I, 204. Pabis (les curés de), voyes curéi, Paboissb : « quand ai-je manqué... aux devoirs, les chrétiens i leurs paroisses?» U,213. Pavl y, pape de 1605 i 1621, 1, 24, 31 . PéCHé (le) : peut être commis sans qu'on le veuille et sans qu'on le sache , I, 69. PÉiAOB II, pape de 57^ & 590, U, 225 . Pbhalosa (le P.), n, 194 ; cf. 144. i ÉBiTBRCB : on n'est pas obligé d'accep- ter celle que le confesseur impo^, II, j. TABLE ALPHABÉTIQUE 313 PCBBS (les), sans autorité aux yeux des casaistes, I, 99. Péai : elle serait périe, I, 32, 37. PBRsécCTEUft: « cmeU et Iâ.*hes persécu- tenn, » n, 193. FEKsicirrioii , la meiUoare des marques de piété, n, 2*.H. pERSonns (une) qu'il faut honorer, sans le connaître , 1 , 40 ; — Personne , em- ployé comme masculin, 1, 160, 177. PÉTAC (le P.), 1 , 88 ; n , 8 , 252 ; - son livre de la Pénitence publique,!, 103 ; II , 252 ; — je le crois désigné déjà par les mots, quelques livrée, II, 88. Philâguc,!, 193,214. Philippe IV, I, 89. Philosophe (le), pour dire Anstote,I, 73, 79. PiiiLosoPHiQtE (une générosité). H, 279. Pic de la Miharde, 11,227, 24I. PiCAKDiB (les pauvres de) et de Champagne, n, 146(1). PncRAB (saint) : la grâce lui a manqué , I> *7; — Simon et saint Pierre, II. 68. ' PmTEWîAu(leP.), n, 12, 18, 23, 151, 153. Plaise : « oomme il vous plaira , mon révérend Père », I, 184. PoncT : points de fait et pointe de foi, H, 224, 230 (cf. I, 1) ; — point d»honnenr (casuistique du ), I, 141. Pomme : permission de tuer pour une pomme, II, 118. PoKCE^Basile), 1,9*, 110. Port-Royal : que l'auteur n'est pas ,de Port-Royal, H, 173, 212; - calomnies contre Port-Royal, 174, 191 ; — les livres «f que vous appelei de Port-Royal, » 176 ; — leur patience m'étonne , ( celle des hommes de Port-Royal), If, 270. Positive (la), 1, 100, 112. Pbagvb, II, 156. Phatique : vaine distinction de la spécula- tion et de la pratique, II, 92-97. Premier président (BI. Ic^, I, 172. Prêtrise (caractère delà): Saint-Cyran accusé d'avoir cru qu'il n'est pas ineffa- çable, n, 184. Primatie de France (la). H, 147. Lyon prétendait la posséder. Probabilité (la sphôre de), 1, 119 ; ~ la probabilité, II, 287, 288, 290. Voir probables. Probables (doctrine dos opinions), I, 89 , 94, 121 , 127 ; n, 98 ; - * un soufQet probable », II , 127. PaocEssiOH des jésuites, 1 , 52 , 58. Pbocmaik /pouvoir), 1,6, 8, 11 , 13, 19 ; n,231. Promesses : dispense de les tenir, 1 , 207. Propaganda fide (la congrégation efe ) , I, 89. Pbophètes (faux), les Jésuites comparés à eux, 11,302. Proposée, pour se proposer, H, 11, 23. Propositions (les cinq), ne sont pas dans Jansénius, I, 2-3; II, 219-220; — « étaient équivoques ; elles ne le sont plus », n, 294. Prosper (saint), II, 217, 299. PnOTIECIAL, 1, 1, 19. PuY8(M.), n,147,16i,296. QuADRAoésiMALE (de l'obligation de la vie) .* l'opinion des casuistcs contraires à la décision de trois papes, I, 119. QuAUTé : libertins de grandes qualités, I, 07. QuiKzÈME Lettre (la), II, 188, 212, 300. QoiROGA (le P.), n, 143, 161-2. Raillbbib : tourner les choses de la reli- gion en raillerie, I, 185 ; II, 29, 41. — Voir risée; — raillerie de Jésus-Christ, II, 33 ; — railleries des Pères, i6/rf. le eh.« T^î il.S 5i*i*[** ''"*,. *'-^? i^V provinces eurent à souffrir, iparlir de 16V9. voi .ecÔ.rSJ«iîû«?««rfû?.*^ to>rî,«/c. Elles furent tSts îîSéîSJi e^î hîrmnif ?•£"* ri' ?"«' * '» ***« «*»"1°«« **«'«"* des m.gi.- lihiiiï^atïïiiîii, Lîîlnï T*^w*.^''t"""^ ''«"•<'* "»n»oie à un recueil publié par le ïo^îiSS;;! lî ïf«J/J* inlilnle; KecueU des reiatians contenanl ce quhest paJ l'Z 'âss:^f;^jsziz tj^isis, * ^«'^ ^ '*' i>-w«c2r.e iHÂrau u» 18 ari TABLE ALPHABÉTIQUE lUisoK : la raùou ot Iw sens indépendants d« la foi en certaine! clioses, II , 264. RArroETEE (se), pour «'en rapporter, I, 132. Ratisboukb (les religieux de), II, 267, 275. RiTBifRB (Parchovâqne de), II , 263. RÉcoimxsBR (se), pour se faire nne com- pensation , 1 , 130. Reo!KUJ)D8, I, 96, 112, 144, 149, 153, 154,156, 183; n, 4,91,94, 115. Reugibux ({adlités ponr les). 1 , 127 i — l'argent mal gagné doit être restitac aux religieux, I, 181 ; — « je leur de- manderai si en mâmo temps qu'ils se plaignent qu'on ait traité do la sorte des religieux, ils se plaignent encore davan- tage que des religieux aient traité la vérité de la sorte ¦, II, 37. RéPRÉHBXSioifs (règles à suivre dans les), U, 39. Rbpcgnamce, pour contradiction, I, 7, 17 U, 84. Restituée (dispense de) les gains illégi- times, I, 170-187. Rbsteictioes mentales (doctrine de»), I, 200. RévssiE de, II , 39, 50. RÉTBOE : c mais ce sont des rêveurs », I, 62. Riche : assigner un ricbc ponr le voler, au lieu d'un pauvre, 1 , 177. RiCHBLiBO (le cardinal de) : ses Contro- verses, II, 180, 203. RiDicoLE : a vous tourner en ridicules », U, 70, 80. Rien : c qui oserait s'imaginer qu'on fit par toute l'Église autant de bruit pour rien »? U, 268. Rire (le), provient surtout d'une dispro- portion, II , 35. ' Risée : l'impiété mérite la risée, 1 , 31 ; — Dieu joint la risée à la fureur à l'égard des damnés, ibid. Roi (la piété du), I, 147. Romans (que l'auteur faisait des), II , 159, 169. Rome, I, 63, 120; II, 232, 258, 267. RosAiEE (dévotion du), Ij 107. RoDEx, voir Des Bois. RvTBET, 11,32,49. Sa (Emmanuel), I, 90, 111. Sable (le), 1,25 (cf. 14). Sacbemert : c le très saint Sacrement de l'autel, » n, 174. Voir trànsubstan- tiation; — les filtes du Saint-Sacremeut, 175. Sxpe premenle deo,.., I, 98, 411. SAmT-CYBAK (M. de), n, 174, 179, 182, 191,202. Saihtb-Bedve (M. de), U, 217, 238. Saoit-Lodis, II, 217 (cf. Introduction. XXT, note 1). Saimt-Meeei (le tronc de), U, 172, 200, 215. Saiht-Niz ER (curé de). II, 147. Sautt-Paol (le curé de), U, 172. Saiht-Roch (le curé de), II , 172. Sadït-BesoÎt (l'église de), n, 146. Sahcheb (Thomas), 1 , 9o, 110; — a mais aussi c'est Sanchez, » 184 (cf. 147); — cité , I, 79 (aux Variantes), 148, 205 ; II, 13,65. Sakcids, 1, 127, 136-7. Savoir (on fait à), 1 , 33, 37. ScoLASTiQDE : « VOUS u'ôtcs pas bon scho- iastique, » 1 , 99. ScoTVS, II, 17,26. ScYTHiE (proposition de certains moines de), n,2f5-6, 241. Secokd (mon), 1 , 32, 67. Semi-pjSlagieks (les), I, 54. Sbroius, patriarche de Gonstantinople, II , 263. Cela so passe en 633 ; la condamna- tion de l'écrit d'Honorius par le ti* con- cile est de 681. Se suaque liberando» n, 121, 133. Seul '. l'auteur est seul contre un si grand corp^, 11,56, 299. SiHOif le magicien, U , 69. SiMo«iB(la), I,123;u, 68. SiBMOXD (le P. Jacques), U, 227, 241; — le P. Antoine Sirmond , II, 16, 23. Sociéré (la), c'est-à-dire la eociété do Jésus, I, 86 (et 24 aux Vaiiante») ; — « U Société et l'Église courent même for- tune, «II, 297. TABLE ALPHABÉTIQUE 315 SoDooE (la ftptritaelle), II, iS6. SoRBOKiQUE (dans ma), P, 5, 17. SoMOHKB, I, 1, 12; il, 291 ; — « on a bien- délog6 des gens de SoriMnne », II, 214. SoKCiEBS (Ies\ 1 , 170, 184. SoTcs, I, 149, i63. SocFFLBT : permission de toer pour un soufflet, I, 150; II, 8l: — fe soufflet de Coropiégne, Il , 88 ; — c un soufflet probable 9. II, 127. StASBz, I, 91-2, 107; U, 3, 7, 12, 99. Scffisjlsite : voir grâce. ScjET : emploi itarticulier de ce mot, I, 89. •Sdpebvut (le), définition de ce mot par les casuistes, 1 , 115 ; — dispense de donner Taumône de son superflu, 202; U, 57. Tables (la loi des douie), II, 113 ; ~« le.t tables de Jésus-Christ », II , 18S ; — et au aingnlier, 191. Tablettes (car j'y portai des), I, 113. Taedis que, pour tant que, II , 60. TAmiBEOs, I, 123, 136, 149, 154, 156; n,65-8. TbiLEVEiiT qae, pris dans un sens res- trictif , H, 112. TéHÉBAnB : sens particulier de ce mot, I, 87, 103. TéMéaiTé : d'une proposition d'Arnauld , I, 3;n, 224. Templis indueere mores, II, 289. Terme : en terme de, I, 7. Terre (la) : s'il était prouvé qu'elle tourne, « tous les hommes ensemble ne l'enipécheraicnt pas de tourner, et ne .>'empécheraieDt pas do tourner aussi avec elle », II , Ï67 ; — «la terre fondra », II , 294. Terrible : voir atroces. Voir aussi I, 49. Tertoluer , cité pour établir le droit de railler, U, 33,34, 47; U, 225. TlI£ODOR£T,II, 227, 241. Thâologier (mot d'un savant), I, 52; •— disputes de théologiens et non pas de théologie, 1 , 55. TuÉRisB (sainte), II , 288. Thomas (saint), 1 , 6, 12, 32, 123 ; H , 62 , 188, 224, Î52, 26k 265. TflOHisTEs (les), l, 3. 17; II, S.'iî; ~ nouTeaux thomistes, I, 8, 17. Tirer : « On ne s'en peut tirer, » 1 , 9J. Totidem.U, 259,300. TooLovsE (l'arrheTt^quc de), II, 224, 2*0. Trahison : définition de ce mot, I, 14X (cf. 116). Tra m (un si beau), 1 , 24, 35. TRAHSUBSTAxriATiOK (U) : Port- Royal accusé de ne pas j croire , 1 , 46 ; II , 173. Tbbhblemekt : « les plus saints doivent toujours demeurer dans la crainte et dans le tremblement », I, 71. Trente (le concile de), II, 187, 251 . Trinité (la), indifTéreuto au (n»mr de l'homme, H, 294. Tromper : « il ne faudra pas dire... que le papo s'est trompé... mais... que vouk avex le trompé le pape, » II , 230, 212 ; — c mais vous pouvei vous ôtro trompé », II , 300. Toer (permission de), I, 145-158; II, 109- 126 ; — on peut tuer sa partie, les té- moins et le juge, I, 149 ; — somme pour laquelle on peut tuer, 1, 155 ; — il n'est pas mémo )>ermis de se t uer soi- même, n, 110 ; — \oyez justice {forme.i de la). Turcs : « sont-co des chrétiens ? sont-eo des Turcs?» 11,124. TORRIABOS, I, 211, 222. Université (requdte do 1'), I, 151, 16i. Usuriers, ou gens d'affaires, 1, 170, 172. Valentia, 1, 92, 107, 123 ; H, 15, 6*, 68. Yaléribb Magni (le P.), H, 156, 1C8. Le mâme qui est nommé, à une occasion toute différente, dans la Lettre de Pascal k M. de Ribeyre, du 12 juillet 1651. Valets (facilités pour les), 1, 128. Vas (je)', pour je vai;;, I, 8-14 ; U, 212. Vasqobz, I, 92, 107; — appelé le phénix des esprits, I, 101 ; II, 59; — cité, I, 99 (aux Variantes), 116; H, 57, 99. Vendre : on ne peut pas vendre la justice, mais bien l'injustice, 1 , 183. VÉRITABLE : distinction entre véritable et vrai,I, 68,18. Vi^RiTÉ (la) : combien ressemblante e«>t a: :)16 TABli ^^V^StfiKfiQUE l'arrear (dit ironiquemoat) , I, SUT — « il n*y a rien qoe je déteste davaiMAge qae de bletwr tant soit pcn U vérité » , JI, 39 ; — k vérité et k violence, II, 73, 257 ; — « non pas selon U vérité, qni ne change jamais, mais selon votre intérêt, qni chang« à toute heure », II, 153; — U venté eombat poar les siens, II, 193 ; — « la paix et la vérité», II, 280; — U vérité et U charité, U, 293 ; — à moins de l'aimer, on ne sau- rait U connaître, II , 294. YiCTORU, n, 84, 102. YisaxAnM (les £4), I, %, 107. YincB (dévotions à U), I, 196; — U Vierge -obtient que Dieu ressuscite onc femme tout exprès, 197. ViUALOBOfl, I, 126, 136. Via (Le) : « Je ne le puis souffrir, a I, 92. YwaT-QCATU (les), 1 , 92 Ymailb (saint), U, 267. YimfiixiTÉ : doctrine d*un poète païen i ce sujet, opposée à celle du P. Bauny. I, 208; — le livre de k sainte Yirginiié, n, 215, 238. YiTEUBSGin, II , 215. Ydx : « on Pentend anjounThni, oetia voix sainte et terrible, qni étonns k nature et qui eonsole l'Église, • II, 194, 206. Youn (p«;rmuiion de), I, 178; n, 58. YoMiR : il est permis de boire et onanger jusqu'à vomir, I, 205. Yovs (qu'il n'est questiim entre), expres- sion par kquelle l'auteur semble se tenir en dehors de la querelle, II, 268. Com- parer voâ diitputeê, 246. TvBs, évoque de Chartres (1090-1115), U, 121. ZACiuuB (le pape), de 741 à 752, H , 121, 267. ZÈLE aveugle, qui condamne les Provin- ciales, II, 37. ZoziMB, ou plutét Zosime, II, 263. Avait été surpris par Célestius en 417 ; mais le condamna en 418. FIN DE LA TADLC ALPHABETIQUE TABLE DES NOMS PROPRES POUR l'introduction et le commentaire Abnauld (les), I, XLViii. — Araauld d*AndilIy, II , 20&. Augustin (saint;, l , xxxix-xl. Balzac , I , v. BaRDOUX (M.), I » LXXYII. Basse. I, lxv. BaYLE y l , XIX , LXXV. Benoît XIII, 1, lxxxiii. Bert (M. Paul) , I, xxxiii. Boileau, I, XV, Lxxiii, Lxxvi; II, 27. Bordas-Demouun , I, LIV. BoRiN (le P.), II, 103. BoRROMÉB (Charles), I, xviii. BossuET, I, XXVI, XXX, Liv-LViii, Lxxvi , 37, 224; 11, 205, 270. BouHOURS (le P.), I, 19. BOUILLIER (M.), I, LXXIII. Bouquet (M.), 1, x. Brunetière (M.)f n» 277. BUSSY, I, LXVI. Catulle, I, 220. Ghapelalv, I, 41. Chassang (M.), 1, 17, 103. Christine, II, 103. \ Clament XIV, I, xxxi. Cornu (M.), I , lxxvui. Daniel (le P.), I, xxvi, lxxiv, 19, 104, 110, 135, 136, 139, 223. Denis (M. Jacques), II, 271. ^ Desmarets, II, 169. De SoYREs(M.); Avertissement, \, 43, 111, 113, 139; II, 22. 18. É 318 TARfJ: DES NOMS PROPRES Devig (M.)t I, 189. De Gange, I, 216. . Du Hamel, II, 104. Faugère (M.), II, 283-4. Fledry (Claude), I, ii; II, 35. Glasson (M.), Il, 13o. GODEAV, I, XXII. GUILLE, U, 103. GuRY (le p.), I, XXXIII. Hermant, 1, LUI, 36, 106 (où on a imprimé lîermann). Janet (M.)* If Lxxvin. Jéhus-Ghrist, ii*a jamais ri , Il , 49. La Fontaine, 1 , lxxiu. LerIMNIER, I, LXXXVI. LeSIEDR, I, LXV. LiAKCOURT , I , XUX. LiTTRÉ , pas.um, LoNGUEViLLE (la dachesse de), 1, 4i. LORET, II, 208. Maistre (Joseph de), I, xi, xxv, lxviii, lxxvii, lxxxvi. Manilius, I, 221. Martial , II , 240. Mayxard (M. Tabbé), I, lxv, lxxxvi, 105, 461, 166, 190, 220; II , 75, 106. MéziÈREs (M.), I, Lxxvin. Michel (M. Henry), 1, 18. Molière, I, lxxi, lxxvii, îiO, 78, 161, 162. MOLINA, I, XL. MORIN (M.), I, XXXIII. MOYA, I, XII. Nicole, I, lxiv tipamm. NlSARD (M.), I, LXVI. Ovide, I, 98. Paul (saint), I , xxxvii. PRRIBR (Marguerite). 1 , vu. Perrault (Charles), I, l, lxxiv-lxxv. Philibert (M.), I, lxxviii-lxxu. Pie VII , I , xxxii. PiROT (le P.), I, xvni, Lxvii, lxx , 81, 217, 218, 222; II, 21. Platon, I, lxxiii. Racine, I, lix, lxx, 14, 42; II, 129, 201. TABLK ù&é SOMS PROPRE:^ Jl9 KlPOl (le P.J, I, XT, XXITr SXF, LX, LXB, lzsxvh, iUi. ficus {M.}, I, S^, Aerz (le fanftwi cie' . I^ lxsxh. RifiAiTLT (ffippaI]Pt^* F. xm» Sact, I, ». Sjuxis-BkirWy I, m, xxni, xxcl^ l. ui, LJiv, lxsnu^ lu* ru ^ Sccsin (Ibdeleme de), l, i2; 11^ ltf9. SÉncn (la naRpiiae de, I, lzxiz» Sixsux, n, 90O. SoTBES (M. Dcv ?«» De Aiyr» ,3L;. Tunx (M.), Il, 277. TflOBjia (Piene), seor da Foîk» . I * x. Yaz&slas^ I, 17. ViLLEjun, 1, lxsue; D. 207. VoLTJiUE, 1, XI, XOI; LXVI, LX^VI. E.XXL\ . LlXXIl. FIX ftE L.% TjkRLE DES .\OX^ PBOPUÙi TaTsiis écrit à la page LV de riniroduction : «'Aîusî, en dëii* nitiTe, aiicoii trayaii de Bossnci sur ces questions n'a été signé et pabliqnement STOuéde lui, sans doute parce qu'il nétaU pas arrivé à se satisfaire lui-même. ¦ Biais M. F. Branetières {Rerm des Ihuj^ Mondes da l*' septembre 1885 p. 205), a très justement objec^tô que Bossaet a laissé en manuscrit pendant toute sa vie bien d'au- tres ouTrages que ceux qui se rapportent à la grâce. Je me rentls sans hésitation à cette critique, et je retire mou explication i)4. » Paris. — Impriraone G. Gciuois , 3, ruo MacUme. — Sucouini. à PoUicii* DEC ? 7 1917